Taux sériques élevés
La surveillance des taux sériques de lithium est réalisée tous les deux mois pendant les premières années de traitement. Cette surveillance est plus espacée ensuite, tous les dix à douze mois, et des taux sériques de lithium élevés (> 0,60 mmol/l) sont fréquemment retrouvés lors des contrôles. Plusieurs taux sériques élevés (1,40 mmol/l) sont notés, sans que la posologie du lithium en soit modifiée. Le lithium est arrêté il y a dix-huit mois devant une insuffisance rénale avancée (créatinine sérique à 275 µmol/l). Le début de l'insuffisance rénale n'est pas précisé car le patient se soumettait rarement à des contrôles biologiques. Une biopsie rénale à l'aiguille confirme le diagnostic de néphropathie tubulo-interstitielle chronique. La responsabilité du lithium est évoquée. Le patient est hypertendu depuis quelques années et reçoit un traitement associant un inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) et un diurétique de l'anse (furosémide). Malgré l'arrêt du lithium et le contrôle de l'hypertension, le patient arrive au stade de l'insuffisance rénale terminale. Le traitement par dialyse est débuté.
Commentaire 1
Les règles de surveillance d'un traitement par lithium n'ont pas été suivies.
Les taux sériques de lithium doivent être surveillés régulièrement, au moins tous les deux mois. La lithémie ne doit pas dépasser 0,60 mmol/l. Il est également important de surveiller la créatininémie et la natrémie. Une hypernatrémie (> 142 mmol/l) témoigne d'un diabète insipide rénal, premier stade de la néphrotoxicité rénale du lithium. L'hypernatrémie témoigne d'une déshydratation intracellulaire secondaire à une perte de la régulation rénale de l'eau libre. L'action de l'ADH est inefficace au niveau des cellules principales du tube contourné distal. Il s'ensuit une perte du pouvoir de concentration des urines. L'osmolalité des urines (2 x [natriurèse/l + kaliurèse/l] + urée urinaire/l) est inférieure à l'osmolalité plasmatique (2 x natrémie/l + 10). Le diabète insipide rénal peut apparaître alors que les taux de lithémie sont normaux. Il est secondaire à l'action rénale du lithium, mais ne conduit pas à l'arrêt de ce médicament lorsque celui-ci est efficace sur le syndrome bipolaire. L'apparition du diabète insipide doit néanmoins renforcer la surveillance du taux sérique et son maintien dans la fourchette thérapeutique (0,40-0,60 mmol/l). Le diabète insipide avec hypernatrémie peut exister sans insuffisance rénale (créatininémie normale).
Commentaire 2
L'apparition d'une insuffisance rénale est la conséquence de pics sériques anormaux de lithium.
Ce patient n'a pas eu la surveillance recommandée. De plus, lorsque des taux de lithémie élevés ont été constatés, ils n'ont pas été suivis d'un réajustement de la posologie du sel de lithium. Le patient a donc conservé probablement pendant de longs mois des taux de lithémie qui aggravent la toxicité de ce médicament sur le rein. Il n'est donc pas étonnant qu'une insuffisance rénale avancée soit découverte après plusieurs années de taux sériques inadaptés.
Il peut exister des interférences avec certains médicaments. Ainsi, il est aujourd'hui admis qu'un traitement par IEC contribue à augmenter les taux sériques de lithium. Lorsqu'un tel traitement est prescrit pour contrôler une hypertension artérielle, la posologie du sel de lithium est revue en fonction des taux sériques, qui seront contrôlés plus souvent pendant quelques mois. Il est donc tout à fait probable que le traitement par IEC ait contribué, chez ce patient, à maintenir des taux de lithémie élevés et donc à accentuer l'effet néphrotoxique du lithium.
Les lésions rénales créées par le lithium sont le plus souvent des lésions tubulo-interstitielles, plus rarement des lésions glomérulaires. Ces lésions sont chroniques et définitives. Une biopsie rénale est indiquée lorsqu'une insuffisance rénale apparaît sous lithium, surtout en cas de syndrome glomérulaire (protéinurie des 24 h > 1,5 g).
Commentaire 3
Le risque d'insuffisance rénale terminale secondaire au lithium reste exceptionnel si le traitement est bien conduit.
Le risque d'insuffisance rénale terminale (IRT) est exceptionnel, eu égard à la fréquence du traitement par lithium en cas de syndrome bipolaire. Plus de 600 000 personnes en France (prévalence de 10 000 par million d'habitants) sont soignées pour un syndrome bipolaire, dont un grand nombre par sel de lithium. La prévalence de l'IRT secondaire au lithium est rare, évaluée récemment en France à 2 % des patients traités pour IRT, soit une prévalence de 12 par million d'habitants. Le risque relatif de développer une IRT sous lithium est donc très faible. Ce risque est probablement augmenté par l'interférence avec certains médicaments dont les IEC, largement prescrits dans l'hypertension artérielle.
L'arrêt du traitement par lithium à un stade avancé de l'insuffisance rénale (IRC) chronique est justifié, mais il n'empêche pas l'évolution vers l'IRT. La prévention de l'IRT passe par un contrôle étroit des taux sériques en cas d'IRC modérée. Il est probable que le vieillissement rénal favorise l'expression d'une IRC chez le sujet âgé de plus de 60 ans et traité depuis une vingtaine d'années par le sel de lithium. En cas d'IRC modérée, le sel de lithium peut être poursuivi, avec l'aide d'une surveillance spécialisée.
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