Les importantes variations géographiques des prévalences de l'asthme et de l'allergie chez l'enfant, mises en évidence par l'étude ISAAC (International Study of Asthma and Allergies in Childhood), sont toujours en manque d'explication.
Les prévalences plus faibles observées dans les pays de l'Est contrastent curieusement avec les records de pollution enregistrés dans ces pays. Si la pollution a bien un rôle dans le déclenchement des crises chez les asthmatiques, il faut donc trouver autre chose pour rendre compte de l'apparition proprement dite de l'asthme. La piste la plus intéressante à ce jour concerne la relation inverse, observée en comparant l'ex-RFA et l'ex-RDA, entre infections dans la petite enfance et survenue de l'asthme. La protection vis-à-vis de l'asthme que constituerait la mobilisation de l'immunité contre des infections n'est toutefois qu'une hypothèse, même si elle mérite d'être approfondie.
Une sorte de suite de l'étude ISAAC
Dans le « Lancet », une sorte de suite donnée à l'étude ISAAC apporte un élément supplémentaire. Il s'agit d'une comparaison de la prévalence de l'asthme et des signes d'atopie chez un millier d'enfants de Tirana, âgés de 9 à 11 ans, et autant d'enfants britanniques du même âge, résidant dans le Sussex. On note que c'est entre ces deux pays que l'étude ISAAC avait relevé l'écart le plus important en matière d'asthme : alors que 3 % des Albanais âgés de 13 à 14 ans rapportaient des sifflements dans les douze derniers mois, 32 % des jeunes Britanniques étaient dans ce cas.
Des enfants un peu moins âgés ont été examinés pour rechercher des dermatites au niveau des plis de flexion et ont été soumis à un test d'effort pour apprécier la réactivité bronchique, ainsi qu'à des prick-tests. Un questionnaire sur les antécédents suggestifs était, en outre, rempli par les parents.
Comme prévu, l'hyperréactivité bronchique s'est révélée plus fréquente parmi les enfants britanniques : 5,4 %, contre 0,8 % parmi les enfants albanais. De même, les antécédents d'eczéma ont été signalés moins fréquemment par les parents des enfants albanais, ce qui est cohérent avec l'observation trois fois moins fréquente de dermatites au niveau des plis chez ces enfants. En revanche, les taux de sensibilisation allergique sont apparus peu différents d'une population à l'autre (15 % chez les Albanais, contre 17,8 % chez les Britanniques). Le seul écart est en fait qualitatif, les enfants albanais réagissant davantage à D. pteronyssinus et Alternaria, quand les Britanniques sont plus volontiers sensibilisés aux pollens d'herbes et d'arbres. En outre, dans les deux pays, l'atopie apparait associée aux sifflements. Mais des réponses positives aux prick-tests ne sont associées au bronchospasme d'effort que chez les Britanniques.
Un facteur protecteur chez les Albanais
Certains résultats de l'étude ISAAC, comparant les pays « de l'Est et de l'Ouest » autour de la mer Baltique, suggéraient des écarts de sensibilisation allergiques parallèles aux écarts en matière d'asthme. En fait, la comparaison des situations britannique et albanaise suggère que cette association est inconstante. Il semble donc qu'un facteur protecteur, indépendant de l'atopie, fasse barrage à l'apparition de l'asthme chez les enfants albanais, et que les enfants britanniques n'en bénéficient pas. Comme l'indiquent les auteurs, il s'agit là d'un argument supplémentaire pour découpler l'asthme et l'atopie, et d'une incitation de plus pour rechercher « les facteurs protégeant les enfants albanais (avec ou sans allergie), qui sont autant de pistes pour la prévention de l'asthme dans les pays de forte prévalence ».
A. Priftanji et coll. « Lancet », 2001 ; 358 : pp.1426-1427.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature