Le Généraliste. Que penser de toutes les études plutôt positives sur des nouveaux anticoagulants : dabigatran, rivaroxaban, apixaban ? Vont-elles reléguer les AVK aux oubliettes dans un futur proche ?
Pr Jacques Blacher. La nouvelle classe d’anti-Xa et d’antithrombine va faire vieillir la classe des AVK. Les études ont été convaincantes sur le risque thrombotique et hémorragique. Mais, à mon avis, il n’y a pas de raison d’arrêter les AVK chez les patients bien équilibrés et il faudra considérer aussi le prix de ces nouvelles molécules. Il faut prendre le temps de les évaluer et de détecter les effets indésirables éventuels en pratique réelle. L’expérience récente des anti-arythmiques en est l’illustration manifeste. Il y a un an, on avait l’impression que la dronédarone allait remplacer l’amiodarone. Or, nous avons constaté une surmortalité dans certaines situations (insuffisance cardiaque), une efficacité moins importante qu’escomptée et des effets indésirables hépatiques dont deux ont nécessité une transplantation. Par conséquent, la dronédarone qui était en première intention dans les recommandations de 2010 concernant la fibrillation atriale dans certaines situations cliniques a vu ses indications réduites avec de nombreuses précautions à prendre (contre-indiquée en cas d’insuffisance cardiaque ou de FA permanente) ; et, tout récemment, le produit a été déremboursé. C’est un peu rude pour cette innovation pour laquelle il reste des indications. De la même façon, il faut rester vigilant avec les nouveaux anticoagulants.
Comment voyez vous la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires?
Pr J.B. L’étude PURE (Prospective Urban Rural Epidemiological) publiée dans le Lancet est étonnante. Elle n’a pas été réalisée dans une population sélectionnée mais en population générale. En prévention secondaire, le constat est assez accablant : dans les pays développés, 10 % seulement des patients ayant souffert d’un IDM ou d’un AVC prennent le quadruple traitement BASI (bêta-bloquant, anti-agrégant plaquettaire, statine et IEC) et, évidemment la situation est pire dans les pays pauvres. Globalement, les taux de prescription des principaux médicaments recommandés en prévention secondaire, sont compris entre 14 % pour les statines, et 25 % pour les antiplaquettaires. Et tout en étant nettement supérieurs dans les pays à haut revenus, les résultats, compris entre 40 % pour les bêtabloquants et 66,5 % pour les statines, restent très en dessous des objectifs. L’observance est manifestement mauvaise… Ne faudrait-il pas passer du sur-mesure au prêt à porter et repenser à la polypill qui renferme dans un seul comprimé plusieurs composés actifs?
Aura-t-on de nouvelles molécules dans la prévention cardiovasculaire ?
Pr J.B. Le dalcetrapib, qui semble dépourvu d’effets négatifs sur la pression artérielle. Il s’agit d’un inhibiteur de CETP (cholesteryl ester transfer protein) qui agit de façon différente des statines et autres hypolipémiants.Il n’augmente pas le risque cardiovasculaire et pourrait être intéressant en complément ou en remplacement des statines.
Que pensez-vous de l’HTA sévère qui n’est plus en ALD puisque l’HTA est considérée comme un facteur de risque et non une maladie avérée?
Pr J. B. Je crois que cette décision est mauvaise, notamment pour nos patients les plus précaires. On peut se demander si l’impact d’une telle décision a été correctement évalué… La mesure n'est pas rétroactive et ne concerne donc pas les patients souffrant d'hypertension sévère - actuellement pris en charge dans le dispositif ALD - qui continueront à bénéficier de la prise en charge à 100 %. La discrimination qui s’appliquera entre les nouveaux patients qui ne seront pas en ALD et les anciens patients en ALD est un point sur lequel les juristes se battent actuellement.
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