Dans le cadre de la mise aux normes accessibilité aux personnes handicapées, les médecins libéraux sont depuis deux ans la cible privilégiée de sociétés peu scrupuleuses, dont les méthodes sont proches de la manipulation, du harcèlement, voire de l'escroquerie pure et simple.
Nouvelle victime de l'arnaque, le Dr Dominique Howald-Bienvenu, dermatologue, témoigne sur M6 de sa mésaventure (un faux expert qui devait attester de la mise aux normes) qui lui a coûté 700 euros.
L'escroquerie commence souvent par une lettre proposant aux médecins de s’affranchir de leur obligation de dépôt de l’agenda d’accessibilité programmé (Ad’AP). Un médecin breton en a récemment fait les frais.
Discours anxiogène...
Un généraliste alsacien, abusé lui aussi, raconte sa déconvenue à la Fédération des médecins de France (FMF), en soulignant que ces sociétés maîtrisent parfaitement les codes de l’arnaque. « J'ai reçu un courrier me stipulant qu’il me restait trois semaines pour fournir à l’administration, dans le délai légal, le certificat de conformité de l’accessibilité du cabinet médical aux handicapés. C'était tellement bien rédigé ! J’ai tout bonnement cru que ces gens fort sympathiques allaient m’aider à remplir le formulaire qui me dégagerait enfin de toute démarche administrative chronophage. »
Le courrier adopte une forme et un contenu qui laisse imaginer au destinataire qu’il est sollicité par l’administration. Les documents reprennent couleurs et logos officiels. Le message adressé est toujours anxiogène : il rappelle les sanctions pénales et financières encourues en cas de non-respect de la mise aux normes d'accessibilité, et notamment « jusqu’à 225 000 euros d’amende pénale pour les personnes morales », mentionne la lettre. Une fois le courrier reçu, les « médecins sont harcelés au téléphone et reçoivent de très nombreux appels », raconte le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, médecin généraliste responsable de la cellule juridique de la FMF.
... et menace crédible
Pour ceux qui n'ont pas rempli leur obligation de mise aux normes, les sociétés proposent – contre le paiement d'un tel « service » – de s’affranchir du dépôt à l’agenda d’accessibilité programmé. « En un an, nous avons reçu une cinquantaine de demandes de renseignements à ce sujet, explique le Dr Gilles Urbejtel, trésorier de MG France. Des médecins n’ayant pas réalisé les démarches nécessaires ont été sensibles au discours menaçant du courrier, d’autant que l’habillage aux apparences officielles rend le message et la menace crédibles ».
À la suite des signalements, les syndicats ont pourtant alerté les médecins et appelé à la vigilance. « Certaines entreprises indélicates jouent à la fois sur la confusion avec une démarche obligatoire et sur l’absence de protection particulière des professionnels dans le cadre d’une souscription à distance », rappelle la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans ses recommandations face à un démarchage abusif.
« La force de ces sociétés, c’est leur capacité à faire tomber les résistances et à faire oublier les principes de bon sens. Elles déploient un discours performatif, entretiennent le flou sur leur rapport à l’administration et, surtout, elles harcèlent. Certaines victimes payent seulement pour faire cesser les appels », décrypte Julia Zucker, chargée de mission au sein de la délégation ministérielle à l’accessibilité.
Reste qu’il est difficile d’évaluer le nombre de médecins victimes. « Peu de personnes flouées se manifestent, souvent parce qu’elles sont convaincues qu’il n’y aura aucune suite », poursuit Julia Zucker. Les signalements effectués auprès de la DGCCRF ont pourtant donné lieu à des procédures contentieuses rédigées et adressées aux procureurs des tribunaux de grande instance de Paris et de Lyon.
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