Derrière le laconique « assurer une protection sociale identique à tous les Français » avancé par le candidat Le Pen, le programme du Front national concernant la gestion de l'assurance-maladie dévoile des propositions beaucoup moins rassurantes et très éloignées de l'antilibéralisme dont il se fait aujourd'hui le chantre.
« En distinguant le gros risque pris en charge collectivement et le petit risque géré par des organismes privés, le Front national propose en fait un déremboursement assez considérable des soins. De l'ordre de 40 %, si le gros risque se limite, comme il est dit, aux 30 maladies de longue durée répertoriées », estime Jean de Kervasdoué, professeur d'économie et de gestion des services de santé au Conservatoire national des arts et métiers.
Claude Le Pen, économiste de la santé, juge également « extraordinairement restrictive la notion de gros risques », dans la mesure où de nombreuses pathologies lourdes ne sont pas en ALD et se retrouveraient donc dans le petit risque, c'est-à-dire à la charge totale des Français, « ce que même le Medef n'a jamais proposé ».
Beaucoup d'interrogations pèsent également sur le financement de cette assurance-maladie a minima qui laissent sceptiques les experts interrogés.
La suppression de la CSG, annoncée par le candidat Le Pen, serait compensée par une TVA sociale ne pesant pas sur le coût du travail. Mais, comme le note Claude Le Pen, non seulement la TVA est l'impôt le plus injuste qui soit, puisqu'il pèse sur la consommation, mais cette proposition est contradictoire avec la relance économique par la baisse de la fiscalité que propose le Front national.
En outre, le coût de l'assurance complémentaire pour rembourser le petit risque, fait remarquer Jean de Kervasdoué, qui deviendra très lourd, si elle est souscrite dans le cadre des entreprises ou des conventions collectives, pèsera, de toute façon, sur le coût du travail et créera de nouvelles inégalités, dont les premières victimes seront les non-salariés.
Les deux économistes de la santé jugent, par ailleurs, extrêmement démagogiques les mesures concernant le système conventionnel qui consiste pour l'essentiel à supprimer tout contrat entre les médecins et la collectivité et toutes contraintes qui y seraient liées. « C'est le retour aux années vingt, à une médecine entièrement libérale totalement mythifiée. On peut critiquer le système conventionnel, mais revenir à l'état antérieur serait absurde et risquerait d'accroître le fossé entre les médecins et la Nation en les excluant de l'effort de solidarité nationale », estime Claude Le Pen.
« A l'évidence, la dimension santé publique de la santé ne les intéresse pas, comme l'épidémiologie, la prévention ou la qualité des soins. Je ne suis par certain que les médecins seraient en accord avec un tel discours », remarque, de son côté, Jean De Kervasdoué.
Au total, l'opinion des deux experts qui relèvent nombre d'erreurs dans ces propositions est sans appel. « C'est la somme de tout un tas de revendications corporatistes parfois contradictoires. Ça n'a jamais fait une politique », estime Jean de Kervasdoué.
« Comme tous les démagogues, son programme nie les complexités du système. C'est l'exploitation démagogique d'un malaise par des solutions simplistes peu crédibles », conclut, pour sa part, Claude Le Pen.
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