PLUS FAMILIÈREMENT appelé Bob par ses pairs, le Pr Robert Edwards est de formation scientifique et non médicale. Ce qui ne l’a pas empêché de parvenir à appliquer chez des humains les découvertes qu’il a réalisées sur des animaux. La génétique était son pôle d’intérêt initial. Puis, par approches successives, il en est venu à s’intéresser à la fertilité animale. En 1969, il est le premier à réaliser la fertilisation d’un ovule humain.
C’est ce travail pionnier qui a permis au Pr Edwards d’aboutir à des recherches fructueuses dans trois grands domaines : le traitement de l’infertilité, l’introduction du diagnostic génétique préimplantatoire et les premières études sur les possibilités thérapeutiques des cellules souches embryonnaires. Tous ces champs ont été ouverts dès les années 1960 et avant même que la première FIV eût été réalisée.
Comme résultat global, on peut dire qu’environ trois millions d’enfants sont issus des techniques de fertilisation, à la suite de Louise Brown, née en 1978 «d’un splendide blastocyste», se souvient le chercheur, encore émerveillé par ce qu’il découvrait sous son microscope. Cette jeune personne vient de donner naissance à son tour à une petite fille, une «enfant de Noël» (née peu de temps avant la fête), venue sans assistance à la procréation.
La méthode de la maturation des ovocytes invitro (MIV), qui avait été abandonnée au début des recherches sur les PMA, est à nouveau au goût du jour : on s’intéresse à l’ovocyte primordial, non encore réceptif à la FSH. Il pourrait permettre d’obtenir un grand nombre d’ovocytes, en réduisant les quantités d’hormones à administrer pour la stimulation. Les connaissances sur l’embryon sont beaucoup plus vastes que les connaissances sur les ovocytes.
Conseiller en Inde.
Tout au long de sa riche carrière, Bob Edwards a dû gérer les problèmes éthiques, constamment soulevés par des travaux novateurs dans des domaines sensibles. Par ses réflexions philosophiques et ses prises de position progressistes, il a su constamment avancer.
«Pour lui, ce qui compte, c’est que ces questions soient discutées sans arrêt, qu’il y ait une confrontation permanente», témoigne le Dr Jean Cohen, son élève et ami, pionnier en France pour la FIV.
En Inde, la pratique du diagnostic préimplantatoire conduit à sélectionner les garçons. Bob Edwards a été appelé dans ce pays afin d’aider à la mise en place d’une commission pour surveiller le diagnostic préimplantatoire. Il évoque une technique récente trouvée aux Etats-Unis (Joe Shulman), qui permet de trier les spermatozoïdes X ou Y, pour obtenir le sexe choisi avec une probabilité de 85 %. On pourrait, propose-t-il à la suite d’une réunion éthique qui s’est déroulée à Londres, utiliser cette méthode pour permettre une insémination à temps égaux pour les deux sexes : six mois de sélection pour les garçons, puis six mois de sélection pour les filles.
«Dans un monde où tout va vite, on ne peut tout dominer. Cela arrive que l’on n’approuve pas une découverte. Depuis cinquante ans, il y a eu des progrès considérables. Ce qui a compté, c’est l’amélioration de l’individu. Maintenant, il y a un phénomène de contagion: les gens veulent la même chose pour leur enfant. De la discussion avec les philosophes, il doit ressortir qu’il y a un point frontière à ne pas dépasser.» Et d’ajouter que «la responsabilité du chercheur et du praticien ne s’arrête pas quand l’embryon et transféré chez la mère. Elle va durer toute la vie.»
Aux questions sur la recherche embryonnaire, le pionnier répond : nous ne pouvons nous passer de cette recherche. Dans les discussions qui ont lieu avec des moralistes, il arrive que Bob Andrews s’oppose à eux ; car il pense que l’embryon aux premiers stades n’a pas encore les qualités pour constituer un être humain. «Au début, cela ne pose pas de problèmes, c’est même une nécessité.»
Recherche sans embryon ?
Dans le domaine des cellules souches embryonnaires, on peut s’interroger sur leur potentiel à être rejetées, à moins que l’on ne fasse un transfert nucléaire pour avoir une tolérance par l’organisme receveur. Là aussi, les recherches vont très vite. Il semble que l’utilisation du blastocyste puisse un jour ne plus être nécessaire. Des données récentes montrent que l’on peut éviter le rejet en utilisant des cellules souches trouvées dans le liquide amniotique. Et, aussi, un groupe japonais a permis d’individualiser 50 gènes dans les cellules souches qui permettraient, en les inoculant dans des cellules somatiques, que certaines d’entre elles soient transformées en cellules souches embryonnaires. Et 4 parmi ces 50 gènes se révéleraient plus particulièrement propices à une transformation en cellules souches embryonnaires.
« Il y a un point frontière à ne pas dépasser »
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