RÉUNIS à Munich (Allemagne) pour le 17e Congrès européen de microbiologie clinique et maladies infectieuses, des experts ont appelé à des mesures rapides susceptibles d'améliorer le diagnostic et le traitement des infections à Clostridium difficile. L'incidence globale et la sévérité de ces infections nosocomiales n'ont pas cessé de croître aux Etats-Unis, au Canada et en Europe. En 2005, aux Etats-Unis, plus de 500 000 personnes ont été touchées, et, en Europe, un patient hospitalisé sur mille a été infecté. Une telle évolution inquiète les experts, d'autant qu'elle s'accompagne de l'émergence d'une souche épidémique, la souche 027, plus virulente et qui résiste aux traitements standards (métronidazole et vancomycine). Le nombre de rechutes est en augmentation et le coût pour les services hospitaliers devient important. «Il y a urgence à améliorer les protocoles de surveillance dans les hôpitaux et les centres de soins, mais aussi à mettre en place de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques», a souligné le Pr Ed Kuijper, vice-président de la Société européenne de microbiologie clinique et maladies infectieuses.
La souche 027, apparue en Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) en 2003, a été signalée en Europe en 2004, d'abord en Angleterre, puis en Belgique et aux Pays-Bas (2005). En France, elle a été détectée pour la première fois dans le Nord - Pas-de-Calais au début de l'année 2006.
De janvier 2006 à mars 2007, quarante-six épisodes d'infections à C.difficile ont donné lieu à des investigations, soit un total de cinq cent trente cas, dont cinq cent quinze dans un établissement hospitalier (les quinze autres concernent des maisons de retraite). Vingt-trois décès sont considérés comme partiellement imputables à l'infection, «un chiffre stable depuis le dernier bilan de l'InVS de décembre dernier», indique le Dr Bruno Coignard, de l'Institut de veille sanitaire. Parmi les souches (n = 416) adressées au Centre national de référence, deux sur trois (65 %) sont de type 027.
Episode circonscrit.
«Nous ne sommes plus en situation d'alerte dans le Nord-Pas-de-Calais. Très peu de cas sont signalés et toutes les épidémies sont contrôlés», poursuit le Dr Coignard. En revanche, depuis janvier 2007, treize cas ont été signalés dans la Somme, au centre hospitalier d'Abbeville. Six patients sont décédés dont quatre sont considérés comme partiellement imputables à l'infection. Depuis plusieurs semaines, des investigations sont menées par le Cclin, la Ddass et l'InVS. «Pour le moment, l'épisode est bien circonscrit, dit le Dr Michèle Goret, médecin inspecteur de la Ddass (Somme) . Toutes les mesures de contrôle et de prévention ont été prises.» En particulier, «une unité réservée à la prise en charge des patients par un personnel dédié a été créée». Depuis une semaine, aucun nouveau cas n'a été signalé. Au 4 avril, quatre personnes étaient encore hospitalisées, dans un état satisfaisant. Les personnes touchées sont pour la plupart âgées de 75 ans et plus (l'une d'elle a plus de 105 ans) et «sont en général des patients fragilisés du fait d'une polypathologie ou d'une pathologie associée sévère», souligne le Dr Goret.
Trois des treize souches d'Abbeville sont de type 027. Elles viennent s'ajouter aux cinq autres recensées hors du Nord - Pas-de-Calais. En octobre dernier, une souche de type 027 a été isolée également dans la Somme (hôpital de Montdidier) au cours d'un épisode de trois cas groupés ; deux autres ont été signalées, mais de façon séparée, en Moselle, une enfin dans le Rhône.
«En dépit d'une forte activité de signalement des hôpitaux, aucune souche épidémique n'a été signalée à Paris, ni dans les autres régions», relève le Dr Coignard. L'épisode d'Abbeville reste préoccupant en raison de la forte mortalité liée à l'infection (près d'un patient sur quatre), mais le nombre de cas est «sans commue mesure avec ceux signalés lors des précédents épisodes» dans le Nord - Pas-de-Calais, qui reste l'épicentre de l'épidémie nationale : 65 % de souches y sont de type 027 contre 4 % ailleurs. «On n'a pas mis en évidence de lien entre les deux régions, aucun transfert de patients n'a été attesté. Ce qu'on observe est sans doute une diffusion lente de proximité, comme on a pu le constater entre le nord de l'Europe et la France», poursuit-il.
Diffusion inéluctable.
«Lors du congrès de Munich, auquel j'ai participé, il a été question de cas signalés au Danemark (1 souche) , au Luxembourg et en Suisse. L'Allemagne n'est pas touchée. Mais la diffusion semble inéluctable parce que les patients qui hébergent la bactérie se promènent et que l'on va pas fermer les frontières», estime le Dr Coignard.
En France, des mesures de contrôle ont été mises en place depuis un an. Elles reposent sur le diagnostic précoce. «Pendant longtemps, les diarrhées ont été sous-estimées à l'hôpital», note le spécialiste de l'InVS . La recherche de toxines est maintenant recommandée afin d'identifier les infections à C.difficile. Une fois identifiées, les souches devront être caractérisées (typage), grâce au réseau de cinq laboratoires experts mis en place. Le laboratoire expert de l'hôpital Saint-Antoine, dirigé par Pr Frédéric Barbut, vient d'être officiellement désigné laboratoire associé au Centre national de référence anaérobie. Les mesures comprennent le renforcement de l'hygiène des mains, la désinfection des surfaces avec des solutions à base de Javel, car C.difficile est une bactérie sporulée, l'isolement et le regroupement des patients avec du personnel dédié.
A cela, il convient d'ajouter la réduction de la consommation d'antibiotiques,qui «est le principal facteur de risque des infections à C. difficile », insiste le Dr Coignard. Or «La France est le principal consommateur d'antibiotiques en Europe».
Un nouveau protocole de surveillance épidémiologique nationale est également en cours d'élaboration. En particulier, une étude rétrospective va être menée à partir des données 2005 et 2006 de plus de 500 hôpitaux afin de vérifier si l'incidence globale a augmenté, comme on a pu l'observer en Amérique du Nord. De plus, dans le cadre de Raisin*, l'InVS et les Cclin vont lancer, à partir du second semestre 2007, une étude prospective afin de compléter les données de signalement qui ne concernent que les cas sévères et les épidémies. L'objectif, là encore, est d'évaluer l'incidence de l'ensemble des cas recensés dans les hôpitaux.
* Réseau d'alerte, d'investigation et de surveillance des infections nosocomiales.
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