A un mois de l'échéance du 22 décembre, date fixée pour la remise du rapport du Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance-maladie qui doit établir un diagnostic de la situation de cette branche de la Sécurité sociale, les premières contestations se font jour parmi ses membres.
Pour un certain nombre de participants de cette instance, en effet, le délai imparti aux travaux est bien trop court. Et beaucoup des 53 membres du Haut Conseil mettent en parallèle le temps de réflexion laissé à cette instance et celui qui avait été consenti au Conseil d'orientation des retraites, dont les travaux avaient servi de base à la loi Fillon sur ce thème et dont les membres avaient travaillé pendant dix-huit mois sur le sujet.
Un délai difficile à respecter
Pour les participants au Haut Conseil de l'assurance-maladie, cette situation est d'autant plus difficile à accepter que la réforme de la Sécurité sociale est sans doute beaucoup plus difficile à élaborer qu'une réforme des retraites.
Ce qu'on peut contester. Il n'en est pas moins vrai que les cinquante-trois membres sont appelés à travailler dans l'urgence et que l'établissement d'un « diagnostic partagé » ou non par l'ensemble des membres est difficile à établir en quelques semaines seulement. D'autant que la première réunion pleinière ne s'est déroulée que la semaine dernière, le 20 novembre. Même le président du Haut Conseil paraît aujourd'hui rejoindre ce point de vue, puisque Bertrand Fragonard, nommé par le Premier ministre à ce poste, semble admettre qu'il faudra repousser le délai du 22 décembre, si le travail accompli n'est pas achevé ou n'a pas donné lieu à tous les débats indispensables à la rédaction d'un rapport sérieux. Selon le journal économique « La Tribune », le président du Haut Conseil se veut, en tout cas, pragmatique et ne manquerait pas de demander un délai de grâce au gouvernement, si d'aventure, vers le 15 décembre, il s'apercevait que l'échéance du 22 décembre se révélait impossible à tenir.
Loin d'un consensus
Pour certains syndicats de salariés, en tout cas, c'est déjà une mission quasi impossible. Selon Jean-Claude Mallet, ancien président de la CNAM et aujourd'hui responsable FO pour les questions de Sécurité sociale (et surtout candidat à la succession de Marc Blondel à la tête de cette organisation), tabler sur un « diagnostic partagé », en un mois, par l'ensemble des participants, « c'est se moquer du monde ». D'autant, estime-t-il, qu'on est bien loin du « consensus » dont certains voudraient faire la règle pour les cinquante-trois membres.
Certains syndicalistes ont été troublés par la rédaction d'un document de travail qui leur était proposé la semaine dernière et qui affirmait, notamment, que, au-delà des divergences sur les raisons des dérives des comptes et les méthodes adéquates à leur opposer, « l'objectif semble unanimement partagé ». Et ce document explique sans fard qu'il s'agit d'opérer « la refonte du système de soins pour améliorer la qualité et en diminuer le coût » et de « réexaminer sans tabou les systèmes de recettes et de prise en charge publique ». Pour beaucoup de participants, il s'agirait là ni plus ni moins que d'une tentative d'orientation des travaux vers une solution déjà arrêtée. Pour Solange Morgenstern, de la CGC, il s'agirait ni plus ni moins « d'une tentative de fixer une orientation préalable », ce qui ne pourrait déboucher que sur « une source de conflits, dès lors que s'esquisse un diagnostic dévoyé au lieu d'être partagé ». On comprend dès lors le risque que court le gouvernement, qui ne peut se permettre d'assister à une cassure de « son » Haut Conseil. D'où les propos rassurants de Bertrand Fragonard, affirmant que ces rapports n'étaient que des documents de travail, destinés surtout à alimenter les discussions. Seul le rapport final engagera le membres du Haut Conseil, aurait-il affirmé.
Ce débat montre bien que l'on a dépassé le stade du simple diagnostic pour en arriver, déjà, à celui des orientations de la réforme. « Attention alors à ne pas aller trop vite en besogne, explique un syndicaliste. Procédons par étapes, et il serait dangereux d'aborder le deuxième stade de réflexion avant d'avoir dressé un constat de la situation. »
Scepticisme
C'est un peu ce que pense le Dr Pierre Costes, président de MG-France et l'un des deux représentants des médecins au Haut Conseil. Pour lui, il n'y a pas péril en la demeure. Mais, ajoute-t-il, « si on ne cesse de parler des orientations de la réforme, avant d'en avoir fini avec le chapitre du diagnostic partagé ou pas, on ne tiendra jamais la date du 22 décembre ».
Un scepticisme dont semble dépourvu l'autre représentant des médecins, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, qui estime que, pour l'instant, les travaux avancent sans problème.
Il demeure que la situation de l'assurance-maladie ne s'arrange guère. Les dépenses sont toujours sur une courbe ascendante et les dernières statistiques de la CNAM le montrent sans ambiguïté, puisque l'on est sur une croissance des dépenses de médecine de ville à 7,2 % en tendance annuelle. Les premières estimations des dépenses d'octobre montrent même que les niveaux des remboursements effectués par les caisses sont à un niveau largement supérieur à cette tendance. « Le rythme de croissance des remboursements reste donc élevé au début du quatrième trimestre », écrit la Caisse nationale d'assurance-maladie.
Dans ce contexte resurgit le problème du financement du système de protection sociale. Se repose alors la sempiternelle question : le gouvernement pourra-t-il attendre, sans broncher, la réforme de la Sécurité sociale annoncée pour l'été prochain ? Beaucoup d'experts en doutent, tant la pression de Bruxelles est forte. Dès lors, rien d'étonnant que l'on reparle d'une hausse de la CSG et de la CRDS, éternels remèdes pour boucher les trous, mais que le gouvernement hésite toujours à employer. Il ne pourra pas tergiverser encore longtemps.
Dépenses d'assurance-maladie : un rythme de croissance soutenu
La Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) maintient, pour « l'ensemble de l'année 2003 », son « diagnostic » d'une croissance des soins de ville « toujours forte (+7,2 %), quoiqu'un peu moins rapide que celle de l'année dernière ». La CNAM constate « une consommation du mois d'août nettement inférieure à la tendance des mois précédents », mais, en fonction de ses données provisoires, elle observe aussi que « les liquidations effectuées par les caisses au mois d'octobre se situent à un niveau largement supérieur à celui de la tendance. Le rythme de croissance des remboursements reste donc élevé au début du quatrième trimestre ».
De janvier à octobre 2003, les montants cumulés des remboursements dans le cadre de l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) atteignent 83,27 millions d'euros, soit une évolution de + 6,5 % (contre un objectif de + 5,3 %) sur un an, après correction des jours ouvrés. Les taux d'évolution sur un an s'établissent à la fin d'octobre à + 6,9 %, comme à la fin de septembre, pour les seuls soins de ville (soit 40,42 millions d'euros, incluant les prescriptions à + 7,5 %, les indemnités journalières à + 7,1 % et les honoraires médicaux et dentaires à + 5,8 %), + 5,6 % pour les hôpitaux publics, + 7,4 % pour les cliniques privées et enfin + 7,6 % pour les établissements médico-sociaux.
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