L'agent responsable de la peste est une entérobactérie, un bacille plus précisément, Yersinia pestis. On décrit deux formes cliniques de la maladie : la peste bubonique et la peste pulmonaire. L'infection est réémergente actuellement. Elle touche le sud de l'Afrique, une partie de l'Asie, des pays d'Amérique latine et même les Etats-Unis.
La peste bubonique
La peste bubonique est la plus fréquente et aussi la moins grave des deux. La contamination à l'humain se fait à partir d'une puce de rongeur, hôte de la bactérie. Après la mort du rat, lorsque le corps se refroidit, l'insecte saute sur le premier hôte possible. Ce peut être un humain qui passe à proximité. La puce pique alors l'individu, lui transmettant Y. pestis.
Par voie lymphatique, le bacille remonte jusqu'au ganglion le plus proche, qui s'infecte en un à cinq jours. C'est le « bubon », en fait une adénopathie cerclée d'une zone démateuse. Cette adénopathie n'est guère caractéristique, si ce n'est par son caractère très algique. La douleur, qui peut créer une position antalgique, attire l'attention. Enfin, le syndrome infectieux est net, avec une forte fièvre.
A ce stade bubonique, deux issues sont possibles. La plus favorable, mais aussi la moins fréquente (30 % des cas) est, par la mise en jeu de défenses immunitaires, une limitation de l'infection au ganglion touché. Celui-la se nécrose, forme un abcès qui fistulise à la peau. La guérison s'obtient ainsi en huit à dix jours. Dans 50 à 70 % des cas, le bacille dissémine, à partir du ganglion, par voies sanguine et lymphatique, au foie et à la rate. Une septicémie survient, mortelle dans les rente-six heures.
La peste pulmonaire
Moins fréquente, mais mortelle à 100 % en l'absence de traitement est la seconde forme de l'infection : la peste pulmonaire. Le décès survient en moins de trois jours, voire en quelques heures.
Le point de départ n'est plus une puce de rongeur, mais un malade atteint de peste bubonique. Ce dernier déclare une peste pulmonaire secondaire à l'infection d'origine animale. Au cours de la pneumopathie pesteuse, il peut transmettre par voie aérienne Y. pestis à des sujets contacts, qui l'inhalent. Le bacille infecte directement le parenchyme pulmonaire : c'est la peste pulmonaire primitive.
Ici encore, les symptômes sont banals et atypiques. Il s'agit d'un syndrome pseudo-grippal avec toux sèche, fièvre et céphalées. Très rapidement le bacille dissémine. La pneumopathie pesteuse apparaît avec des signes d'atteinte profonde de l'état général, une toux avec crachats hémoptoïques dits « sirop de framboise », des douleurs thoraciques importantes, une fièvre très élevée, des troubles de la conscience et coma. Les clichés thoraciques sont sans spécificités, en dehors d'images liées à la pneumopathie. Arrivé à ce stade, en l'absence de traitement, le décès est proche.
La confirmation diagnostique
Jusqu'à voici peu, le diagnostic reposait sur deux examens : la sérologie et la bactériologie.
La sérologie ne donne pas le diagnostic. La montée des anticorps se faisant en six jours, à ce stade, le patient est guéri ou décédé. Il s'agit ici plutôt d'une orientation, d'une confirmation a posteriori chez un patient suspecté de peste et traité. Des réactions croisées, responsables de faux positifs, sont possibles.
Le diagnostic de certitude repose sur la bactériologie. A condition que le biologiste pense à rechercher Y. pestis. Le bacille croît à 28° et, au moins, en 48 heures sur les cultures. Dans l'analyse d'une expectoration, le plus souvent polycontaminée, les Yersinia peuvent passer inaperçu. Une fois passées ces quarante-huit heures, de quatre à cinq jours sont encore nécessaires à l'identification. Le diagnostic est long à obtenir.
Depuis peu sont apparues des bandelettes de diagnostic rapide. En moins de dix minutes, une forte orientation est obtenue sur une simple expectoration ou le contenu d'un bubon. Ces bandelettes ont été développées par les Instituts Pasteur de Madagascar (à Antananarivo) et de Paris. Elles sont en dernière phase de validation sur le terrain à Madagascar.
Le traitement
Hormis deux souches qui ont acquis des plasmides de résistance, les bacilles sont sensibles à tous les antibiotiques actifs sur les bacilles Gram négatif, en tout cas sur des modèles murins et in vitro.
L'OMS recommande la streptomycine (2 g/jour jusqu'à amélioration clinique), la tétracycline. Ces deux molécules peuvent être associées dans les formes sévères. Dans les atteintes méningées, le chloramphénicol complète la bi-antibiothérapie.
Dans la forme pulmonaire, la guérison est possible à condition de traiter tôt. La difficulté réside dans la rapidité d'instauration de l'antibiothérapie, donc du diagnostic.
Pour les sujets contacts, un traitement prophylactique doit être proposé à base de tétracycline ou de sulfamides (sulfamétoxazole-triméthoprime, en traitement minute).
Que faire ?
A l'heure actuelle, la clinique n'étant pas spécifique, le principal argument de suspicion est un séjour dans un pays contaminé, dans les sept jours précédents. Le diagnostic est quasi impossible au cabinet. Soit le patient tousse et il est traité pour une grippe ou une pneumopathie. Soit il est vu à un stade plus avancé et est rapidement hospitalisé.
En ce qui concerne la peste bubonique, des diagnostics différentiels peuvent être évoqués : maladie des griffes du chat, tularémie, brucellose, tuberculose.
A la moindre suspicion, prélèvement et analyse bactériologique doivent être demandés, en se souvenant des risques d'erreurs d'un laboratoire inexpérimenté. En cas de confirmation, la peste est inscrite sur la liste des maladies à déclaration obligatoire.
« En termes de bioterrorisme, n'importe qui ne peut pas prendre du bacille de la peste et le manipuler. Il s'agit du bacille le plus dangereux sur terre. L'apprenti sorcier qui le manipulerait en serait la première victime. »
D'après un entretien avec le Dr Elisabeth Carniel, responsable du laboratoire des Yersinia, Institut Pasteur, Paris.
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