De notre correspondante
à New York
Chaque année, 375 000 personnes en Europe ont un arrêt cardiaque brutal. Survenant à l'extérieur de l'hôpital, il était autrefois fatal, mais, aujourd'hui, la réanimation initiale réussit à restaurer la circulation spontanée dans un cas sur trois.
Toutefois, tout n'est pas gagné et les lésions cérébrales dues à l'anoxie prolongée sont une cause importante de mortalité retardée à l'hôpital ou de séquelles neurologiques définitives.
De meilleures méthodes sont donc nécessaires pour protéger le cerveau chez les victimes d'arrêt cardiaque. Deux études publiées cette semaine dans le « New England Journal of Medicine » représentent un premier pas dans cette voie.
Les deux études, commencées en 1996, devaient montrer si l'hypothermie légère améliore la récupération neurologique après l'arrêt cardiaque.
Protéger le cerveau de lésions ischémiques
Le procédé ne date pas d'hier. Depuis les années cinquante, l'induction d'une hypothermie modérée (de 28 à 32 °C) ou profonde accompagne certaines interventions chirurgicales cardiaques pour protéger le cerveau de lésions ischémiques. Néanmoins, son intérêt thérapeutique est resté en sommeil jusque dans les années quatre-vingt, lorsque des études chez le chien ont révélé qu'après arrêt cardiaque une hypothermie même légère (34 °C) peut considérablement atténuer la souffrance cérébrale.
La large étude européenne multicentrique (9 centres dans 5 pays), dirigée par le Dr Sterz (Vienne, Autriche), a enrôlé, aux urgences, 275 patients inconscients, réanimés avec succès après un arrêt cardiaque dû à une fibrillation ventriculaire. La circulation spontanée avait été restaurée moins d'une heure après l'arrêt cardiaque, mais il s'était écoulé entre cinq et quinze minutes entre l'accident et le premier essai de réanimation médicale. Aussi ces patients présentaient-ils un grand risque d'atteinte cérébrale.
Les patients ont été randomisés, en aveugle, soit pour subir une hypothermie légère (entre 32 et 34 °C) pendant vingt-quatre heures, soit un traitement standard normothermique. Le moyen de refroidissement était un matelas-couverture réfrigérant (TheraKool, Kinetic Concepts, Royaume-Uni) qui fait tout simplement circuler de l'air froid sur le patient.
Les résultats cliniques sont significatifs. L'évolution neurologique favorable (récupération cérébrale bonne ou modérée) est plus fréquente dans le groupe hypothermie que dans le groupe témoin (55 % contre 39 %, RR = 1,40) et la mortalité à 6 mois est plus faible dans le groupe hypothermie que dans le groupe témoin (41 % contre 55 %, RR = 0,74).
49 % de bonne récupération neurologique
L'étude australienne randomisée en aveugle, plus petite, porte sur 77 patients restés inconscients après réanimation d'un arrêt cardiaque dû à une fibrillation ventriculaire. L'hypothermie légère (33 °C) était induite au moyen de vessies de glace disposées sur le corps et la tête, dès le transport dans l'ambulance et pendant douze heures. Les résultats sont aussi éloquents : 49 % des patients traités par hypothermie (21/43) survivent avec une bonne récupération neurologique, contre seulement 26 % des témoins traités par normothermie (9/34).
Dans les deux études, l'hypothermie légère pendant douze à vingt-quatre heures n'a pas entraîné de complications (fibrillation ventriculaire, coagulopathie, infection).
Comment l'hypothermie confère-t-elle une protection contre l'encéphalopathie anoxique ? La vieille explication d'une diminution des besoins en oxygène ne peut être avancée ici, car l'hypothermie légère ne réduit pas la captation d'oxygène après l'arrêt cardiaque, expliquent dans un éditorial Safar et Kochanek (Pittsburgh, Pennsylvanie), dont les travaux chez le chien ont relancé l'intérêt pour l'hypothermie thérapeutique après arrêt cardiaque. Ce traitement, ajoutent-ils, protège probablement contre plusieurs mécanismes biochimiques néfastes qui surviennent dans les jours suivant le retour de la circulation spontanée.
« Ces investigateurs ont appliqué un vieux traitement - l'hypothermie - à un nouveau problème clinique », notent les éditorialistes. Des études supplémentaires sont toutefois nécessaires, ajoutent-ils, et des essais cliniques sont aussi indiqués dans d'autres circonstances (AVC, lésion cérébrale traumatique, lésion de la moelle épinière, choc hémorragique). Dans l'attente de ces études, ils recommandent « l'utilisation de l'hypothermie légère chez les patients qui survivent à un arrêt cardiaque - aussitôt que possible et pendant au moins douze heures ».
« New England Journal of Medicine », 21 février 2002, pp. 549, 557, 612 et 546.
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