Asthme : une nouvelle cible thérapeutique potentielle est identifiée

Publié le 10/01/2002
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De notre correspondante
à New York

L'asthme allergique est caractérisé par une inflammation et une hyperréactivité chronique des voies aériennes qui sont induites par les lymphocytes T helper 2 (Th2). Puisque les lymphocytes T helper 1 (Th1) antagonisent les fonctions des cellules Th2, il a été proposé que la déviation immune vers les cellules Th1 pourrait protéger contre l'asthme et les allergies.

Des études chez la souris ont apporté une réponse nuancée à cette proposition : l'expression accrue d'interféron gamma (IFN gamma) par les cellules Th1 protège effectivement contre l'asthme allergique, mais le transfert de cellules Th1 n'atténue pas l'hyperréactivité et l'inflammation induites par les cellules Th2. L'accent est donc mis sur l'expression d'IFN gamma par les cellules Th1. Or cette expression est contrôlée par un facteur de transcription de la famille T-box qui a récemment été identifié : la protéine T-bet (pour T-box expressed in T cells).

Expression réduite dans les poumons d'asthmatiques

Une équipe de chercheurs américains et allemands, dirigée par le Dr Laurie Glimcher, de Harvard (Boston), a donc conduit une série de travaux sur le facteur de transcription T-bet. Ils ont détecté la protéine T-bet dans le tissu pulmonaire, ont découvert que la plupart des cellules qui l'expriment sont des cellules T CD4+ (Cf. encadré) et ont constaté que l'expression de T-bet est significativement réduite dans les poumons des asthmatiques, comparativement aux sujets non asthmatiques.
Ces observations sur le tissu humain ont conduit les chercheurs à supposer qu'un « déficit en T-bet pourrait récapituler les aspects du phénotype asthmatique ». Ils ont testé l'hypothèse en examinant des souris knock-out déficientes en T-bet. Leurs observations sont positives. Ces souris knock-out, qu'elles soient totalement (homozygotes) ou partiellement (hétérozygotes) déficientes en T-bet, développent spontanément (en l'absence de toute exposition à un allergène) tous les aspects physiologiques et inflammatoires caractéristiques de l'asthme aigu et chronique, à savoir : une hyperréactivité des voies aériennes (en réponse à la métacholine), une infiltration inflammatoire péribronchique, un remodelage des voies aériennes caractéristique de l'asthme chronique et la production d'un profil de cytokines dans le liquide alvéolaire (IL4 et IL13) associé à l'asthme. Ce phénotype est similaire à celui que l'on peut observer chez des souris normales qui, après avoir été sensibilisées à un allergène, y sont exposées.

Le chromosome 11, déjà lié à l'asthme

Ces données suggèrent, d'après les chercheurs, que la protéine T-bet pourrait « être une cible intéressante pour le développement de médicaments antiasthmatiques ». Puisque les souris porteuses d'une seule copie de T-bet (hétérozygotes) ont un phénotype asthmatique, « des changements subtils de l'expression ou de l'activité de T-bet pourraient procurer un moyen de moduler la réponse asthmatique », notent-ils. Ainsi, la recherche de composés ou de petites molécules qui augmentent l'activité de T-bet pourrait peut-être permettre d'améliorer l'asthme.
Les chercheurs offrent en conclusion une remarque fascinante : le gène T-bet est situé sur le chromosome 11, dans une région qui a été liée génétiquement à l'hyperréactivité des voies aériennes chez la souris, et récemment liée à l'asthme chez les hommes.

« Science » du 11 janvier 2002, pp. 336 et 338.

Dans les CD4, mais pas les CD8

Le rôle joué par T-bet dans le contrôle de la production d'interféron gamma (IFN gamma) et le développement et la différenciation des cellules T est précisé par Szabo, Glimcher et coll. dans un second article de « Science ».
L'analyse du système immun chez les souris déficientes en T-bet leur a permis de faire un premier constat inattendu. Bien que la protéine T-bet soit exprimée dans les trois types de cellules qui produisent l'interféron gamma, à savoir les cellules T CD4+, les cellules tueuses naturelles (NK) et les cellules T CD8+ cytotoxiques, T-bet ne contrôle la production d'IFN gamma que dans les cellules T CD4+ et les cellules tueuses naturelles, et non dans les cellules T CD8+. « Cela démontre que les cellules T CD4+ et CD8+, étroitement apparentées et issues d'un progéniteur commun dans le thymus, ont néanmoins développé des mécanismes distincts pour le contrôle transcriptionnel de la production d'IFN gamma », notent-ils.
Le second constat est que T-bet induit non seulement le développement des cellules Th1, mais qu'il supprime aussi activement la différenciation des cellules Th2. « T-bet est un facteur de transcription requis pour l'engagement vers la lignée Th1 », déclarent les chercheurs.

Dr Véronique NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7042