Depuis la fin de la semaine dernière, un travail, conduit au sein du ministère de l'Emploi et de la Solidarité avec le concours des ministères de la Santé et des Handicapés et en liaison avec le ministère de la Justice, a permis de mettre au point un texte sur l'indemnisation des nouveau-nés handicapés.
L'idée conductrice, explique Elisabeth Guigou, consiste à « essayer de trouver une solution » en limitant « la responsabilité médicale à la faute » et en garantissant aux parents et aux enfants qu'ils recevront « une juste indemnisation du préjudice qu'ils ont subi non pas du fait d'être né », à l'instar de la jurisprudence Perruche, mais à cause du handicap. En même temps, relève la ministre, « il faut résister » à la « judiciarisation » des relations patients-médecins. Un amendement sur l'indemnisation des handicaps congénitaux (n° 3462) adoptée par la commission des Affaires sociales le 12 décembre pourrait servir de canevas. « Lorsque le handicap est d'origine congénitale et n'a pas été décelé pendant la grossesse en raison d'une faute médicale lourde, stipule-t-il ,les parentspeuvent demander, en sus de la réparation de leur préjudice propre, les moyens de préparer l'avenir de leur enfant conformément à l'article 213 du code civil. »
Quoi qu'il en soit, sous forme d'amendement (au projet de loi sur les droits des malades) ou de proposition législative, le texte retenu in fine par Lionel Jospin sera déposé et examiné dans l'hémicycle du palais Bourbon le 10 janvier, lors de la reprise de la discussion de la proposition du député DL Jean-François Mattei. Ce texte stipule que « nul n'est recevable à demander une indemnisation du fait de sa naissance ». Le 13 décembre 2001, le gouvernement et le Parti socialiste étaient parvenus à éviter le vote de ce texte, mais, sous la pression d'une majorité de députés, le débat reprendra demain.
Les professionnels
restent vigilants
Pour sa part, le Syndicat des gynécologues et obstétriciens français (SYNGOF), qui fait la grève des échographies anténatales depuis le 1er janvier (1), tiendra des états généraux le 5 janvier. Il réaffirme plusieurs exigences. « Nous sommes attachés à la création de documents d'information pour les médecins et les patients, car c'est la seule façon de rassurer tout le monde, y compris les femmes enceintes », relève le Dr Guy-Marie Cousin, secrétaire général . Un document préciserait les moyens à développer « pour faire un bon diagnostic prénatal » ; et un autre serait destiné « aux couples et aux mères, leur indiquant quels sont ces moyens, à quelles périodes de la grossesse » ils doivent être mis en uvre, « dans quelles conditions, et quelles (en) sont les limites connues ». De la sorte, les patients apprendront que « l'échographie, dans les meilleures mains, va laisser passer un pourcentage non négligeable d'anomalies, c'est-à-dire 30 %, les deux tiers des problèmes étant dépistés ». Outre la publication d' « un guide de référence des pratiques professionnelles concernant l'ensemble des actes de diagnostic anténatal, actualisé chaque année par le ministère de la Santé », le SYNGOF souhaite un changement dans les expertises judiciaires. « Deux experts au moins, et non plus un seul, devraient être commis » et toute enquête portant sur une échographie obstétricale devrait comprendre « un expert en échographie ». Enfin, la promulgation d' « un texte harmonisant les délais de responsabilité des professionnels libéraux, actuellement de 30 à 48 ans, avec ceux des hospitaliers publics » (4 ans devant les tribunaux administratifs) constitue une priorité au même titre que la revalorisation des actes d'échographie anténatale, pour faire face aux augmentations des primes d'assurances.
Le Dr Pierre Haehnel, secrétaire général de l'Ordre, rappelle que l'instance ordinale nationale a été en pointe de façon constante dans le soutien apporté aux praticiens réalisant des diagnostics anténataux et aux familles de handicapés, pour qui la vie ne saurait être un préjudice.
Vendredi dernier, avec d'autres responsables médicaux, il a passé plus de trois heures au ministère de la Santé, « qui, avec Ségolène Royal, a compris » les conséquences néfastes de l'arrêt Perruche. Alors la chancellerie a manifesté sa résistance « en appuyant la Cour de cassation ».« Dès le 13 novembre, dans un communiqué qui a fait bouger les choses, dit au « Quotidien » le Dr Haehnel, on annonçait la grève des échographies ». Il déplore que « le Quotidien » (du 7 janvier) ait sorti du contexte d'un entretien accordé au « Parisien » ces quelques mots : « Il y a trente ans, on ne faisait pas d'échographies en France, et ça n'empêchait pas les enfants de naître. »
L'arrêt Perruche, pris par la Cour de cassation le 17 novembre 2000, confirmé à plusieurs reprises, a accordé pour la première fois une réparation financière à un enfant né lourdement handicapé, car la rubéole de sa mère n'avait pas été diagnostiquée durant la grossesse.
Jusqu'alors, l'indemnisation des parents ne posait pas de problèmes juridiques. Mais aucune réparation n'avait jamais été attribuée à un enfant né handicapé dont le handicap ne résultait pas pas directement de la faute du médecin.
Il s'en est suivi un tollé dans le monde médical, religieux et politique. Récemment, une centaine de femmes enceintes ont rejoint le combat des échographistes, en signant une pétition, intitulée « Les gros ventres sont en colère. » (2) « Je suis enceinte de quatre mois et demi et l'on vient d'annuler mon échographie pour cause de grève, témoigne Nelly Ach, Mulhousienne de 25 ans. J'ai décidé de lancer cette pétition car je pense que les femmes seront les premières victimes » de la jurisprudence Perruche.
Chaque année, environ 18 000 enfants sur 750 000 naissances sont atteints de malformations congénitales, dont 5 000 à 6 000 sont qualifiées de graves.
(1) Le Collectif national pour la sauvegarde de l'accès à l'échographie et au diagnostic anténatal, créé le 9 décembre 2001 sous l'impulsion du Pr Israël Nisand, est aussi particulièrement actif dans le combat contre l'arrêt Perruche.
17 personnalités, parmi lesquelles les Prs Sicard, du Comité d'éthique, et Hoerni, de l'Ordre, et le généticien Albert Jacquart publient un manifeste (« L'Express » du 3 janvier), où elles demandent au législateur de répondre aux interrogations « vertigineuses » posées par l'arrêt Perruche.
(2) Fax : 03.89.46.05.66.
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