C'EST LE QUATRIÈME cas en quelques mois d'un diagnostic de tuberculose chez un soignant qui a nécessité le rappel des patients susceptibles d'avoir été en contact avec lui. En février 2005, à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon, 811 patients ont été invités à se faire dépister après la découverte d'un cas chez une infirmière. En août dernier, 3 556 patients présents entre le 1er et le 31 juillet aux urgences du CHU de Nantes ont dû être rappelés à la suite de la détection d'une tuberculose pulmonaire chez un membre du personnel soignant du service des urgences. Plus récemment, la procédure a dû être mise en œuvre dans une maternité de l'hôpital privé de Trappes (Yvelines) et 400 personnes ont été rappelées lorsque le 5 septembre dernier la maladie est identifiée chez un agent du service hôtelier de la maternité.
Loi des séries.
Cette fois, le communiqué provient de l'hôpital Lariboisière : le 7 septembre, une tuberculose pulmonaire est diagnostiquée chez une aide-soignante travaillant de nuit à la maternité de l'hôpital.
Le Pr Joël Gaudelus, pédiatre à l'hôpital Jean-Verdier (Bondy), fait partie de la cellule mise en place pour organiser le dépistage et définir la conduite à suivre pour tous les patients recontactés. « C'est la loi des séries », fait-il remarquer. Il a eu l'occasion de procéder au dépistage des enfants des deux écoles maternelles du Pré-Saint-Gervais après le signalement d'une tuberculose-maladie chez un animateur en juin 2005 (« le Quotidien » du 15 juin 2005) et s'est aussi rendu à l'hôpital de Trappes. Plus que d'une recrudescence, il s'agirait d'une plus grande attention portée au signalement des cas. « On est mieux informés et on œuvre tous pour qu'il y ait plus d'investigations », note le Pr Gaudelus.
Selon le dernier rapport du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (Cshpf), le risque de tuberculose dans le personnel soignant est relativement faible : de 6 à 15 cas par an à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de 30 à 50 cas par an dans le secteur privé.
A l'hôpital Lariboisière, les premières investigations ont permis de conclure à un risque de contamination faible. « Le cas index est une aide-soignante bacillifère donc contagieuse (50 bacilles/champ). Si le risque est faible, il n'est pas nul », déclare le Pr Gaudelus. Les 255 patientes susceptibles d'avoir été en contact avec l'aide-soignante entre le 1er mars et le 8 août vont être rappelées. « Un courrier a été envoyé individuellement à chacune d'entre elles pour les prévenir et les inviter à bénéficier avec leur enfant d'une consultation de dépistage. Un numéro de téléphone leur a été communiqué afin qu'elle puisse prendre contact avec l'hôpital », précise l'AP-HP. Pour chaque adulte, un examen clinique, une radiographie pulmonaire et un test tuberculinique devront être réalisés. Le traitement antituberculeux ne sera institué qu'au cas par cas, en fonction des examens qui devront être renouvelés au bout de trois mois.
Traitement préventif de tous les bébés.
Agés de 1 à 6 mois, 220 nourrissons sont concernés. Compte tenu de leur âge, « nous devons être actifs et appliquer un précaution armée. Le bénéfice-risque est en faveur d'un traitement systématique », explique le spécialiste. En plus de l'examen clinique, de la radio pulmonaire et de l'IDR, et « quels que soient les résultats du bilan, tous les bébés bénéficieront d'un traitement préventif, une bithérapie isoniazide-rifampicine de trois mois ».
Certes, il ne s'agit pas d'un comptage massif, comme ce serait la cas au sein d'une famille, mais « nous raisonnons comme si ça l'était. Car les contacts étaient rapprochés (l'aide-soignante a eu l'occasion de donner le biberon aux enfants), répétés et avaient lieu dans l'atmosphère confinée de la chambre ». Or, chez l'enfant de moins de 1 an qui fait une tuberculose-infection, le risque de faire une tuberculose-maladie est beaucoup plus grand que chez l'adulte : 40 à 45 % contre 5 à 10 %. De plus, les enfants sont plus à risque de développer des formes graves de la maladie (méningites ou tuberculose milliaire). Enfin, même en cas de BCG, le traitement sera instauré. Tous ne sont pas vaccinés, le vaccin n'étant obligatoire qu'à l'entrée en collectivité à 6 ans. Même ceux qui le sont - s'ils sont déjà en crèche ou s'ils vivent dans un milieu à risque et qui ont été vaccinés à 1 mois- « seront traités. Car comme l'ont montré deux métaanalyses, le vaccin n'est efficace qu'à 80 % contre les formes graves (méningites) et seulement à 50 ou 60 % contre les formes pulmonaires », rappelle le Pr Gaudelus. Enfin, explique le spécialiste, « la tolérance du traitement est meilleure chez l'enfant que chez l'adulte ». D'où une moindre réticence à traiter les primo-infections.
La procédure mise en place à Lariboisière a été validée par la Direction générale de la santé. « Nous avons fait la même chose à Trappes. »
Du côté des membres du personnel qui ont travaillé avec l'agent malade, aucun cas d'infection n'a été décelé par la médecine du travail.
La procédure de rappel des familles a commencé cette semaine et devrait se poursuivre jusqu'à la fin du mois. Une procédure va être mise en place pour les patientes qui ne se rendraient pas aux consultations (15 des 36 patientes ne se sont pas rendues à la consultation du premier jour) par l'intermédiaire des services sociaux ou de PMI.
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