Principale cause de cancer du poumon, devant les facteurs professionnels, le tabagisme est également la première cause de mortalité évitable dans notre pays. Bien que la consommation de tabac ait globalement tendance à diminuer, entraînant une baisse de l’incidence du cancer du poumon chez l’homme, cette incidence augmente toujours parmi les femmes. Pour le Pr Bertrand Dautzenberg, il est donc plus que jamais crucial de lutter contre le tabagisme si l’on veut minimiser les conséquences dramatiques de ce cancer sur la santé publique dans les années à venir.
LE TABAC est aujourd’hui indiscutablement reconnu comme la principale cause de cancer du poumon. De fait, eu égard à l’importance du tabagisme qui a sévi par le passé dans les pays occidentaux, l’incidence du cancer du poumon a atteint des pics de l’ordre de 250 cas pour 100 000 individus. Inversement, au Royaume-Uni, la consommation de tabac ayant diminué, d’abord parmi les médecins, puis dans l’ensemble de la population, les taux de cancers du poumon sont tombés à 70 cas pour 100 000 vingt ans plus tard. La corrélation entre tabagisme et cancer du poumon est donc évidente.
Des différences selon le type de consommation.
Le type de tabac consommé influe significativement sur le type de cancer susceptible de se développer, car la fumée est inhalée de façon différente. Un fumeur de tabac brun inhale la fumée peu profondément, car cette dernière est irritante pour les voies respiratoires ; la fumée exerce donc essentiellement ses effets nocifs au niveau de la trachée et des grosses bronches en induisant préférentiellement des cancers épidermoïdes. En revanche, lorsqu’une personne fume du tabac blond, beaucoup moins irritant que le tabac brun, elle est davantage portée à faire pénétrer la fumée plus profondément dans ses poumons et, par là même, s’expose plutôt à développer un cancer de type adénocarcinome. C’est ce qui explique la différence épidémiologique classiquement observée entre les Etats-Unis – où les adénocarcinomes dominent – et la France, où les cancers sont surtout de type épidermoïde. Cette différence tend toutefois à s’estomper depuis que, en France, les cigarettes blondes ont nettement supplanté les brunes.
Un tabagisme féminin en augmentation.
En France, depuis une vingtaine d’années, la proportion de fumeurs a cessé d’augmenter chez les hommes d’âge mûr, ce qui s’est, d’ailleurs, traduit par une diminution du taux de cancers du poumon dans cette sous-population. Malheureusement, les femmes ont, en quelque sorte, pris le relais, de sorte que, aujourd’hui, le cancer du poumon les frappe beaucoup plus lourdement qu’il y a vingt ans.
En revanche, chez les adolescents, une nette diminution de la consommation de cigarettes a été enregistrée en 2004-2005, et on espère qu’elle sera renforcée par les nouvelles mesures antitabac adoptées par le gouvernement. Cette inflexion de la consommation de tabac chez les jeunes semble résulter pour une part de l’augmentation du prix des cigarettes et de la disparition des paquets de dix, mais aussi de l’image nettement moins forte dont jouissent aujourd’hui, parmi cette catégorie d’âge, de marques, qui, autrefois, avaient une valeur quasi initiatique.
Pour qu’un fumeur arrête, il faut tout d’abord qu’il prenne conscience de sa dépendance à l’égard du tabac, puis que l’idée d’arrêter de fumer mûrisse en lui. Le médecin a, en cela, un rôle important à jouer, car, comme pour de nombreux autres comportements, il existe un cycle de préparation au changement : dans un premier temps, le fumeur n’est pas prêt à arrêter, puis il commence à l’envisager («un jour, il faudra que je m’arrête!») et décide un jour d’arrêter («demain, j’arrête!») avant de, finalement, mettre sa décision à exécution. Si le fumeur est satisfait et ne se pose pas de questions, il ne faut pas insister mais revenir plus tard sur le sujet. Pour un fumeur dépendant, la diminution de la consommation de tabac ne peut être une solution transitoire que sous substitution nicotinique, mais la meilleure option est néanmoins l’arrêt total.
En cas de survenue d’un cancer du poumon, il convient ici de souligner un élément important : on dispose aujourd’hui de données relativement solides montrant que, même lorsqu’un cancer du poumon est survenu, l’arrêt du tabac constitue l’une des composantes du traitement. En effet, après lobectomie pour un adénocarcinome ou un cancer épidermoïde, si le sujet cesse de fumer, le risque de récidive est réduit de moitié comparativement à celui encouru par un individu qui a recommencé à fumer. L’arrêt du tabac augmente également la survie chez les patients atteints d’un cancer du poumon à petites cellules traité par chimiothérapie et radiothérapie. Cela signifie que, même si le rôle préventif de l’arrêt du tabac doit être recherché en premier lieu, il n’est jamais trop tard pour arrêter.
Un soutien médical est le plus souvent nécessaire.
La nécessité d’une aide médicale aux personnes désireuses d’arrêter de fumer varie selon leur âge et leur degré de dépendance. Les jeunes ont généralement peu besoin d’être aidés. Ils peuvent éventuellement demander conseil aux infirmières scolaires (certaines possèdent des appareils de mesure du monoxyde de carbone), à leur médecin traitant ou, le cas échéant, à une consultation de tabacologie.
En revanche, la grande majorité des adultes nécessitent une aide médicale pour arrêter de fumer. Les méthodes non médicamenteuses conservent leurs adeptes, bien que leur efficacité ne soit validée par aucune étude sérieuse ; la seule approche faisant exception est la thérapie cognitivo-comportementale.
Dans le cas d’un fumeur dépendant, le traitement de substitution nicotinique sous forme orale ou de dispositifs transdermiques constitue actuellement la clé de voûte de la stratégie d’arrêt du tabac. L’arsenal thérapeutique s’est également enrichi du bupropion (Zyban®), auquel viendra très prochainement s’ajouter la varenicline, un inhibiteur des récepteurs alpha 4 bêta 2 à la nicotine qui sera commercialisé sous le nom de Champix®.
Les médecins sont donc, aujourd’hui, mieux armés pour répondre à la demande de patients de mieux en mieux informés et toujours demandeurs de nouveaux traitements. A noter que, depuis le 1erfévrier 2007, l’assurance-maladie rembourse 50 euros par traitement et par an aux patients qui souhaitent arrêter de fumer.
En trente ans, le taux de survie des individus atteints d’un cancer du poumon est passé de 8 % à 10-12 % à cinq ans ; or ce cancer demeure, aujourd’hui encore, provoqué à près de 90 % par le tabac. Alors que le traitement ne permet guère de guérir qu’un patient sur dix, la disparition du tabagisme permettrait d’éviter neuf cancers du poumon sur dix. C’est dire que le seul traitement vraiment efficace de ce type de cancer est sa prévention par l’arrêt du tabac.
D’après un entretien avec le Pr Bertrand Dautzenberg, service de pneumologie, GH Pitié-Salpêtrière, Paris.
Une prise de conscience salutaire
Les mesures législatives et les campagnes de prévention ont notablement contribué à faire évoluer l’image du tabac en France. En 1976, un texte législatif a, pour la première fois, déclaré le tabac nocif pour la santé. En 1991, la loi Evin a précisé que la fumée du tabac était également dangereuse pour les non-fumeurs, faisant par là même émerger la notion de tabagisme passif. Au cours des dernières années, l’augmentation du prix du tabac, l’inscription des messages sanitaires sur les paquets de cigarettes et les campagnes de prévention ont eu un impact significatif sur le niveau du tabagisme en France.
La mesure gouvernementale entrée en vigueur le 1erfévrier 2007 devrait encore faire baisser le tabagisme, mais seulement de façon modeste ; c’est surtout l’interdiction absolue de fumer dans les lieux publics, dont l’application effective est prévue au 1er janvier 2008, qui devrait avoir un impact important.
Le sport n’est pas une protection
Hormis l’arrêt de la consommation, il n’existe aucune mesure efficace permettant de se prémunir contre les effets néfastes du tabac. C’est notamment une erreur de penser que le sport a une action protectrice. Tout au contraire, il est préférable de s’abstenir de pratiquer une activité sportive dans les deux à trois heures qui suivent la consommation de tabac, ce délai étant nécessaire à l’élimination sanguine du monoxyde de carbone. En effet, celui-ci étant fixé sur les hématies, il empêche le transport de l’oxygène vers les muscles et, notamment, le myocarde.
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