Classiquement, on entend par fièvres hémorragiques virales (FHV) des maladies transmises par des agents de connaissance relativement récente (hantavirus, arénavirus,filovirus...). Cette définition exclut donc arbitrairement deux arboviroses transmises par les moustiques (Aèdes) : la fièvre jaune et la dengue hémorragique. La nécessité d'un vecteur non adapté sous nos latitudes, d'une part, et l'existence d'une vaccination efficace pour la fièvre jaune, d'autre part, rendent peu plausible leur utilisation comme arme biologique.
Physiopathologie
Tous les virus des FHV ont un tropisme pour les monocytes, macrophages et cellules de l'endothélium vasculaire. Après avoir créé une phase d'immunosuppression transitoire, les virus se multiplient dans d'autres organes (foie, rein, système nerveux) en fonction de leur tropisme. Ils provoquent une importante réaction inflammatoire avec libération de cytokines, à l'origine du choc hypovolémique (par extravasation plasmatique et coagulopathie). Ces fièvres s'accompagnent d'un trouble du nombre et des fonctions plaquettaires, voire parfois d'une CIVD (fièvre jaune, dengue...). Selon le virus en cause, on estime que la létalité des FHV varie de 1 % à 80 %, ce chiffre étant probablement surévalué du fait de la non-déclaration des formes bénignes et asymptomatiques.
Virologie
Quatre familles de virus peuvent donner une FHV (tous des virus à ARN enveloppé) :
1 ) Les flavivirus, avec la fièvre jaune et la dengue transmises par des moustiques, ainsi que plusieurs autres viroses transmises par des tiques, telle que la maladie de la forêt de Kyasanur, présente en Inde et au Moyen-Orient, et la fièvre hémorragique d'Omsk, en Russie.
2) Les bunyavirus qui comprennent :
- les phlébovirus. Virus de la fièvre de la vallée du Rift, arbovirose transmise par un moustique du type Aèdes ;
- les nairovirus : virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, arbovirose transmise par des tiques présentes en Afrique, en Asie et en Europe (Grèce, Balkans...) ;
- les hantavirus transmis par des rongeurs.
3) Les arénavirus (fièvre de Lassa...) transmis par des rongeurs.
4) Les filovirus (Ebola, Marburg) dont le réservoir est inconnu.
Contamination
La contamination des hantavirus et des arénavirus se fait par voie aérienne (aérosol) à partir des excréta (urines, fèces) des animaux vecteurs infectés (rongeurs), très rarement par morsure (salive). Quelques rares cas de transmission interhumaine ont ensuite été rapportés.
Le mode de contamination primaire des filovirus soulève quant à lui des interrogations car on n'en connaît pas encore formellement le réservoir. Secondairement, l'infection se transmet de personne à personne par des contacts étroits et généralement prolongés avec un malade en phase aiguë ou un cadavre (personnel soignant, famille). Le virus est présent au niveau de la peau, ce qui est un élément important favorisant la transmission. L'absence de matériel à usage unique (seringue en verre) a également été la cause des premières épidémies de filovirus. En Afrique, le risque épidémique est particulièrement lié au manque d'hygiène et à la contamination des personnes soignantes.
Incubation-prodromes
Après une période d'incubation de trois jours à trois semaines, des signes généraux, dominés par une forte fièvre, apparaissent généralement brutalement, pouvant faire porter à tort le diagnostic de grippe, de dengue ou de paludisme, selon les pays. Dans certains cas graves, le tableau initial de fièvre, arthralgies, myalgies, céphalées, nausées s'accompagne d'une rapide altération de l'état général avec anorexie et prostration. De fortes douleurs abdominales sont également observées.
Syndrome hémorragique
La tendance aux saignements fait rapidement suite aux signes généraux. Les manifestations hémorragiques qui signent l'atteinte endovasculaire sont le plus souvent superficielles : pétéchies, hémorragies conjonctivales, gingivorragies, ecchymoses aux points d'injection. Mais des hémorragies internes : méléna (diarrhée rouge du virus Ebola), hématuries, hémorragies vaginales sont également possibles (de volume limité le plus souvent).
Choc hypovolémique
Le signe commun, principale cause de décès, des FHV est la survenue d'un choc hypovolémique par extravasation plasmatique au niveau des capillaires. Dans les formes mortelles, la coexistence d'un choc, d'une défaillance polyviscérale et d'hémorragies est très comparable au choc septique.
Atteintes viscérales
Selon les virus, il peut exister des atteintes pulmonaires (virus de Lassa et Ebola), hépatiques, neurologiques (méningo-encéphalite de la fièvre de la vallée du Rift).
Les hantavirus, dont les périodes d'incubation peuvent aller jusqu'à un ou deux mois, présentent des formes cliniques différentes des autres viroses : fièvre hémorragique avec syndrome rénal en Europe et Asie ; formes pulmonaires en Amérique.
Diagnostic
La plupart des virus à détecter sont des agents de classe III ou IV, à manipuler en niveau de biosécurité correspondant, avec transport des prélèvements selon les réglementations en vigueur. Un contact préalable avec le laboratoire effectuant les tests est nécessaire pour définir le protocole d'investigation qui requiert certaines informations d'ordre clinique et épidémiologique (date de début des symptômes, notion de voyage, exposition, vaccinations...). Le diagnostic est réalisé généralement sur prélèvement sanguin (tube sec). Il se fait pour la plupart des viroses par RT-PCR, méthode d'identification rapide qui donne un résultat en 24-48 heures. Des tests sérologiques rapides sont réalisés par immunofluorescence indirecte et recherche sérologique d'IgM spécifiques. La mise en culture à partir de prélèvements sanguin ou tissulaire est réalisée en second lieu. Pour les virus Ebola et Lassa, par exemple, des techniques de capture d'antigènes sont également disponibles. La suspicion d'un cas de fièvre hémorragique doit faire prendre des mesures de protection pour le personnel soignant qui effectue le prélèvement, pour l'acheminement du matériel et l'analyse dans un laboratoire de haut niveau de protection. La liste de ces mesures a été réactualisée par l'OMS en 1995.
Traitement
Le traitement* des fièvres hémorragiques fait appel à la réanimation hydroélectrolytique adaptée à la physiologie de la maladie et à la dialyse pour les fièvre hémorragiques avec syndrome rénal. La ribavirine est active à la fois en curatif et en préventif sur un certain nombre de virus (hantavirus ±, arénavirus).
Avec la collaboration du Dr Hervé Zeller (laboratoire des fièvres hémorragiques, Institut Pasteur, Paris ).
Pour toute information complémentaire, contacter le Centre national de référence de l'Institut Pasteur : arbovirus@pasteur.fr
* Pour en savoir plus sur les traitements, consulter les fiches du plan Biotox : http://afssaps.sante.fr/htm/10/biotox/bio100.htm
Agents des fièvres hémorragiques virales
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Mode
de transmission----Virus----Famille----Genre
.
Piqûre----Amaril (fièvre jaune),dengue,vallée du Rift ----Flaviviridae----Flavivirus
.
Piqûre----Crimée-Congo,forêt de Kyasanur---- Bunyaviridae,Flaviviridae,----Nairovirus
---- Flavivirus
.
Contact avec des déjections de rongeurs----Lassa, Junin (Argentine),Machupo (Bolivie), Guanarito (Venezuela) Sabia,Huntaan,Séoul,Sin nombre, Puumala (néphropathie épidémique)---- Arenaviridae,Bunyaviridae----ArénavirusHantavirus
.
Inconnue pour les cas primaires, interhumaine pour les cas secondaires----Marburg, Ebola---- Filoviridae----Filovirus
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