Lors de ses entretiens avec les partenaires sociaux cette semaine, Jean-François Mattei a précisé sa méthode et son calendrier pour moderniser l'assurance-maladie « face aux besoins nouveaux de la société d'aujourd'hui ».
Epousant les grandes lignes du discours de Jacques Chirac prononcé au congrès de la Mutualité française, à Toulouse en juin dernier, le ministre de la Santé a joué la carte de la prudence, des petits pas, et du dialogue social : le « processus de modernisation du système de santé et d'assurance-maladie » obéira donc à un calendrier étalé sur une année entière. Le projet de loi de réforme ne sera soumis au Parlement qu'à l'automne prochain, à l'issue d'une dizaine de mois de concertation.
Les médecins consultés
D'ici à la fin du mois de novembre, une instance imitant le Conseil d'orientation des retraites (COR) doit poser un premier diagnostic « partagé », et préparer progressivement l'opinion à la nécessité de mesures structurelles. Ce « haut conseil de l'assurance-maladie », qui pourrait réunir 45 membres , devrait être installé rapidement. Les partenaires sociaux (confédérations de salariés et patronat), quelques parlementaires et hauts fonctionnaires, des représentants des organismes complémentaires, des usagers, des établissements publics et privés et des professionnels de santé libéraux (sans doute cinq) feront partie de cette instance. Dans un deuxième temps, le ministre de la Santé (ré)utilisera la bonne vieille méthode des groupes de travail, chargés de conduire une concertation au moins jusqu'au printemps 2004 (février-mars). Plusieurs dossiers lourds devraient y être traités, dont la simplification du financement de l'assurance-maladie, le financement spécifique de la dépendance, la nouvelle « gouvernance » (clarification des rôles de l'Etat et de la Sécu), les modalités de la montée en puissance des organismes complémentaires avec, à la clé, d'éventuels transferts de charges, l'avenir du partenariat conventionnel ou encore les relations ville-hôpital. « Des sous-groupes sur la démographie, la permanence des soins et les réseaux ont également été cités », précise le Dr Jacques Reignault, président du Centre national des professions de santé (CNPS), reçu avant-hier au ministère.
C'est à l'issue de cette longue phase de discussions et de conclaves divers que le gouvernement élaborera une première synthèse, c'est-à-dire un « projet santé concerté », au printemps 2004. Le ministre a promis un dialogue « très ouvert » et en a fixé deux limites : « Ni étatisation ni privatisation. »
Désir de revanche ?
Sans surprise, les deux confédérations de salariés échaudées par l'épisode des retraites (CGT et FO) ont affiché leur méfiance, sans toutefois trop durcir leur discours. Sur France Inter, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a craint que le gouvernement soit « un peu plus sensible aux arguments du Medef qu'à ceux des salariés » si ces derniers n'exercent pas une certaine « pression qui va nécessiter une implication des intéressés ». Marc Blondel, secrétaire général de FO, exige de son côté « une négociation, pas seulement une concertation ». Sous-entendu : le dialogue social devra être extrêmement poussé pour faire passer une réforme qui concernera tous les Français sans exception. La CFDT est prête à jouer le jeu, sous réserve qu'il y ait une réforme de fond l'année prochaine et non pas une simple réformette (voir encadré). « Le calendrier est bon », a commenté François Chérèque.
Le mois prochain, Jean-François Mattei défendra donc pour la deuxième fois un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sans révolution (« le Quotidien » d'hier). L'ambition du gouvernement est en effet désormais de « contenir » le déficit du régime général en 2004 au niveau de celui de 2003, et non plus de le résorber. Le PLFSS devrait du moins permettre de trouver quelques milliards d'euros de recettes nouvelles, en cours d'arbitrage (taxes sur le tabac, l'alcool, etc.), d'éviter certains gaspillages en encourageant les bonnes pratiques ou encore de donner une bouffée d'oxygène à la Sécu (relèvement du plafond du découvert autorisé de 12,5 à 15 milliards d'euros). Quelques surprises ne sont pas à exclure. « C'est la transition qui continue », ironise un député de la majorité. Le PS, de son côté, a pris date. « La situation est extrêmement grave, prévient François Hollande sur LCI. Il faut que l'on sache ce qui sera demandé aux professions de santé, ce qui sera demandé aux assurés sociaux et aussi à l'ensemble de la société. » Réponses attendues dans un an.
La CFDT pourrait quitter la présidence de la CNAM si...
Pour la première fois, François Chérèque a évoqué explicitement l'hypothèse d'un départ de la CFDT de la présidence de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) si le gouvernement « ne s'engage pas dans une vraie réforme ». Inquiet du discours de plus en plus timide du gouvernement, le leader de la CFDT exige la clarification des responsabilités de l'Etat et des partenaires sociaux dans la gestion de l'assurance-maladie. Et des décisions en ce sens avant la fin de l'année. Faute de quoi, la CFDT ne serait plus « totalement légitime » pour demeurer à la tête de la caisse. « Nous, on n'est pas traumatisés par les réformes, apparemment, il y en a qui le sont », ironise François Chérèque.
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