XAVIER BERTRAND pouvait difficilement laisser en suspens le dossier de la responsabilité civile professionnelle (RCP) : Jacques Chirac l'avait sommé l'été dernier de «trouver rapidement une solution pérenne» au problème du coût de l'assurance qui pénalise certains spécialistes libéraux, obstétriciens en tête.
C'est avec un large sourire que le ministre de la Santé a annoncé au MEDEC qu'il avait tenu ses engagements (« le Quotidien » du 16 mars). Comme la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007 l'exigeait, Xavier Bertrand est parvenu à faire signer un accord-cadre aux partenaires concernés. Ce protocole pose les conditions d'une meilleure entente entre les assureurs et les médecins. Les signataires promettent de faire toute la transparence sur la sinistralité médicale. Ils s'engagent aussi à renforcer la prévention des risques, et à étudier la piste d'une intégration partielle du coût du risque médical dans les tarifs conventionnels (voir encadré). Depuis quelques jours, les signatures s'empilent sur le bureau de Xavier Bertrand. Son homologue de Bercy a paraphé l'accord-cadre. Les fédérations d'assureurs ont emboîté le pas de Thierry Breton, suivies de la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français), du SML (Syndicat des médecins libéraux), d'Alliance, et de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam). La FMF (Fédération des médecins de France) et MG-France ont en revanche décidé de boycotter l'accord, considérant que celui-ci n'apporte pas de garantie financière suffisante aux médecins. En arrière-plan, se dessine aussi un enjeu conventionnel : «Que seuls les syndicats signataires de la convention médicale soient appelés à discuter des modalités d'une éventuelle intégration du coût du risque dans les tarifs médicaux, nous ne sommes pas d'accord», précise le Dr Djamel Dib, de la FMF. La question «dépasse de loin la convention médicale», ajoute MG-France.
L'opposition de deux syndicats médicaux ne rend pas caduc pour autant l'accord-cadre : il entrera en vigueur à la fin de mars, d'après le ministère de la Santé.
«Tout n'est pas réglé, mais on a là un accord de principe pour travailler avec les assureurs. C'est une avancée», commente le Dr Hubert Wannepain, à la Csmf. Les assureurs promettent d'être plus loquaces sur leurs rentrées et sorties d'argent. «On va davantage communiquer. C'est important que les médecins et le ministère de la Santé sachent qu'on a quelques sinistres de plusieurs millions d'euros cette année», expose Jean-Yves Nouy, le directeur de la Sham (Société hospitalière d'assurances mutuelles).
La Fédération française des sociétés d'assurances (Ffsa) estime que «l'accord-cadre va dans le bon sens car il vise à améliorer les pratiques». Mais de là à promettre une stabilisation des primes des spécialistes à risque, c'est une autre affaire. «Nous espérons que l'accord aura un effet réducteur sur la sinistralité médicale, mais on ne peut aujourd'hui en prévoir l'impact. Pour cette raison, les assureurs ne peuvent pas prendre d'engagement sur l'évolution à venir des primes», explique Claude Delpoux, directeur des assurances de biens et de responsabilité de la Ffsa. Or c'est bien là le noeud du problème.
Les obstétriciens, eux, auraient souhaité une décision politique plus radicale, les mettant durablement à l'abri d'une nouvelle flambée des primes. «Il aurait fallu écrêter l'indemnisation des sinistres médicaux au-delà de 3millions d'euros pour limiter le trou de garantie mais, cela, les assureurs n'y sont pas favorables, déplore le Dr Jean Marty, du Syndicat national des gynéco-obstétriciens (Syngof). Les syndicats médicaux n'auraient jamais dû signer cet accord-cadre, car il ne règle rien. Il permet juste au ministre de la Santé de se défausser de ses responsabilités.»
L'écrêtement en ligne de mire.
Le ministère de la Santé se retranche derrière l'avis de l'Igas, qui considère qu'il n'y a pas de risque immédiat de flambée des primes en RC médicale, pour justifier sa position. Malgré tout, Xavier Bertrand continue de penser qu'il faudra un jour ou l'autre en passer par l'écrêtement, un dispositif qui bascule sur la solidarité nationale l'indemnisation des lourds sinistres. Il remet à son successeur le soin de prendre cette mesure qui, à l'évidence, mécontentera la plupart des assureurs, soucieux de conserver dans leur portefeuille la RC des médecins, mais aussi – et surtout – leurs contrats automobiles ou leurs assurances-vie.
La Ffsa milite d'ailleurs pour un statu quo. «Il n'y a pas lieu de modifier les règles de la RC médicale pour le moment, affirme Claude Delpoux. Il faut se méfier des décisions hâtives qui prétendent tout régler. Les discussions de 2006 ont montré qu'il n'y a pas de solution miracle.»
Mais les syndicats médicaux non signataires de l'accord-cadre n'entendent pas lâcher le morceau. «Sur un plan politique, Xavier Bertrand a intérêt à tenir compte de nos remarques. Il ne peut continuer à ignorer un syndicat comme la FMF qui pèse lourd», tonne le Dr Dib. «François Bayrou nous courtise», ajoute à dessein le syndicaliste.
Un pacte à trois axes
L'accord-cadre relatif aux charges d'assurance de responsabilité civile professionnelle des médecins repose sur trois axes. Le premier axe vise à rétablir un dialogue pacifié entre assureurs et médecins. Les assureurs s'engagent à transmettre annuellement diverses données à leur autorité de contrôle (nombre de sinistres, montants des primes, des paiements et des provisions), afin de «faciliter les échanges entre fédérations de l'assurance et syndicats de médecins sur la question des niveaux de primes d'assurance». Le deuxième axe divise les syndicats médicaux : «Dans le cadre de l'évolution de la Ccam, est-il stipulé, l'Uncam s'engage à étudier, avec ses partenaires conventionnels, les modalités d'une meilleure prise en compte dans la définition des tarifs du niveau de charges d'assurance que doivent supporter ces médecins. (...) La commission de hiérarchisation des actes et prestations pourra être saisie, s'il convient de revoir la hiérarchisation de certains actes.» Plus consensuel, le troisième axe engage les signataires «dans une démarche d'amélioration de la prévention des accidents médicaux et de la gestion du risque médical». Les signataires s'engagent à promouvoir la démarche d'accréditation auprès des médecins. Pour établir les recommandations de bonnes pratiques, la Haute Autorité de santé (HAS) va désormais consulter les assureurs, mais l'accord-cadre précise que ceux-ci n'auront pas accès aux données nominatives concernant les praticiens accrédités qui déclarent à la HAS les événements porteurs de risques.
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