Les polynucléaires éosinophiles jouent une rôle essentiel pro-inflammatoire chez les patients atteints d'asthme. On retrouve en effet ces cellules ou certains de leurs médiateurs au sein des sécrétions pulmonaires des malades, ce qui n'est jamais le cas chez les sujets sains. En outre, la mise en place d'un traitement visant à diminuer, voire à supprimer toute infiltration tissulaire pulmonaire par des éosinophiles améliore de façon constante les symptômes cliniques d'asthme et les fonctions respiratoires aux épreuves fonctionnelles respiratoires.
L'utilisation d'anticorps dirigés contre l'Interleukine 5 - une substance sécrétée par les éosinophiles - ne permet pas de conclure à une participation active de ces cellules dans le développement de la maladie en réponse au contact d'un allergène. Il semblerait donc que ce type de polynucléaires ne joue un rôle que dans les exacerbations de la maladie. La mesure de la concentration des expectorations en éosinophiles permet de retrouver une majoration de leur nombre dans les semaines précédant une recrudescence des symptômes.
Pour cette raison, une équipe de pneumologues britanniques de Leicester a proposé une étude comparative de deux stratégies thérapeutiques appliquées à des sujets asthmatiques âgés de 18 à 75 ans. La première de ces stratégies retenue est celle proposée par la British Thoracic Society (groupe 1). Elle prend en compte les signes cliniques ressentis, la mesure du débit de pointe et la quantité de bêta 2 mimétiques utilisés. Différents médicaments peuvent être prescrits outre les bêta 2 mimétiques : corticostéroïdes inhalés, antileucotriènes, théophylline, bronchodilatateurs nébulisés et corticoïdes par voie orale.
Valeur seuil, 3 % du total des polynucléaires
La seconde stratégie est fondée sur l'analyse régulière du compte des éosinophiles dans les crachats (groupe 2). Chez tous les patients de ce groupe, un traitement à visée anti-inflammatoire bronchique et des bronchodilalateurs sont prescrits systématiquement. L'intensité du traitement anti-inflammatoire - inhalé et/ou oral - est établie à partir de la mesure des éosinophiles réalisée dans les crachats en retenant comme valeur seuil 3 % du nombre total des polynucléaires. Au-dessus de ce chiffre, le traitement anti-inflammatoire est intensifié ; entre 1 et 3 % il est poursuivi, et, lorsqu'il est inférieur à 1 %, il est suspendu. La surveillance des asthmatiques de ce groupe a aussi été fondée sur la mesure du monoxyde d'azote (NO) expiré, reflet indirect du degré d'inflammation des muqueuses bronchiques et par l'évaluation des concentrations de métacholines entraînant une diminution de 20 % de la valeur de VEMS (métacholine PC20).
Les investigateurs britanniques ont inclus dans l'étude 74 patients qui ont été randomisés pour recevoir l'un des traitements pendant un an. Une surveillance mensuelle clinique et paraclinique a été établie. La mesure moyenne du nombre des éosinophiles était de 63 % inférieure dans le groupe 2 par rapport au groupe de référence. D'une façon similaire, la valeur de la concentration du NO expiré était inférieure de 48 % chez ces patients. Enfin, les doses de métacholine nécessaires pour entraîner une baisse de 20 % du VEMS étaient deux fois plus importante chez les sujets du groupe 2 que chez ceux du groupe 1 à 6 mois et à 1 an.
En outre, le nombre des exacerbations cliniques était plus élevé chez les patients ayant suivi le traitement conventionnel (109 contre 35), ainsi que le recours aux corticostéroïdes par voie orale (73 contre 24). En dépit de ces données, l'appréciation individuelle visuelle des symptômes, le score de qualité de vie, l'amplitude du débitmètre de pointe après utilisation de bronchodilalateurs et l'utilisation de bêta 2 mimétiques n'ont pas été significativement corrélés au type de traitement.
Pour le Dr Ruth Green, « un traitement établi sur la mesure du nombre des éosinophiles des crachats peut permettre une diminution du nombre des exacerbations cliniques mais n'influe pas sur la faculté de réponse du tractus respiratoire à la mise en contact avec un allergène. Il semblerait que cette donnée soit plutôt en rapport avec le nombre des mastocytes présents localement ».
Cette étude, qui n'a pas été effectuée en double aveugle, ne s'adressait qu'à des patients bien compliants traités pour un asthme moyen ou sévère en milieu hospitalier et ne peut donc être, dans l'état, généralisée à tous les asthmatiques.
« The Lancet », vol. 360, pp. 1 715-1 721, 30 novembre 2002
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