C E fut l'une des réformes les plus ambitieuses de l'assurance-maladie et du système de santé. Ce fut aussi l'une des plus décriées par le corps médical. Ce fut, enfin, à bien des égards, une réforme avortée.
Il y a cinq ans, jour pour jour, le 24 avril 1996, Jacques Chirac signait trois ordonnances sur l'organisation de la Sécurité sociale, la « maîtrise médicalisée des dépenses de soins » et la réforme de l'hospitalisation publique et privée. Ces trois textes, publiés après la réforme constitutionnelle de février 1996 prévoyant le vote annuel d'une loi de financement de la Sécurité sociale et des mesures d'urgence prises, en janvier de la même année, pour redresser les comptes sociaux, devaient permettre l'entrée en application de la réforme de la Sécurité sociale annoncée par le Premier ministre, le 15 novembre 1995.
Cinq ans après, que reste-t-il du plan Juppé ? La maîtrise médicalisée des dépenses de médecine de ville, basée sur le respect de références médicales ou de référentiels de bonne pratique, est au point mort. L'obligation de suivre une formation médicale continue demeure toute théorique. L'informatisation des cabinets progresse mais les réseaux de soins ne se développent qu'à pas comptés. Et surtout, ni le système des reversements d'honoraires - à l'origine du conflit qui a éclaté, en 1996, entre Alain Juppé et l'immense majorité du corps médical - ni celui des lettres clés flottantes mis en place par Martine Aubry n'ont permis de maîtriser les dépenses de médecine de ville. Enfin, le divorce persiste entre la majorité des médecins libéraux et les pouvoirs publics qui n'ont pas remis en cause la philosophie du plan Juppé.
En matière d'hospitalisation, le bilan est plus positif : les agences régionales de l'hospitalisation, les dotations budgétaires régionalisées ont trouvé leur place. L'accréditation, c'est-à-dire l'évaluation de la qualité, des hôpitaux et des cliniques, quoique lente et imparfaite, constitue une petite révolution culturelle.
Force est de constater aussi que, malgré une certaine clarification des rôles, le partage des compétences entre les caisses d'assurance-maladie et l'Etat reste très imparfait.
A l'heure où tous les experts ne jurent que par le décloisonnement du système de soins, par l'abolition des barrières entre médecine de ville et hospitalisation, à quoi bon maintenir un système où la Caisse nationale d'assurance-maladie doit gérer, sous étroite surveillance, les dépenses de médecine de ville et où l'Etat garde la haute main sur les dépenses et la politique hospitalière et sur la politique du médicament ? Quant au vote, chaque année, par le Parlement d'un objectif national des dépenses d'assurance-maladie fixé à la louche, essentiellement en fonction de considérations financières, et régulièrement dépassé, il s'apparente à un exercice de style qui n'a fait progresser ni la politique de santé ni la maîtrise des dépenses d'assurance-maladie.
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