Après un drame effroyable dans son cabinet, un généraliste se sent abandonné par les autorités

Publié le 07/01/2014

Tragique et sanglant début d’année pour un généraliste du Vaucluse. Le matin du 2 janvier, une vingtaine de patients, dont des enfants, patientent dans la salle d’attente du Dr F. lorsqu’une mère demande à passer en urgence avec son fils de 28 ans, psychotique. Le généraliste le suivait enfant. Depuis, le fils avait changé de région et effectuait régulièrement des passages aux urgences psychiatriques, lors d’épisodes aigus de décompensation, souvent sous l’effet de toxiques.

La consultation se déroule normalement. Le jeune patient, qui dit se sentir « menacé de mort par des Russes », semble accepter de se rendre aux urgences psychiatriques, comme le propose le Dr F.

Mais vers 10 h 30, alors que sa mère exprime sa réticence à quitter le cabinet en sa compagnie, il a un « raptus », sort un couteau qu’il porte à son cœur à six reprises tout en essayant de toucher également sa mère. Il vise aussi le généraliste. Ce dernier, pompier volontaire depuis 20 ans, ouvre la porte de son bureau pour permettre à la mère de s’échapper, raconte-t-il au « Quotidien ». Le jeune homme, couvert de sang, se poignarde dans la salle d’attente avant d’être mis dehors par le médecin.

L’équipe de police secours appelée par le généraliste le retrouve tapi dans une impasse derrière le cabinet. Une policière lui demande de lâcher son arme. Il finit par s’ouvrir la carotide et, victime d’hémorragie, décède, sous les yeux du Dr F. et de la police.

Solitude

Le généraliste sollicite immédiatement une prise en charge de ses patients par l’unité psychologique du SAMU. On lui propose une cellule d’accueil de psychiatres à l’hôpital, ou l’intervention de l’unité départementale d’appui psychologique (UDAPSY), mais pas avant un délai de deux heures. « Certains patients attendaient depuis des heures, dans 12 m2, couverts de sang. Ils n’en pouvaient plus », rapporte encore le Dr F. au « Quotidien ». Il invite sa patientèle à revenir en fin d’après-midi pour traiter leur pathologie et reparler du drame.

Mais entre-temps, il dit se heurter à des « intervenants protocolisés ». « J’ai demandé une équipe de pompiers en renfort, pour mes patients. On m’a répondu qu’elle n’était pas habilitée à une prise en charge psychologique. J’ai demandé aux pompiers à ce qu’on m’aide à nettoyer mon cabinet et l’impasse. On m’a répondu qu’il s’agissait de lieux privés, et que cela n’est pas de leur ressort. » C’est donc avec l’aide d’un voisin que le Dr F. s’acquitte de la pénible tâche.

Le généraliste a également été choqué de l’attitude qu’il qualifie de « peu confraternelle » du SMUR, marquée par « une certaine froideur humaine ». « Je n’ai pas du tout été pris en charge. Je n’ai même pas eu une tape dans le dos », déplore-t-il. Une des conséquences, selon lui, du hiatus entre le monde hospitalier et le monde libéral. « Je ne suis pas dans l’administratif ou le protocolaire. J’ai 50 ans, je travaille seul et reçois 40 patients par jour car on manque cruellement de médecin dans le Vaucluse. Je n’ai pas pris de jour de repos », explique-t-il.

Le réconfort ? Le Dr F. l’a trouvé immédiatement auprès de ses patients, dont il a reçu des présents en gage de reconnaissance, et de certains confrères. Le Dr F. a fini par recevoir des marques de soutien des pompiers qui, après être restés « droits dans leurs bottes », selon ses mots, se sont remis en question. « Cette attitude finale m’a finalement donné envie de reprendre du service actif auprès des pompiers du Vaucluse », conclut le généraliste.

 COLINE GARRÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr