C'est à marche forcée que le président CFDT de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), Jean-Marie Spaeth, poursuit son objectif de rénovation et de modernisation de cette branche de la Sécurité sociale.
Réélu au mois de septembre dernier pour cinq ans et disposant, depuis le départ du Medef, d'une plus grande marge de manuvre, le président de la CNAM a fixé trois objectifs à son nouveau mandat : renforcer les prérogatives de l'assurance-maladie dans la gestion des dépenses de santé, rénover les rapports conventionnels avec les professionnels de santé et moderniser une organisation interne qui ne compte pas moins de 200 structures locales.
Les événements récents - malgré un conflit particulièrement dur avec les médecins généralistes - semblent aujourd'hui conforter sa démarche.
Après avoir obtenu du précédent gouvernement une loi rénovant les rapports conventionnels avec les professionnels et fait prévaloir la légitimité de l'assurance-maladie dans les négociations avec les médecins, le président de la CNAM et son nouveau directeur, Daniel Lenoir, ont lancé un autre chantier de taille : celui de la régionalisation de ses structures.
Dans la lettre adressée aux présidents et directeurs de caisse locale qui marque le coup d'envoi de cette réflexion, ils en ont fixé les enjeux : « L'omniprésence du thème de la régionalisation dans les programmes électoraux n'a fait que souligner l'importance pour l'assurance-maladie et la CNAMTS d'être une force de propositions dans les discussions qui ne manqueront pas de suivre l'élection et la mise en place du futur gouvernement », écrivaient-ils le 2 mai dernier.
Car le découpage territorial de l'assurance-maladie en 129 caisses primaires, 16 caisses régionales et 22 unions régionales de caisses n'est plus, selon eux, cohérente avec une régionalisation accrue du système de santé. « Si on veut à la fois des lieux de débat, de négociation et de coordination en assurance-maladie au niveau régional, il faut une instance compétente pour cela. Or, ça n'existe pas », constatait récemment Jean-Marie Spaeth dans un entretien avec Espace social européen.
Une commission de 25 cadres
C'est une révolution pour l'assurance-maladie, dont l'organisation en caisses locales remonte à une trentaine d'années.
Les choses devraient donc aller assez vite. Une commission composée de 25 cadres de l'assurance-maladie et pilotée par Marie-Renée Babel a été mise en place pour élaborer de premières orientations. Le calendrier de la concertation interne engagée fin mai, notamment à travers plusieurs réunions interrégionales, s'achève début juillet, date à laquelle le conseil d'administration de la CNAM devra se prononcer sur des propositions.
Un tempo rapide qui ne manque pas d'inquiéter certaines organisations syndicales soucieuses de préserver leurs prérogatives au sein des conseils d'administration des caisses primaires. Ainsi, le responsable Force ouvrière chargé de la protection sociale dans la région Rhône-Alpes, Gérard Clément, n'a pas hésité à interpeller le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, sur cette question redoutant un processus de « recentralisation visant à dépouiller les caisses primaires et leurs conseils d'administration de leur rôle d'orientation et de contrôle du service de proximité au plus près des assurés sociaux ». Echaudé par l'expérience vécue au sein de l'UNEDIC, il redoute un transfert de l'ensemble des pouvoirs décisionnaires au niveau régional.
Le président de la CNAM aurait en effet évoqué, lors d'une réunion à Toulouse, une possible transformation des URCAM en « CRAM régime général », chargées de la gestion du risque et de la politique conventionnelle avec les professions de santé. Par ailleurs, les fédérations régionales de caisses évoquées par Jean-Marie Spaeth et regroupant les trois régimes de l'assurance-maladie pourraient constituer, selon lui, un premier pas vers un régime unique de l'assurance-maladie.
« Il ne s'agit pas de retirer un rôle ou une mission aux CPAM, alors qu'on demande plus de proximité. Mais il faut faire émerger au niveau régional un lieu de négociation, un lieu d'organisation du système de soins clairement dédié à ces fonctions (...). Il faut créer un lieu où il y a un pouvoir, pas seulement administratif, mais surtout une représentation des acteurs sociaux dans ces caisses », se défend Jean-Marie Spaeth dans le même entretien.
Si Force ouvrière a fait savoir qu'elle « n'était en rien hostile à l'évolution nécessaire du réseau de l'assurance-maladie », elle n'entend pas « que ce dernier soit bradé » et affirme « qu'il ne saurait être question de création ou de transformation d'une quelconque structure sans une réelle négociation avec l'ensemble des partenaires sociaux ».
La CNAM ratifie l'accord signé avec les médecins
Le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), a approuvé à l'unanimité des votants le protocole d'accord signé le 5 juin avec les syndicats médicaux. La Fédération nationale de la Mutualité française n'a pas pris part au vote.
Cet accord, qui prévoit une revalorisation de la consultation des médecins généralistes à 20 euros et de certaines visites à domicile à 30 euros, en contrepartie d'un engagement des médecins à prescrire en dénomination commune davantage de médicaments génériques, avait été fortement critiqué par le président de la Mutualité française, Jean-Pierre Davant.
« Ce vote unanime traduit la légitimité de la CNAM, et notamment de son président, dans le domaine de la gestion de la santé et particulièrement dans celui de la médecine de ville », s'est-on cependant félicité après le vote dans l'entourage de Jean-Marie Spaeth, président (CFDT) de la Caisse nationale d'assurance-maladie. Il signe par ailleurs un renversement d'alliances au sein de son conseil d'administration. Depuis sa réélection à la présidence de la CNAM au mois de septembre dernier et le départ du Medef des organismes de gestion de la Sécurité sociale, Jean-Marie Spaeth et la délégation de la CFDT s'appuyaient sur une majorité fragile constituée pour l'essentiel de la Mutualité française, de l'UPA et des personnalités qualifiées. Il devait faire face, notamment sur la question des relations conventionnelles, à l'opposition des autres confédérations de salariés qui plaidaient pour une reprise du dialogue avec les médecins et la satisfaction de leurs revendications. Les syndicats de salariés n'ont pu qu'approuver l'accord conclu le 5 juin et demandent maintenant l'ouverture rapide d'une négociation pour une nouvelle convention.
Le président de la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français), le Dr Michel Chassang, a qualifié « d'historique » l'unanimité réalisée. « Cela ne s'est pas vu depuis des lustres. Un tel consensus sur un texte, c'est assez incroyable. Je m'en félicite », a déclaré le Dr Chassang.
« Je n'attends plus qu'une date qu'on devra fixer avec les caisses d'assurance-maladie pour entamer dès à présent la renégociation de la convention pour l'ensemble de la profession médicale. Moi j'y suis prêt », a conclu le président de la CSMF.
Le syndicat des médecins libéraux (SML), par la voix de son président, Dinorino Cabrera, s'est réjoui lui aussi de ce vote qui, estime-t-il, conforte la « paix des braves ».
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