Le constat est connu : depuis 1960, la fréquence de l'asthme augmente chez l'enfant de 6 à 10 % par an dans tous les pays, pour atteindre en France, actuellement, 7 % chez les 6-7 ans et 13,5 % chez les 13-14 ans. Et si la mortalité due à l'asthme a régressé dans un certain nombre de pays, dans l'Hexagone elle n'a pas diminué.
Dans une expertise collective toute récente**, réalisée à la demande de la CANAM (caisse des travailleurs indépendants), l'INSERM rappelle les chiffres de cette « épidémie aux conséquences économiques importantes » et fait de nombreuses recommandations.
L'analyse des causes de cette flambée, tout d'abord. En partie, l'amélioration du dépistage et des outils de diagnostic, mais surtout les changements environnementaux, en particulier la diversification des allergènes et l'augmentation de l'exposition allergénique, notamment liée aux modes de vie urbains et à la pollution de l'air, dont, souligne l'INSERM, la responsabilité reste encore mal définie. Le rôle des infections de la petite enfance reste discuté : certaines, comme les bronchiolites, ont été suspectées d'induire un état allergique, mais les données les plus récentes ne vont pas dans ce sens ; d'autres pourraient jouer un rôle protecteur.
L'INSERM, qui note qu'il n'existe aujourd'hui aucun marqueur biologique univoque de l'état asthmatique, alors qu'il est si important de traiter le plus tôt possible, fait des recommandations tous azimuts qui témoignent de l'ampleur du problème. Il faut renforcer les recherches épidémiologiques et fondamentales pour identifier les événements responsables de l'inflammation bronchique et de la progression vers l'asthme, afin d'élaborer des stratégies scientifiques de prévention. Pour optimiser le suivi des traitements et la prévention des crises, il apparaît « raisonnable » d'éviter le plus possible le contact avec les facteurs de risque potentiels (acariens, fumée de tabac, polluants liés aux moteurs Diesel, produits chimiques irritants, virus, etc.) avant même d'avoir les preuves de leur responsabilité. En la matière, l'OMS a établi des recommandations internationales qui, selon les experts, ne sont pas bien suivies dans notre pays ; il faut les adapter à la France, puis les diffuser auprès du corps médical. Il faut aussi renforcer l'éducation de tous : patients et leur entourage, personnel médical, grand public, personnel du milieu scolaire, etc. Il faut notamment diffuser l'information sur la circulaire organisant l'accueil à l'école des enfants atteints de troubles de santé, afin de généraliser l'utilisation des projets d'accueil individualisés.
Dernière recommandation - et très vaste programme : il faudrait étudier la faisabilité de l'éradication de facteurs incriminés dans la progression de l'asthme. En attendant, compte tenu de données récentes sur le rôle important de l'âge d'exposition à l'allergène, les experts soulignent qu'il faut prendre en compte ces données pour l'aménagement des crèches et des écoles : éviter les équipements connus pour favoriser le développement des acariens, ne pas trop chauffer les locaux, interdire les petits animaux, et particulièrement les rongeurs...
* « Asthme, dépistage et prévention chez l'enfant », éditions INSERM, 76 pages, 13 euros.
** Le groupe d'experts réunissait Jean Bousquet (immunopathologie de l'asthme, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier), Florence Demenais (épidémiologie génétique des maladies multifactorielles, INSERM EMI 06, génopôle d'Evry), Alain Grimfeld (chef du service de pneumologie et d'allergologie, hôpital Trousseau, Paris), Françoise Neukirch, épidémiologie de l'inflammation des voies aériennes, INSERM U408, faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris), Pierre Scheinmann (chef du service de pneumologie et d'allergologie pédiatriques, hôpital Necker, Paris).
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