APRÈS L'URGENCE au Parlement, le turbo pour le Conseil d'Etat : adoptée à l'issue d'une navette parlementaire éclair, sur proposition du sénateur (UMP) Francis Giraud, la loi n° 55 du 6 mars 2007 crée, pour répondre aux «situations de catastrophe, d'urgence ou de menaces sanitaires graves sur le territoire national», un corps de réserve sanitaire. Mais les volontaires désireux de s'y enrôler pour en découdre avec une pandémie grippale d'origine aviaire, une attaque bioterroriste ou une épidémie du type chikungunya devront encore patienter quelques mois. Le temps que soit achevée la rédaction du décret d'application et qu'il soit validé par le Conseil d'Etat.
«Dès la semaine prochaine, explique-t-on Avenue de Ségur, les Urml (unions régionales de médecins libéraux) et les diverses associations concernées vont être reçues pour une ultime phase de négociations, l'objectif étant de remettre la copie réglementaire au plus tard le 6avril.»
Au-delà, compte tenu des délais d'examen d'un texte devant la juridiction du Palais-Royal (minimum 3 semaines), le changement de président et de gouvernement pourrait compromettre la manoeuvre. Or, explique au « Quotidien » le Dr Jean-Pierre Door, député (UMP) du Loiret et rapporteur de la proposition de loi sur la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, «les derniers événements aviaires déclarés en Hongrie et en Russie, notamment, nous rappellent que la menace pandémique est à nos portes et qu'il serait dramatique de baisser la garde. L'instauration du corps de réserve, acquise avec un large consensus majorité-opposition, est le dernier élément de notre dispositif grâce auquel nous aurons rempli notre ambition sanitaire».
Un statut protecteur.
En pratique, la réserve devrait compter, prévoit Xavier Bertrand, environ 10 000 professionnels, parmi lesquels 40 % de médecins, actifs, retraités (depuis trois ans au plus) et étudiants. C'est le principe du volontariat qui a été retenu, car il « représente, affirme le ministre de la Santé, la manifestation concrète de la mobilisation des esprits et des volontés, de l'adhésion du pays à son système de défense sanitaire». Un volontariat, souligne le Dr Door, qui, «en contrepartie, s'appuiera sur un statut très protecteur: les salariés bénéficieront du maintien de leur rémunération pendant les périodes d'emploi et de formation pour lesquelles ils seront appelés, les libéraux seront indemnisés sur la base de leurs revenus de l'année précédente, les uns et les autres préservant la totalité de leurs droits, que ce soit en matière de protection sociale, d'avancement, d'ancienneté et de congés payés. En cas d'accident, la protection de l'Etat leur sera acquise, au civil comme au pénal. Toutes ces dispositions sont jugées essentielles pour garantir sur le terrain la sécurité de professionnels qui seraient en première ligne en cas de crise sanitaire, et tout particulièrement de pandémie grippale».
Une réserve d'intervention sera constituée, appelée en priorité, et une « réserve de renfort », sollicitée en cas de nécessité. L'une et l'autre seront soumises à l'autorité d'un établissement public administratif. Placé sous tutelle du ministère de la Santé, avec, siégeant au sein de son conseil d'administration, à parité, des représentants de l'Etat et de l'assurance-maladie, cet établissement sera également chargé de l'acquisition, de la fabrication, de l'importation et de la distribution des produits de santé (vaccins et autres) face aux menaces sanitaires. Il bénéficiera des dotations budgétaires précédemment allouées aux plans Biotox.
Tous les volontaires souscriront un contrat d'engagement avec le directeur général de l'établissement, lequel aura pour mission de les affecter sur le terrain, en fonction des besoins exprimés par les préfets du département ou de la zone de défense concernés. C'est encore cet établissement qui sera chargé de conclure une convention de mise à disposition avec l'employeur des réservistes (salariés ou agents publics contractuels), de procéder au remboursement des employeurs pour les rémunérations correspondant aux périodes d'emploi dans la réserve, ainsi qu'à la rémunération en direct des volontaires libéraux.
Tous les volontaires devront être titulaires de l'attestation de formation aux premiers secours et avoir suivi une initiation à la médecine de catastrophe, selon un programme qui sera fixé par le décret d'application. Si la loi précise que les interventions se dérouleront sur une période qui n'excédera pas 45 jours, elle ne fixe pas la durée pendant laquelle il pourra être fait appel à chaque volontaire. Mais, rappelle le Dr Door, «chacun pourra faire valoir à tout moment et sans justificatif son droit de retrait».
Ces nouveaux réservistes seront susceptibles d'être envoyés sur des fronts internationaux dans le cadre du Samu mondial, lorsqu'un besoin majeur sera déclaré, comme en décembre 2004 avec le tsunami qui a ravagé les pays du Sud-Est asiatique.
Mais ils ne devront pas empiéter sur les prérogatives des réserves déjà existantes, qu'il s'agisse des réserves militaires, de la réserve civile de la police nationale ou de la réserve communale de sécurité civile.
De même, le nouvel établissement public ne saurait interférer avec les ministères de la Santé et de l'Intérieur. A eux, la conception et le pilotage de la politique publique de sécurité sanitaire, à lui, la mise en oeuvre opérationnelle de la réserve.
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