Après un diagnostic de démence, la survie dépasserait à peine trois ans

Publié le 11/04/2001
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L A plupart des études menées sur l'évaluation de la durée de vie chez les patients souffrant de démence se sont focalisées sur la survie à partir de l'entrée dans l'étude. Mais il existe un certain nombre de variables extérieures à la pathologie pouvant affecter le moment de l'inclusion. Il paraît évidemment plus opportun de partir d'une date de début de la maladie estimée le plus soigneusement possible.

C'est ce que se sont efforcés de faire Christina Wolfson et coll. (The Clinical Progression of Dementia Study Group) partant de la constatation que les travaux antérieurs peuvent avoir sous-estimé les effets délétères de la démence sur la survie, en excluant les cas à progression rapide tout comme les décès précoces.
Ont été utilisées les données de la Canadian Study of Health and Aging, forte de 10 263 participants de 65 ans et plus (vivant en institution ou dans la communauté extérieure), recrutés pour l'étude des démences et des problèmes de santé en général dans la population âgée canadienne. Un diagnostic de démence a été recherché en utilisant les critères du DSM-III-R et de l'International Classification of Diseases. Des informations sur la date de survenue des premiers symptômes, sur celle de la première consultation pour troubles de la mémoire et sur la durée d'évolution de ce type de problème ont permis de donner une approximation plus précise du moment du début de la maladie. Les patients diagnostiqués comme déments ont été suivis pendant cinq ans.

Un âge moyen de 83,8 ans

Huit cent vingt et un sujets ont été retenus pour cette analyse, avec, parmi eux, 396 diagnostics probables de maladie d'Alzheimer, 252 diagnostics seulement possibles de cette affection et 173 démences vasculaires. L'âge moyen est de 83,8 ans. Pour le groupe pris dans sa totalité, la médiane de survie est de 6,6 ans (intervalle de confiance à 95 % de 6,2 à 7,1), ce qui correspond aux travaux publiés jusque-là (qui donnent entre 5 et 9,3 ans). Mais après prise en compte de la date estimée d'entrée dans la maladie et ajustement pour le biais de durée, cette médiane de survie tombe à 3,3 ans (intervalle de confiance à 95 pour cent de 2,7 à 4).
Pour les sujets ayant une maladie d'Alzheimer probable, la médiane de survie est plus courte, 3,1 ans, tandis qu'elle apparaît plus longue dans le groupe ayant une maladie d'Alzheimer possible, 3,7 ans. Le groupe souffrant de démence vasculaire possède la médiane de survie de 3,3 ans. Les différences entre ces sous-groupes ne sont pas significatives.
La durée de vie est un peu supérieure chez les femmes comparativement aux hommes, sans que ce soit significatif. Contrairement à d'autres travaux, le niveau d'éducation n'est pas associé à la survie. Les différents facteurs d'influence (après ajustement pour la durée) sont : le sexe féminin et un âge plus jeune à l'entrée dans la maladie, tous deux prédictifs d'une durée de vie plus longue, le plus fortement associé étant le second.
Il existe une tendance en faveur d'une probabilité de décès augmentée parmi les sujets ayant une démence vasculaire, comparativement à ceux ayant une maladie d'Alzheimer probable.

Comme l'insuffisance cardiaque

« Cette médiane de survie ajustée de 3,3 ans est semblable à celle trouvée pour d'autres maladies graves se développant chez des sujets âgés, comme l'insuffisance cardiaque congestive, pour laquelle la survie est de trois à quatre ans », lit-on en conclusion.
Ces résultats attestent la malignité des démences, commente une éditorialiste (Claudia Kawas, Baltimore), qui les prend toutefois avec circonspection. Elle fait remarquer les difficultés à établir une date précise de début de la maladie d'Alzheimer et en particulier rétrospectivement, étant donné le caractère insidieux et progressif de l'affection. De ce fait, la durée lui apparaît très probablement sous-estimée.
Par ailleurs, la survie de 3,3 ans calculée dans cette population âgée en moyenne de 83,8 ans doit être relativisée par rapport à l'espérance de vie dans ces âges : de 7 ans à 80 ans, de 5 ans à 85 ans (calcul dans la population américaine).

« New England Journal of Medicine », vol. 344, n° 15, 12 avril 2001, pp. 1111-1116 et commentaire pp. 1160-1161.

Dr Béatrice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6897