La forte augmentation, ces dernières mois, des primes d'assurance en responsabilité de certains spécialistes, en l'occurrence les médecins échographistes, fait rebondir la polémique sur la stratégie d'opportunité des rares assureurs qui occupent encore le marché de la santé en France (après le désengagement des deux compagnies américaines, St Paul et Ace).
Le Dr Alain Choux, médecin doppleriste à Suresnes (92), président de l'Alliance pour le financement de la retraite des médecins (AFIRM), vient d'autoriser l'avocat du Lien (1), maître Lagrange, « à entreprendre tout contentieux » devant la direction générale de la Concurrence et de la Répression des fraudes (DGCCRF), « quant à l'attitude irresponsable des assureurs du Sou médical, d'une part, et de la MACSF (Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français), d'autre part ». Selon le Dr Choux, les deux sociétés « ont multiplié par trois ou quatre » les primes d'assurance qui couvrent la responsabilité professionnelle des médecins échographistes pour qui « la cotisation exigée est passée de 600 à 2 110 euros », ces derniers mois. Une augmentation qu'il juge « scandaleuse », compte tenu de certaines « erreurs de gestion » passées (la MACSF vient de sauver - et d'absorber ? - le Sou en y injectant 30 millions d'euros), mais surtout de l'évolution de la législation qui, selon le Dr Choux, sera finalement très favorable aux assureurs. La plainte pour le compte de l'AFIRM devrait être déposée « avant la fin de la semaine » et il n'exclut pas d'autre recours « devant les tribunaux, cette fois ».
Risque « trois fois plus lourd »
Interrogé à propos de l'augmentation « opportuniste » des primes de certains spécialistes exposés au risque, Michel Dupuydauby, directeur général de la MACSF, est clair. « Que les médecins laissent aux assureurs le soin de faire le métier, résume-t-il. Moi, je ne m'amuserai pas à aller soigner les gens ». « Ce qui compte, explique-t-il, ce n'est pas simplement les ouvertures de déclaration (de sinistre) mais plutôt la probabilité que le médecin soit reconnu responsable ». Or, ajoute-t-il, « si le nombre de sinistres n'a pas explosé, il y a bien un changement. Avec la jurisprudence passée, l'ordre de grandeur était de un médecin sur quatre reconnu responsable, avec celle d'aujourd'hui, il y en a trois sur quatre, donc le risque est trois plus lourd qu'il l'était jadis ».
La loi Kouchner (4 mars 2002) et, surtout, la future loi About changent-elles profondément la donne pour les assureurs, comme l'affirme le Dr Choux ? « Ce n'est pas parce que des lois arrivent, tranche Michel Dupuydauby, que les choses changent brusquement. Ce que les médecins payent cette année, c'est en fonction de la jurisprudence qui prévalait avant que la loi Kouchner soit votée ».
Quant au cas particulier des échographistes, il est apprécié prudemment par le directeur général de la MACSF. « Ils ne sont pas exonérés pour les erreurs de diagnostic, estime-t-il. Leur responsabilité a été peut-être sensiblement modifiée : mais il y a le préjudice moral et on a eu récemment des demandes de décision en première instance de préjudice moral à deux millions de francs... ». En conclusion, Michel Dupuydauby, n'est « pas capable de dire aujourd'hui, parce que c'est trop récent, comment les juges vont appliquer la loi Kouchner ». Et encore moins la loi About. D'où une prudence de Sioux, qui se traduit pour l'instant... par des augmentations de primes ciblées sur certains spécialistes.
« Ne généralisons pas, met en garde Michel Dupuydauby. Sur 250 000 professionnels de santé assurés (par le Sou et la MACSF) , il y en 247 500 qui n'auront pas beaucoup de problèmes, c'est-à-dire tous ceux qui ont des exercices "normaux", les kinés, les généralistes, les chirurgiens-dentistes, etc. Pour tous ceux-là, on va rester dans une position d'attente ». Enfin, l'obligation pour la MACSF de rétablir les comptes dégradés du Sou médical ne va-t-elle pas peser, d'une manière ou d'une autre, sur les primes demandées aux médecins ? « Il n'y a pas, dans notre réflexion, de rattrapage sur le passé », assure Michel Dupuydauby.
Et dès que les choses seront plus « prévisibles », les tarifs baisseront à nouveau. Parole d'assureur.
(1) Association "le Lien", qui défend les victimes de dommages nosocomiaux.
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