Quatre articles du projet de loi (13 à 16) visent un seul et même objectif : la chasse à la fraude et aux abus dans l'utilisation du système de soins.
Première arme de cet arsenal : l'instauration de « pénalités » financières (des amendes administratives) qui sanctionneront désormais les auteurs d'abus ou de fraudes, « qu'ils soient le fait des assurés, des professionnels ou des établissements de santé ». L'exposé des motifs de l'article de loi cite l'usurpation de carte Vitale, les fausses déclarations ou la cotation d'actes fictifs. Le montant de la pénalité, prononcée par le directeur de la caisse d'assurance-maladie locale après avis d'une commission, dépendra de la gravité des faits et sera doublé en cas de récidive. Si le fraudeur présumé est un professionnel de santé, des représentants de cette profession participeront à la commission qui donne son avis. Un décret précisera les cas de sanctions et le barème des amendes.
Contrôle.
Au-delà des pénalités financières, c'est surtout la croisade de Philippe Douste-Blazy contre les arrêts de travail et les transports sanitaires abusifs qui a fait couler beaucoup d'encre, la gauche, et certains syndicats médicaux, dénonçant un « dispositif policier ». Du côté des médecins, le texte prévoit une surveillance accrue des gros prescripteurs d'arrêts de travail ou de transports (en cas de pratique « significativement » supérieure à la moyenne constatée dans la région). Deux mesures sont prévues : la subordination des prescriptions à l'accord préalable du contrôle médical et la suspension de la possibilité de prescrire. Le ministre s'est défendu de vouloir porter atteinte à la liberté de prescription et a promis des « référentiels médicaux », attendus depuis quelques années déjà. Du côté des patients, le gouvernement a décidé de renforcer le contrôle des arrêts de travail courts ou répétitifs. Actuellement, les vérifications sont systématiques au delà de trois mois, les arrêts de courte durée faisant l'objet de contrôles « ciblés ». Les 2 500 médecins-conseil sont invités à contrôler de façon « méthodique » les arrêts au vu de la « fréquence » de leur prescription. « Les assurés qui bénéficient de façon répétée d'arrêts de travail de courte durée » seront contrôlés en priorité , a expliqué Philippe Douste-Blazy aux députés. En cas d'abus, le projet de loi prévoit la suspension de la prise en charge des IJ par la caisse ; les usagers ne seront cependant pas pénalisés si les irrégularités sont imputables au prescripteur ou à l'entreprise (certains employeurs utilisent les arrêts de travail comme une préretraite déguisée pour leurs salariés de plus de 55 ans).
Les députés ont également adopté un amendement de Jean-Michel Dubernard (UMP) stipulant que la prolongation d'un arrêt de travail devra être établie par le médecin responsable de la prescription initiale pour que l'indemnisation soit maintenue. Enfin, l'article 16 donne aux caisses la possibilité de récupérer tout ou partie des sommes indûment versées, sauf si le débiteur est en situation de « précarité ».
Philippe Douste-Blazy attend 800 millions d'euros d'économie par an de la lutte contre les arrêts de travail abusifs (sur 5,2 milliards d'IJ versées). Un objectif très ambitieux qui supposerait de ralentir fortement les dépenses d'IJ, dont la progression moyenne a été proche de 9 % depuis 1997. Le Dr Michel Combier, président de l'Unof, la branche généraliste de la Csmf, ne cache pas ses doutes. « Ce dispositif n'entraînera pas de grande modification des comportements, déclare-t-il. Les gros prescripteurs d'IJ ne sont pas forcément des délinquants, il faut être très prudent car la prescription est liée au profil d'activité, à la région, au milieu social. Plutôt qu'une culpabilisation, les médecins ont besoin de référentiels et d'accords de bon usage. » Le Dr Dino Cabrera, président du SML, ne nie pas qu'un contrôle accru puisse avoir un « rôle pédagogique dissuasif, comme pour la lutte contre les excès de vitesse ». Mais il s'étonne des objectifs considérables du ministre de la Santé. En juin dernier, Philippe Douste-Blazy avait lui-même reconnu que seulement deux ou trois praticiens par département sont des « spécialistes » des arrêts maladie. Et selon la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), 6 % des arrêts maladie sont injustifiés sur le plan médical. Les économies sur ce poste pourraient bien ne pas être à la hauteur de l'affichage gouvernemental.
Voir aussi :
> La Cnam financera en partie la RCP des médecins
> Une gouvernance resserrée autour d'un directeur tout-puissant
> Une protection des brevets plus courte pour les médicaments
> Un euro, une photo, un comité de démo...
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature