ACTUELLEMENT, l'Organisation mondiale pour la santé (OMS) considère que nous sommes face à un risque potentiel majeur de pandémie grippale qui pourrait être due à l'émergence de nouveaux variants de virus influenza A. Dans le contexte d'une prochaine pandémie à virus influenza de type A, les antiviraux ont un rôle important à jouer lors de la première vague. Ils permettraient de réduire de manière significative les taux de mortalité en traitant précocement les sujets présentant les premiers signes de l'infection.
En France, l'oseltamivir (Laboratoires Roche) et le zanamivir (Laboratoires GSK) disposent d'une indication dans le traitement curatif et prophylactique de l'infection grippale. Ces deux produits font l'objet de mesures de stockage par l'État français dans le cadre du plan de préparation contre une éventuelle pandémie grippale.
Le traitement curatif de la grippe.
Les essais princeps publiés concernant l'efficacité des monothérapies par oseltamivir ou zanamivir dans le traitement curatif de la grippe montrent que ces produits peuvent réduire la durée des symptômes de 24 heures avec une diminution significative des niveaux de charge virale dans les sécrétions nasopharyngées. Alors que la prévalence des virus résistant aux antineuraminidases était jusqu'à présent inférieure à 1 %, au cours de l'épidémie de grippe saisonnière 2007-2008, près de 25 % des souches A H1N1 circulant en Europe (et 44 % en France) présentaient une résistance naturelle à l'oseltamivir, mais non au zanamivir, liée à la présence d'une mutation (H274Y) dans la neuraminidase. Cette résistance virologique n'a pas entraîné de résistance clinique au traitement des cas symptomatiques par oseltamivir (Lackenby A., 2008 ; Collins P. J., 2008 ; Van der Werf S., 2008).
Afin de mieux définir les protocoles de prescription et d'utilisation des antineuraminidases dans le cadre d'une pandémie à influenza A et de réduire le risque d'émergence de souches résistantes, il paraît opportun de déterminer s'il existe un bénéfice virologique (durée d'excrétion virale) et clinique (durée des symptômes) à l'utilisation d'une bithérapie par rapport à une monothérapie fondée sur l'utilisation d'antineuraminidases. Même si les deux molécules appartiennent à la même classe d'antiviraux, cette association pourrait avoir un effet synergique du fait de différences significatives entre les cinétiques de distribution et la biodisponibilité des deux produits. De plus, dans la perspective d'une pandémie avec un virus portant une neuraminidase de sous-type N1, il apparaît que les mutations conférant une résistance vis-à-vis des deux molécules ne sont pas strictement identiques.
Au moins trois intérêts.
Dès lors, l'association de ces deux produits appartenant à la même classe peut avoir au moins trois intérêts : une réduction de la durée de l'excrétion virale avec une diminution de la durée de contagiosité, effet essentiel en cas de pandémie ; une réduction significative de la durée des symptômes cliniques et de ses complications ; une réduction de la fréquence des mutations de résistances croisées ou non aux deux inhibiteurs de la neuraminidase.
Afin d'évaluer l'impact virologique et clinique de l'association de deux inhibiteurs de la neuraminidase et de rationaliser l'utilisation de ces antiviraux lors d'une pandémie, un essai, intitulé BIVIR, sera réalisé en France métropolitaine lors de la prochaine épidémie de grippe saisonnière. Randomisé en double insu, il comparera l'association oseltamivir-zanamivir à l'utilisation de l'oseltamivir avec placebo et de zanamivir avec placebo dans le traitement curatif de la grippe A.
Environ 100 médecins généralistes libéraux.
Dès à présent, des médecins des réseaux spécialisés, Sentinelles (INSERM) et GROG, se sont portés volontaires pour participer à cet essai thérapeutique. Nous recherchons encore environ 100 médecins généralistes libéraux en France métropolitaine qui seraient prêts à s'y engager. La charge de travail incombant à ces médecins est : la sélection des patients après la réalisation d'un test de diagnostic rapide (test rapide sur bandelette EIA après un écouvillonnage nasal) des virus influenza humains qui devra être positif pour l'inclusion des patients ; le recueil des consentements ; la randomisation par l'intermédiaire d'un serveur vocal ; le recueil des données d'inclusion ; la remise des traitements ; une visite de contrôle à J7. La participation à cette étude sera indemnisée au prorata des inclusions réalisées.
Pour plus d'informations, les candidats devront contacter le chef de projet de l'essai, le Dr Cécile Charlois au 01.57.27.78.68, e-mail : cecile.charlois-ou@paris7.jussieu.fr.
Références:
– Lackenby A, Hungnes O, Dudman SG, Meijer A, Paget WJ, Hay AJ, Zambon MC. Emergence of resistance to oseltamivir among influenza A (H1N1) viruses in Europe. « Euro Surveill », 2008 Jan 31 ; 13(5). pii : 8026.
– Collins PJ, Haire LF, Lin YP, Liu J, Russell RJ, Walker PA, Skehel JJ, Martin SR, Hay AJ, Gamblin SJ. Crystal structures of oseltamivir-resistant influenza virus neuraminidase mutants. « Nature », 2008.
– Van der Werf S et coll. Determinants of viability of influenza A viruses harboring an NS segment with heterotypic type C non-coding sequences. The third European Influenza Conference, Villamoura, Portugal, 14-17 septembre 2008 : P6-026.
Le comité de pilotage
Laurent Andréoletti (laboratoire de virologie médicale et moléculaire, hôpital Robert-Debré, EA-3796, IFR53, CHU et faculté de médecine, Reims) ; Thierry Blanchon (réseau Sentinelles, INSERM UPMC UMR S 707) ; Fabrice Carrat (hôpital Saint-Antoine, APHP, INSERM UPMC UMR S 707) ; Xavier Duval (CIC GH Bichat - Claude-Bernard, AP-HP, Paris) ; Aurélie Guimfack (délégation de la recherche clinique, AP-HP) ; Catherine Leport (investigateur coordonnateur), université Paris-VII, service des maladies infectieuses, GH Bichat - Claude-Bernard, AP-HP, Paris) ; Bruno Lina (groupement hospitalier Est, HCL, CNR du virus influenzae région Sud, Lyon) ; Sandrine Loubière (INSERM U912, ORS PACA, Marseille) ; France Mentré (INSERM et université Paris-VII UMR738, UF de biostatistiques, GH Bichat - Claude-Bernard, AP-HP, Paris) ; Anne Mosnier (réseau GROG, Add GROG, Paris) ; Annick Tibi (AGEPS, pharmacie centrale des hôpitaux, AP-HP) ; Florence Tubach (URC Paris-Nord, GH Bichat - Claude-Bernard, AP-HP, Paris) ; Sylvie van der Werf (Institut Pasteur, CNR du virus influenzae région Nord, Paris).
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