La grand-messe de la cancérologie a livré une moisson d’annonces très médiatisées. Le 47e congrès de l’ASCO (American society of clinical oncology) s’achève ce mardi à Chicago après avoir mis en lumière plusieurs résultats d’études prometteurs, notamment pour des cancers très agressifs. Plus de 30 000 chercheurs et représentant des laboratoires pharmaceutiques étaient présents pendant ces quatre jours dans la capitale de l’Illinois. Le résultat le plus spectaculaire est celui de deux essais cliniques montrant pour la première fois un prolongement de la vie des malades atteints d’un mélanome métastasé. « Jusqu’à récemment nous avions peu d’options pour ces malades et peu d’espoir d’une longue survie » a souligné le Dr Lynn Schuchter, professeur de cancérologie à la faculté de médecine de Pennsylvanie. L'agent expérimental vemurafenib (PLX4032) du laboratoire suisse Roche qui neutralise un gène mutant produisant une protéine clé au développement de la moitié des cas de mélanome, a permis de réduire de 63 % le risque de décéder des patients comparativement à ceux soumis à la chimiothérapie standard. L'anticorps ipilimumab (Yervoy®), de la firme pharmaceutique Bristol-Myers Squibb, qui dope le système immunitaire (le premier médicament à montrer un gain substantiel de survie chez les sujets atteints d'un mélanome avancé en 2010), a permis en combinaison avec de la chimiothérapie de quasiment doubler la survie à trois ans.
Des grands progrès pour réduire de risque de cancer du sein
L'autre étude marquante de l'ASCO a montré que l'aromasine (Exemestane®), qui empêche la production d’estrogènes, peut réduire de 65 % le risque de cancer du sein ou de récurrence chez des femmes ménopausées sans effets secondaires importants. « Les résultats de cet essai clinique de phase 3 dit MAP.3 (Mammary Prevention Trial.3) montre que l'exémestane (Aromasine®) est une nouvelle approche prometteuse pour empêcher le cancer du sein de survenir chez les femmes ménopausées présentant le plus gros risque d'être affectées par cette maladie, » a précisé le Dr Paul Goss, professeur de médecine à la faculté de médecine de Harvard, le principal auteur de cette étude publiée dans le New England Journal of Medicine. L'essai clinique a été mené de 2004 à 2010 auprès de 4 560 femmes ménopausées aux Etats-Unis, au Canada et en France présentant au moins un des principaux risques de cancer du sein ou de récurrence (par exemple être âgée de 60 ans ou plus ou avoir déjà eu une tumeur du sein traitée avec succès). « Non seulement notre étude sur l'Aromasine montre une réduction impressionnante du risque de cancer du sein, mais aussi d'excellents résultats concernant les effets secondaires, » a ajouté le professeur Goss, notant toutefois que la période moyenne de suivi n'est que de trois ans.
Une autre étude clinique européenne encourageante sur le neuroblastome de l’enfant a été présentée. Cet essai clinique de phase 3 montre que ces enfants ont une plus grande chance de guérir ou de survivre plus longtemps avec cette nouvelle combinaison de chimiothérapie myéloablative que celle pratiquée jusqu'à maintenant. Cette nouvelle combinaison d'agents anti-cancéreux à haute dose établit ainsi une nouvelle norme de traitement pour les enfants présentant un risque élevé de développer ce cancer dont jusqu'alors seulement 30 % des malades survivaient à long terme, a expliqué le Dr Ruth Ladenstein, professeur associé de pédiatrie à l'Université de Vienne en Autriche, principal auteur. « Ces résultats combinés à une récente étude selon laquelle une thérapie immunitaire peut guérir et accroître la survie de 20 % chez les patients à haut risque signifient que potentiellement on pourra atteindre la marque des 50 % de survie avec ce nouveau cocktail à haute dose, » a-t-elle souligné.
40 ans de lutte contre le cancer aux USA : + 18% de taux de survie
Cette année est aux États-Unis le 40e anniversaire de la signature par le président Richard Nixon du National Cancer Act of 1971 qui déclarait la guerre à la maladie. « Au cours des quarante dernières années, le taux moyen de survie à cinq ans pour tous les cancers a augmenté de 18 % aux États-Unis faisant qu'aujourd'hui deux malades sur trois sont encore en vie cinq ans après le diagnostic, » a précisé le Dr George Sledge, président de l'ASCO et professeur de cancérologie à la faculté de médecine de l'Université d'Indiana. « Depuis son point culminant en 1971, le taux de mortalité par cancer a baissé de 17 %, a-t-il dit. Tous ces progrès ont résulté de plusieurs décennies d'investissements publics et privés dans la recherche sur le cancer ». « Tous ces investissements dans la recherche sur le cancer ont permis un grand nombre d'avancées en génomique et biologie cellulaire et moléculaire » selon le Dr Harold Varmus, directeur de l'Institut national américain du cancer (NCI), prix Nobel de médecine, en se disant inquiet des réductions budgétaires aux États-Unis consacrées à la recherche médicale. D'autant que les coûts de traitements du cancer devraient passer de 124 milliards de dollars aux États-Unis en 2010 à 158 milliards d'ici à 2020, reflétant les tarifs exorbitants des nouvelles thérapies et l'accroissement du nombre de cancers avec le vieillissement de la population.
Les responsables des principales organisations mondiales de cancérologie ont profité de l’ASCO pour lancer un appel au président Obama et aux autres dirigeants de la planète pour agir concrètement lors de la prochaine réunion des Nations unies en septembre à New York consacrée aux maladies non transmissibles, dont les cancers représentent la plus grande partie. La précédente et seule conférence onusienne de ce type avait été consacrée au sida en 2001. « Cette conférence de l'ONU représente une occasion très importante d'inscrire le cancer à l'ordre du jour mondial » a déclaré le Dr Allen Lichter, directeur général de l’ASCO. Le cancer tue chaque année environ 7,6 millions de personnes dans le monde, soit davantage que le sida, le paludisme et la tuberculose réunis, selon l'OMS. Et selon un rapport de l'ONU, la fréquence du cancer va continuer à augmenter au cours des 20 prochaines années pour passer de 12,7 millions de cas annuels en 2008 à plus de 20 millions d'ici 2030, dont la plus grande partie dans les pays pauvres et à revenu intermédiaire.
Même si le nombre de cancers reste encore supérieur dans les pays riches, la mortalité est moindre grâce aux soins et au dépistage, soulignent ces cancérologues. On constate désormais un rattrapage dans les pays en développement en raison de l'urbanisation, des changements d'habitudes alimentaires, du tabagisme et de la pollution. De ce fait, le nombre de personnes atteintes de cancer dans ces pays dépassera les niveaux des pays développés vers 2015. Alors que les cancers dans les pays pauvres étaient jusqu'à maintenant surtout d'origine infectieuse, ils touchent de plus en plus le poumon et l’estomac. Or ces pays manquent cruellement de cancérologues (l'Ethiopie n'en compte qu'un seul pour près de 80 millions d'habitants !) et ont un accès très limité aux derniers traitements anti-cancéreux, services de dépistage et à des soins palliatifs.
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