Depuis septembre dernier, les patients sciatalgiques qui étaient justiciables d'une chimionucléolyse ne peuvent pas en bénéficier en raison de l'arrêt de la fabrication de la chymopapaïne (Chymodiactine). Cette situation est d'autant plus regrettable qu'il ne reste actuellement que la chirurgie à proposer aux patients atteints de sciatique rebelle, alors que bon nombre d'entre eux pourraient bénéficier avec succès d'une chimionucléolyse de première intention. La chimionucléolyse permet, en effet, d'éviter la chirurgie, délicate dans cette indication, chez 85 % des patients.
La chymopapaïne purifiée est produite depuis vingt-cinq ans par les Laboratoires Knoll en Allemagne et commercialisée par le Laboratoire Sigma Tau en France sous le nom de Chymodiactine. L'arrêt de la production a été décidé l'année dernière, à la fin de l'été, pour des raisons encore difficiles à préciser, soit en raison de difficultés à se procurer la matière première (voir encadré), soit pour des contraintes réglementaires. Selon le Pr Thomas Bardin (hôpital Lariboisière, Paris), « c'est une catastrophe. Nous réalisions dans notre service quatre ou cinq nucléolyses par semaine ; depuis la fin de l'année, nous n'en pratiquons aucune. Cela signifie que dix sciatiques rebelles sur dix doivent être opérées, ce qui sature l'activité chirurgicale ;et, ajoute-t-il, ce n'est pas sans conséquences sur le plan économique. La chimionucléolyse est une technique qui, lorsqu'elle est maniée prudemment, nous donne toute satisfaction. Les accidents sont bien inventoriés et restent rares », poursuit le spécialiste.
Comme l'explique le Pr Jean-Denis Laredo, chef du service de radiologie ostéo-articulaire, hôpital Lariboisière à Paris, « l'arrêt de la fabrication de la chymopapaïne a été annoncée aux rhumatologues français, en raison de difficultés techniques de fabrication. S'il est exact que la fabrication de la chymopapaïne pose des problèmes liés à l'extraction du principe actif tout en minimisant son risque allergisant, il n'en reste pas moins vrai que la fabrication de ce produit, forte d'un passé de vingt-cinq ans, ne relève pas de l'impossible ».
Trouver une issue positive
Les représentants des Laboratoires Abbott France, qui ont acquis les activités pharmaceutiques de BASF AG en mars 2 001, disent « n'avoir aucune prise possible sur cette décision » ; la production de chymopapaïne relève de l'Allemagne et in ine des instances internationales du groupe. Par ailleurs, Knoll ne commercialisait pas la chymopapaïne dans notre pays.
De son côté, Sigma Tau qui, lui, assure la commercialisation de Chymodiactine en France doit gérer l'interruption de son contrat de fourniture. « Nous sommes devant le fait accompli, regrette, M. Cartier, directeur marketing de Sigma Tau France. Le contrat de fourniture, que nous avions avec l'Allemagne, est arrêté en raison de difficultés à fournir la matière première. Notre maison mère, basée en Italie, est en contact avec Abbott-Knoll pour trouver une solution positive à cet état de fait. D'ores et déjà, nous avons adressé une circulaire aux pharmacies centrales des hôpitaux pour les informer de notre impossibilité à fournir la chymopapaïne. Nous recevons des appels téléphoniques de patients qui se plaignent de cet arrêt. » Jusqu'alors, environ 4 000 unités de chymopapaïne étaient utilisées chaque année.
Sachant qu'aucun autre laboratoire ne fabrique la chymopapaïne et qu'aucun autre médicament ne peut la remplacer, la communauté rhumatologique est particulièrement choquée par cette décision brutale d'interruption de fabrication à laquelle aucune autre alternative n'est proposée. D'ores et déjà, la Société française de rhumatologie et le Pr Laredo se sont mobilisés face à cette situation très préjudiciable pour les patients. Des contacts ont été pris avec les instances ministérielles, en particulier avec la Direction générale de la santé et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits en santé (AFSSAPS). Le Pr Bardin assure « avoir informé certains des représentants de l'AFSSAPS lors d'un récent comité de pharmacovigilance ». Une action est également envisagée auprès de l'Agence européenne du médicament. Reste à savoir si une telle décision peut être remise en cause.
La chymopapaïne, enzyme extraite de Carica papaya, réalise un clivage enzymatique des protéoglycanes constituant le nucleus, entraînant une chute de la pression osmotique et une déshydratation. L'injection de chymopapaïne entraîne une dégradation du matériel discal nucléaire tout en préservant l'annulus. L'injection intradiscale unique de chymopapaïne est indiquée dans le traitement des hernies discales résistantes à un traitement médical correctement conduit et confirmée par radiculographie ou tomodensitométrie.
C'est la combinaison de la chimionucléolyse (dans un premier temps), puis de la chirurgie (dans un deuxième temps) qui permet de réduire le nombre d'échecs finaux.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature