LES DÉNONCIATIONS DE LA GRÈVE ont été multiples, notamment à la Cftc, très minoritaire, qui affirme que dans le « panier » de soixante-dix revendications des grévistes, il n'y en a aucune qui soit sérieuse. Le coup d'arrêt que la CGT prétend donner aux privatisations ne s'expliquerait même pas par le danger qu'encourait la Sncf, mais par le désir de l'organisation syndicale de durcir sa base à la veille d'élections syndicales où elle veut se tailler sa part.
A quoi s'ajoute un différend entre Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, et Didier Le Reste, le patron CGT des cheminots qui veut poursuivre « la lutte des classes », alors que M. Thibault a des objectifs politiques plus larges (et peut-être plus raisonnables) que celui des salariés Sncf.
Bigre ! Il nous semble que « dictature du prolétariat » serait une expression plus appropriée.
Une machine à empoisonner le peuple.
Mais, finalement, peu importe. Encore beaucoup d'usagers des trains ont soutenu les grévistes, probablement parce qu'ils étaient désinformés. Il serait temps que les Français ouvrent les yeux sur une société qui serait un bijou national si elle n'était pas en grève six fois par an. Ce réseau ferroviaire dont nous pourrions être fiers s'il fonctionnait devient une machine à empoisonner le peuple au nom de toutes les bonnes raisons qui servent les causes de la CGT. Les revendications syndicales s'ajoutent maintenant à des revendications politiques. Le pire est que la CGT dit au gouvernement comment il doit gérer la Sncf de façon plus généreuse, alors que la société a une dette de 40 milliards d'euros, dont le service est payé par le contribuable. Pire : personne ne sait très bien comment seront financées les retraites des cheminots, encore un besoin de financement qui porte à 100 milliards le passif de la Sncf. Bien entendu, tout le monde oublie de faire le rapprochement entre la retraite des cheminots à 50 ans et les sommes fabuleuses qu'il faut leur verser quand ils ont cessé de travailler.
IL FALLAIT FAIRE DES CONCESSIONS POUR EMPÊCHER LA GRÈVE. IL NE FAUT PAS SUPPLIER LES GRÉVISTES MAINTENANT QU'ILS LA FONT
Ce qui est incroyable, c'est que le gouvernement de M. Chirac, qui, selon l'opposition, est plus à droite que naguère, s'engage à ne pas privatiser la Scnf, c'est-à-dire qu'il s'engage à laisser l'Etat payer la dette de la société indéfiniment. L'Etat, c'est nous. Mieux, le gouvernement est tellement terrorisé par les syndicats qu'il en arrive à signer noir sur blanc des documents qui l'engagent pour l'avenir sur le maintien de la Sncf dans le pool des sociétés nationales. Mieux encore : en désespoir de cause, la direction de la Sncf propose aux cheminots une prime exceptionnelle de 120 euros pour qu'ils reprennent le travail.
Pour une poignée d'euros.
C'est pathétique. D'une part parce qu'il faut donner de l'argent à des salariés (plutôt bien payés en général) pour qu'ils reprennent le travail, alors qu'en septembre dernier ils avaient déjà refusé une prime de 160 euros : la Sncf commençait à gagner un peu d'argent (miracle !) et voulait en distribuer une partie pour améliorer le pouvoir d'achat de ses salariés. Mais pourquoi les employés de la Sncf, qui travaillent moins de 30 heures par semaine, prennent leur retraite à 50 ans et touchent en fin de carrière des salaires de cadre, s'abaisseraient-ils à servir l'intérêt général pour une poignée d'euros ? Ils sont bien trop à l'aise pour s'extasier d'une obole. Il est infiniment plus intéressant d'envahir les médias avec l'événement national qu'on ne manque pas de créer en faisant la grève dans ce secteur.
Si toutes les parties étaient sincères, voilà ce qu'il faudrait dire de cette affaire : les cheminots français, qui représentent une classe de Français privilégiés, ont fait la grève parce que les syndicats qui les représentent ne croient pas que la gauche l'emportera aux élections de 2007. Ils ont donc déclenché ce qui n'est rien d'autre qu'un chaos, puisque, après la Sncf, c'est la Ratp qui s'est mise en grève mercredi, selon la bonne vieille technique de la boxe, un coup direct, puis un uppercut.
Le gouvernement est groggy : il sait qu'à terme la multiplication des grèves dans le service public (les enseignants s'y mettent aujourd'hui) peut lui coûter cher à un moment où il n'est pas vraiment populaire. Il s'est donc efforcé de démontrer qu'il n'a pas l'intention de privatiser la Sncf, alors que les Français devraient se demander si, pour échapper au trou noir que représentent la retraite des cheminots et la dette de la société nationale, il ne vaudrait pas mieux qu'elle soit gérée par des comptables et servie par des employés un peu moins paresseux.
Bref, disons-le tout net : le pouvoir est à genoux devant les grévistes français de tout poil. On aurait compris qu'il fît des concessions pour empêcher la grève. On comprend moins bien qu'il se prosterne devant les militants syndiqués quand ils la font.
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