Ce ne sera pas une partie de plaisir. La réforme de l'assurance-maladie qui interviendra à l'automne s'annonce de plus en plus délicate, comme l'ont montré les premières auditions auxquelles a procédé la commission des Affaires sociales du Sénat.
Tour à tour, Jean-Marie Spaeth, président (CFDT) de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), Jean-François Chadelat, auteur du rapport sur la répartition des interventions entre les assurances-maladie obligatoire et complémentaire, et enfin, Alain Coulomb, qui a rendu sa copie sur la médicalisation de l'ONDAM (objectif national de dépenses d'assurance-maladie), ont tenté d'ouvrir quelques perspectives de réforme. Mais devant les sénateurs, ils se sont montrés prudents, évoquant les « blocages », le « conservatisme », les « lobbies » ou les « guerres de pouvoir » qui risquent de compliquer la réforme.
Pour Jean-François Chadelat, qui constate que son rapport a soulevé une « tempête » (certains l'ont critiqué « sans même l'avoir lu », ironise-t-il), « la solution miracle n'existe pas plus que la pierre philosophale ». Alain Coulomb, modeste, explique que sa contribution ouvre « un chemin de crête étroit permettant d'éclairer le débat ». Quant à Jean-Marie Spaeth, il ne sait pas ce qui sortira de cette refondation, sinon « de nouveaux équilibres ». Conscient des difficultés, le ministre de la Santé a laissé entendre qu'il ouvrirait une concertation à partir du mois de juin, sur la base des nombreuses contributions qui lui ont été remises et dont il doit faire la synthèse.
Pédagogie
Les trois experts s'accordent au moins sur la nécessité de confier un rôle accru aux organismes complémentaires (ces « payeurs aveugles »), piste de travail qu'a bien l'intention d'explorer le ministre de la Santé. Désirant illustrer le « nécessaire partenariat » entre régimes obligatoires et complémentaires pour espérer maîtriser les dépenses, Jean-Marie Spaeth et Jean-François Chadelat ont d'ailleurs cité le même exemple : la visite à domicile. Si la CNAM décide de ne plus rembourser ce qui n'est pas justifié médicalement mais que les mutuelles ou les assurances privées prennent le relais, tout l'effort de pédagogie et de responsabilisation du patient est « détruit », ont-ils expliqué en substance. Alain Coulomb ne dit pas autre chose : « Il faut impliquer les régimes complémentaires dans la gestion commune des risques, trouver des articulations intelligentes avec les assurances obligatoires. »
Les outils de la maîtrise des dépenses restent un sujet sensible. Le président de la CNAM plaide pour une régulation via des « des protocoles et processus de soins élaborés par la communauté scientifique et les sociétés savantes », notamment pour la prise en charge des pathologies lourdes. Il rappelle que ni la responsabilisation des patients par le ticket modérateur, ni les sanctions contre les professionnels de santé, ni les tentatives de maîtrise de l'offre ( numerus clausus, MICA) « n'ont fonctionné ». Mais il regrette que certains professionnels « ne soient pas encore dans une logique de cogestion et de responsabilité partagée », allusion à peine voilée à la crise actuelle entre l'assurance-maladie et les spécialistes. Alain Coulomb va un peu plus loin dans son rapport. Il estime qu'une partie de l'évolution de l'ONDAM doit rester opposable aux différents acteurs, dont les médecins libéraux. Mais, nuance-t-il, il faudra tenir compte, en cas de dépassement des objectifs, des « variations épidémiologiques » ou encore « de l'éventuelle mise en place tardive d'accord de bon usage des soins ». En outre, ces mécanismes de régulation ne sauraient être « automatiques mais pluriannuels ». Le plan Juppé a laissé des traces.
Les médecins libéraux entendus demain
Les sénateurs de la commission des affaires sociales poursuivent demain matin leurs travaux de défrichage sur le terrain de l'assurance maladie en recevant les présidents des syndicats médicaux.
Le Dr Dinorino Cabrera, président du SML, le Dr Pierre Costes, président de MG-France, le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF et le Dr Jean-Gabriel Brun, vice-président d'Alliance, doivent participer au palais du Luxembourg à une table ronde. A l'issue, ce sont le Dr Jacques Reignault, chirurgien-dentiste et président du CNPS (Centre national des professions de santé), puis le mutualiste Etienne Caniard, administrateur de la FNMF (Fédération nationale de la mutualité français), qui seront auditionnés par les sénateurs.
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