Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale

Assurance-maladie : le pari risqué du gouvernement

Publié le 25/09/2003
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C'est un sacré pari que vient de prendre le gouvernement et plus spécialement le ministre de la Santé, Jean-François Mattei.

En annonçant que, grâce aux économies et recettes prévues par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2004, le déficit du régime général de l'assurance-maladie allait être contenu aux alentours de 11 milliards de francs au lieu des 14,1 milliards craints par la Commission des comptes de la Sécurité sociale, le ministre de la Santé prend le risque d'être rapidement démenti par les faits.
En particulier, miser sur une économie de 660 millions d'euros pour la branche maladie du régime général (800 millions tous régimes) grâce la maîtrise médicalisée fondée avant tout sur une baisse de la croissance du nombre d'actes et des prescriptions des médecins libéraux, est quelque peu osé. Même si le ministre met en avant la réussite de la réforme de la visite et des génériques, et la promesse d'une multiplication des accords de bon usage des soins (AcBus).
Mais c'est sans doute oublier que les effets de l'accord du 5 juin 2002 conclu avec les généralistes s'estompent au fil des mois et que les économies réalisées dans les premiers mois de la publication de cet accord ne vont pas nécessairement se poursuivre longtemps.
C'est aussi négliger le fait que la forte croissance de prescriptions de génériques et des substitutions de génériques par les pharmaciens à la prescription de princeps par le médecin, stagnent depuis maintenant un certain nombre de mois et que les médecins préfèrent encore de loin rédiger leur ordonnances en nom de marques plutôt qu'en DC. Comme l'accord du 5 juin leur en faisait pourtant l'obligation.
Certes, l'augmentation du forfait hospitalier, qui va passer de 10,67 euros à 13 euros, va, immanquablement, permettre une économie de 150 millions (180 millions tous régimes) à l'assurance-maladie, tout comme la baisse de remboursement de l'homéopathie ou le déremboursement de spécialités à service médical rendu (SMR) insuffisant (une première liste a été publiée hier au « Journal officiel »). Mais il n'est pas garanti que cela permette de contenir le déficit de la branche maladie au niveau souhaité par le gouvernement. Il sera sans doute difficile d'atteindre le 1,8 milliard d'économies annoncées.

L'inconnue de la taxe sur les tabacs

Rien n'est assuré, non plus, du côté des recettes. Jean-François Mattei espère récupérer 800 millions d'euros de la hausse de la taxe sur le tabac. Mais lorsque l'on sait qu'en 2003, l'Etat et le gouvernement misaient sur une recette d'un milliard d'euros grâce à cette taxe sur le tabac et ne devraient en définitive récolter, selon la commission des comptes de la Sécurité sociale, que 200 millions, on reste dubitatif. L'effet prix commence à avoir des répercussions sur la consommation et cette taxe, sans aucun doute bonne pour la santé des Français, est très insuffisante pour les comptes, puisque la recette n'est pas à la hauteur des espoirs des experts économiques. Les projets de taxes sur les vins et même sur les alcools forts ayant été abandonnés, du moins pour l'instant, l'apport de nouveaux financements pour l'assurance-maladie, hors la taxe sur les tabacs, restera limité à un accroissement de la taxe sur la promotion des laboratoires pharmaceutiques (150 millions quand même) et aux crédits récupérés par l'assurance-maladie dans ses recours contre des personnes responsables d'accidents. Le gouvernement en espère 100 millions d'euros. Pour autant, il n'est pas sûr que l'ensemble des recettes atteigne le milliard (et un peu plus) espéré.
Moins d'économies, moins de recettes supplémentaires : dès lors, c'est toute la philosophie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui pourrait être remise en cause.
Comme il se refuse à augmenter la CSG ou tout au moins à en élargir l'assiette, le gouvernement prend le risque, en reportant au printemps, voire à l'automne 2004, sa réforme de la Sécurité sociale, d'être confronté dès la fin du premier semestre de l'an prochain, surtout si la croissance reste en panne, à des niveaux de déficit qu'il n'avait prévus, et qui peuvent le mettre gravement en difficulté, alors que des échéances électorales s'annoncent.
D'où l'appel habituel en temps de crise à la responsabilité des patients, des médecins, des caisses. Il aura du mal à être entendu par tous.
« Nous faisons tout pour stabiliser le déficit de la Sécurité sociale », a expliqué le ministre de la Santé. Service minimum, alors que la situation économique de la France exigerait une réduction drastique de ces découverts. Mais même ce service minimum pourrait de ne pas être assuré. C'est inquiétant.

Jacques DEGAIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7391