Sourires chez les socialistes, grimaces dans les partis de l'opposition : le projet du Medef pour réformer la Sécurité sociale et notamment l'assurance-maladie met le RPR, et surtout l'UDF, dans l'embarras. « Nous étions dans une phase offensive, voilà que nous sommes maintenant obligés de nous défendre. Ce n'est jamais bon », explique un responsable de l'UDF.
Il est vrai que le gouvernement et Elisabeth Guigou, en particulier, ont pressé l'opposition de se prononcer sur le plan du patronat, notamment sur la mise en concurrence de l'assurance-maladie avec les assureurs privés et les mutuelles, de sorte que les ténors de ces partis ont été contraints à s'exprimer.
C'est du côté de l'UDF que l'on semble aujourd'hui le plus remonté contre le MEDEF, non pas, semble-t-il, contre les propositions elles-mêmes (bien qu'elles soient fort critiquées) qu'au sujet de la méthode. « Ce n'est pas le Medef qui définit la politique de l'UDF », s'insurge Jean-Luc Préel, député UDF de Vendée. « Je suis profondément agacé par cette démarche, n'hésite pas à dire Jacques Barrot, député UDF de Haute-Loire. On relance un débat théorique, alors que l'urgence est de mettre en place les outils d'évaluation des pratiques médicales et d'en convaincre professionnels de santé et patients. » Pour l'ancien ministre des Affaires sociales du gouvernement Juppé, « ce n'est pas en préconisant le bouleversement total d'un système, et en appelant à la concurrence généralisée qu'on résoudra le problème du financement, de la gestion, d'autant qu'aucune étude de faisabilité susceptible de laisser penser qu'une telle réforme pourrait être menée, n'a été réalisée ».
Plus sévère encore, Jean-Luc Préel ne voudrait pas d'un système où la mise concurrence des caisses, des assurances privées, des mutuelles, « aurait pour conséquence une sélection des professionnels de santé, une sélection des malades, une sélection des risques ». Inacceptable, poursuit-il, au moment même « où l'Allemagne est en train de revenir sur le principe même de la concurrence entre caisses ».
Le problème du libre choix
Un jugement que ne rejoint pas, cependant, le Dr Jean-François Mattei, président du groupe Démocratie libérale à l'Assemblée nationale, qui estime que le projet du Medef a, au moins, le mérite d'élargir « l'éventail des hypothèses pour réformer l'assurance-maladie ». Tant il est vrai que l'on ne pourra plus très longtemps, poursuit-il, faire l'économie d'une profonde réflexion sur l'avenir du système.
Pour autant, le projet du Medef n'emporte pas vraiment l'adhésion du député provençal. Par exemple, le choix de l'opérateur de soins par l'entreprise laisse Jean-François Mattei sceptique. « Le patient, dit-il , est-il prêt à renoncer au libre choix de son médecin ? Et celui-ci est-il prêt aussi à l'accepter et à se lier à un partenaire ? »
La vérité pour lui est sans doute à rechercher ailleurs, car, dit-il, « je suis aussi hostile à une totale privatisation du système qu'à une étatisation qui le gagne de plus en plus aujourd'hui ».
La prudence du RPR
Si le patronat pouvait espérer un soutien un peu plus ferme du côté du RPR, il risque aussi d'être déçu. Certes, Bernard Accoyer, député de Haute-Savoie et délégué national de ce parti aux élections, juge intéressantes certaines propositions du patronat, comme celle de donner aux assureurs privés et aux mutuelles la possibilité de rembourser dès le premier franc. Mais il estime que le projet est provocateur lorsqu'il accorde aux entreprises le choix de l'opérateur de soins.
« Je crois surtout, dit-il, que ce n'est pas le rôle du Medef de s'immiscer dans un débat philosophique et surtout politique, et qui est déjà bien difficile à mener. Et ça ne va pas simplifier la recherche d'une solution qui puisse être acceptée par les professionnels de santé et les patients. » Même si la proposition d'une délégation de gestion à des partenaires autres que l'assurance-maladie, intéresse au plus haut point le député de Haute-Savoie.
Le délégué national à la santé du Parti gaulliste, Pierre Morange, est beaucoup plus réservé. « Nous prendrons position sur le sujet dans notre projet politique qui sera rendu public début janvier », dit-il prudemment. Mais « je ne voudrais pas, ajoute-t-il, que cette réforme qui prône la mise en concurrence des opérateurs se traduise par l'émergence de réseaux de soins trop concurrentiels qui porteraient atteinte à la qualité des soins, à la liberté des médecins, et au principe de solidarité qui est une marque de la pensée gaulliste ». Mais on sent, là aussi, que le député des Yvelines est quelque peu gêné par l'initiative du Medef, qui prend de court l'opposition, à quelque mois des échéances électorales.
Et déjà, certains, dans la majorité actuelle, ne manquent pas de noter que Pierre Morange, dans un entretien avec « le Quotidien » du 10 avril 2001, s'était prononcé pour l'ouverture à la concurrence en matière de gestion de l'assurance-maladie. A condition, ajoutait-il cependant, qu'il n'y ait pas de sélection des risques.
Cette réforme sera-t-elle reprise dans le programme du RPR et plus largement par l'opposition ? Il est évident que la publication du projet du Medef arrive pour eux au plus mauvais moment. Le risque d'être accusé par les socialistes de prendre le pas du patronat, si jamais leur programme ressemble peu ou prou au dispositif présenté par le Medef, est clair. A l'inverse, ils peuvent s'aliéner la sympathie de certains de leurs amis, si leur projet reste timoré en ce domaine.
On peut comprendre dès lors l'agacement et la mauvaise humeur manifestés par certains responsables de ces formations politiques.
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