LE TEMPS DE LA MEDECINE
BAMAKO, DAKAR, ALGER, MARSEILLE, PARIS... Partout, dans toutes ces mégapoles où il a pignon sur rue, le Samu social international (SSI) constate la montée du phénomène : « La présence des enfants et des adolescents des rues dans les grandes villes est devenue en quelques années un problème aussi massif que mondial », observe le Dr Xavier Emmanuelli, le président du SSI. L'idée de monter une formation pluridisciplinaire pour évaluer la situation, examiner les prises en charge autres qu'institutionnelles et former des intervenants médico-sociaux légitimes auprès de ces enfants est venue de ce constat.
Proposé par les facultés de médecine de Créteil (Paris-XII) et de Saint-Antoine (Paris-VI), le diplôme interuniversitaire « Abord des enfants errants, en danger, dans les rues des mégapoles » a été créé en octobre 2003 à l'attention des médecins, infirmiers, sages-femmes, psychologues, travailleurs sociaux, chargés de mission d'ONG, etc. Cette formation dispensée en alternance dans les deux facultés, avec un stage en France ou à l'étranger sous la responsabilité du SSI, est axée sur la psychologie de l'enfant et de l'adolescent, les ruptures et traumatismes, la toxicomanie précoce, le diagnostic-évaluation des pratiques, l'accès aux soins primaires urgents, ainsi que les bases juridiques.
Suradaptation paradoxale.
« Nous avons mis en évidence un certain nombre de constantes qu'on retrouve parmi tous ces mineurs des mégapoles, qu'on soit à Paris ou à Dakar, explique le Dr Emmanuelli : ils ne sont jamais seuls, dans les rues, un enfant isolé, ça n'existe pas. Vivant en agrégats, bandes et autres cercles, ils sont soumis au pouvoir de caïds, avec des phénomènes de domination dont beaucoup sont victimes. Pour survivre, tous sont délinquants et sujets à ce que nous appelons la suradaptation paradoxale : plus ils restent à la rue, plus ils développent leurs facultés de s'y adapter, mais plus longue est leur errance, plus difficile devient leur réadaptation sociale. Il y a toujours des adultes qui tournent autour d'eux, avec lesquels ils dealent et/ou se livrent à la prostitution. Dans tous les cas, il faut savoir qu'on ne peut sortir un enfant de la rue du jour au lendemain. Si vous le placez brutalement dans un foyer, il s'en échappera aussitôt. La solution, c'est un travail de fond qui nécessite une véritable immersion et, par conséquent, une connaissance approfondie de leur monde, de leurs ruptures, familiales et autres, et de leur psychologie. »
L'ancien ministre de l'Action humanitaire d'urgence estime que « les Français ont pris conscience du phénomène depuis maintenant deux ans. Mais, déplore-t-il, les associations restent seules à faire face, telles Jeunes errants, à Marseille, ou Aux captifs la libération, avec lesquelles le DIU organise ses stages de formation. La suiterisque de devenir de plus en plus dramatique, en particulier avec l'arrivée massive en France de petits Chinois ».
Parmi les quatre médecins de la première promotion, le Dr Nicole Vezian, généraliste à orientation dermatologique installée à Perpignan et fondatrice de l'association L'Eléphant vert, qui secourt les enfants maltraités, affirme qu' « on est au début d'un mouvement global effroyable qui concerne maintenant même des bébés, car les adolescents étant de plus en plus longtemps à la rue, c'est dans la rue qu'ils font des enfants ».
Le Dr Vezian recommande le DIU à tous les généralistes et à tous les pédiatres qui ont une oreille prête à écouter et suffisamment de disponibilité pour lâcher leur clientèle pendant quelques semaines dans l'année. « Ce cursus m'a beaucoup appris, explique-t-elle, et, d'abord, il m'a enseigné la manière d'aller vers un groupe d'enfants qui, a priori , ne vous ont rien demandé. C'est une expérience qui est également précieuse en clientèle, pour mieux prendre en charge les enfants et les adolescents qui, sans être à la rue, sont en souffrance. »
Les inscriptions pour l'année 2004-2005 sont ouvertes jusqu'au 30 novembre, avec une trentaine de places prévues.
Renseignements : Marie-Anne Cantin, m.cantin@samu-social-international.com, tél. 01.53.66.12.62.
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