Les pathologies allergiques connaissent une origine multifactorielle et seraient liées à une interaction complexe entre génétique et environnement. Parmi les facteurs influençant la survenue de telles pathologies, certaines composantes immunitaires prénatales - notamment, la capacité à sécréter des cytokines par le biais des cellules T helper 1 et 2 - et postnatales, en rapport avec la maturation des fonctions immunitaires. Afin de préciser les mécanismes prénatals en cause dans le développement de l'allergie, une équipe de chercheurs australiens a mis en place une étude fondée sur l'analyse des différentes cytokines présentes dans le sang de cordon de 407 enfants et sur l'influence de ces concentrations sur l'incidence d'asthme ou d'allergie à l'âge de 6 ans. Différents dosages de cytokines ont été effectués sur du sang cryopréservé : interleukines 4, 5, 6, 10, 12 et 13, interféron gamma et TNF alpha.
Les cytokines dans le sang du cordon
« Le taux de détection et les concentrations sériques des différentes cytokines se sont révélés extrêmement variables dans la population étudiée. De l'interleukine 4, par exemple, a été détectée chez 73 % des enfants, alors que ce taux n'était que de 69 % pour l'interleukine 6, de 46 % pour l'interleukine 13, de 37 % pour l'interféron gamma, de 26 % pour le TNF alpha, de 15 % pour l'interleukine 10 et l'interleukine 12 et de 6 % pour l'interleukine 5 », analysent les auteurs. Les concentrations en interleukine 4 étaient significativement associées à celles en interleukine 13 et en interféron gamma ; les concentrations des interleukines 10 et 6 étaient, elles aussi, corrélées.
A l'âge de 6 ans, 34 % des 407 enfants suivis avaient déjà été diagnostiquées comme asthmatiques (contre 31 % dans une population contrôle appariée), 25 % avait contracté au moins un épisode de bronchite sifflante dans les douze mois précédents (contre 22 % chez les témoins) et 40 % présentaient des signes d'allergie aux prick tests cutanés (contre 42 % chez les témoins). Chez les sujets ayant des concentrations détectables d'interleukine 4 ou d'interféron gamma sur le sang de cordon, le risque d'asthme à l'âge de 6 ans est diminué de 40 %, celui de bronchite sifflante, de 61 %, et celui d'atopie, de 48 %. En revanche, des concentrations élevées de TNF alpha sont associées à une baisse du risque d'atopie, mais n'influent pas de façon notable sur l'incidence de l'asthme.
Le tabagisme maternel
Les auteurs ont aussi effectué une analyse en sous-groupes, en prenant en compte un éventuel tabagisme actif ou un passé tabagique chez la mère. Cette analyse a permis de montrer qu'un tabagisme maternel présent ou passé influence à la fois les taux d'interféron alpha et d'interleukine au moment de la naissance et l'incidence de l'asthme à l'âge de 6 ans. Si, pour les mères fumeuses, le mécanisme en cause pourrait être lié à un effet direct hypoxie, pour les anciennes fumeuses, l'effet de la nicotine sur le système immunitaire materno-foetal pourrait se révéler plus complexe.
Parmi les biais possibles à cette étude, il convient de noter que le taux d'asthme et/ou d'atopie chez les parents des enfants de la cohorte était de 73 %, contre 51 % dans une population témoin.
En outre, le Dr Catherine Holberg souligne, dans un éditorial associé, qu' « il n'a jamais, jusqu'à présent, été prouvé que le taux de cytokines du sang de cordon était exclusivement influencé par des facteurs maternels et que certaines particularités foetales génétiques propres pourraient, elles aussi, jouer un rôle sur ces valeurs ».
« The Lancet », vol. 362, pp. 1166-1167 et 1192-1197, 11 octobre 2003.
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