L ES effets délétères de l'antibiothérapie sont marqués par l'émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques administrés, soit dans le foyer infectieux visé par le traitement antibiotique, soit dans les flores commensales. L'émergence de bactéries résistantes sous traitement est reconnue comme une cause d'échec thérapeutique.
La relation entre l'administration d'antibiotiques et la sélection de bactéries résistantes à l'échelon individuel dépend des bactéries elles-mêmes, de leur degré de sensibilité à l'antibiotique administré, des propriétés pharmacocinétiques de l'antibiotique, de la présence chez l'individu (avant traitement) de populations bactériennes résistantes à l'antibiotique. Elle dépend aussi du degré de résistance des populations bactériennes et de la durée de l'administration des antibiotiques.
Dans un foyer infectieux, sans contact avec le monde extérieur, visé par le traitement, la sélection de mutants résistants se fait dans une population à l'origine sensible.
Espèces bactériennes naturellement résistantes
Dans les flores commensales, c'est plus compliqué. Il peut s'agir de la sélection d'espèces bactériennes naturellement résistantes à l'antibiotique (levures colonisant les patients qui reçoivent des antibiotiques à large spectre) ou de souches qui appartiennent à des espèces naturellement sensibles, mais porteuses de gènes acquis de résistance étrangère en situation plasmidique ou chromosomique. Dans les flores commensales, la sélection sous traitement antibiotique de bactéries résistantes n'a rien d'étonnant du fait du nombre impressionnant des bactéries constituant ces flores. L'apparition de résistance sous traitement au sein des flores commensales peut être assimilée à un effet secondaire.
Les facteurs qui favorisent la sélection de bactéries résistantes sont nombreux. On peut citer la présence de bactéries résistantes avant le traitement, l'activité de l'antibiotique (CMI) sur les bactéries sensibles et résistantes. Cette activité « jouerait un rôle essentiel dans le processus de sélection, conditionnant la facilité avec laquelle les concentrations d'antibiotiques obtenues dans le foyer peuvent éliminer les premières et, de fait, épargner (sélectionner) les secondes ». La durée d'administration des antibiotiques apparaît comme « un facteur crucial de risque » de sélection de bactéries résistantes au sein des flores commensales chez un individu traité. Plus un sujet reçoit d'antibiotiques, plus la probabilité d'être porteur de bactéries résistantes dans ses flores est élevée.
Les foyers infectieux
Certaines localisations infectieuses sont plus favorables à la sélection de bactéries résistantes, c'est le cas pour les foyers infectieux respiratoires bas, digestifs, osseux, etc., sans doute en raison de l'importance des populations bactériennes et du peu de possibilité de drainage naturel.
En outre, l'émergence sous un traitement antibiotique de bactéries multirésistantes, possédant une accumulation de plusieurs gènes de résistance, représente une menace d'« impasse thérapeutique ». Et plus une bactérie est résistante à de nombreux antibiotiques, plus elle est susceptible d'acquérir de nouveaux mécanismes de résistance.
A l'échelon collectif, même si le lien entre l'administration d'antibiotique et la fréquence de résistances est plus difficile à établir, « la pression sélective exercée par les antibiotiques sur la collectivité va dans le même sens que celle exercée sur chacun des sujets à titre individuel ». A titre d'exemple, la proportion de sujets porteurs d'entérobactéries résistantes au chloramphénicol est plus élevée dans les populations qui utilisent fréquemment cette molécule, comme au Mexique, où il est utilisé dans les diarrhées. Les services de réanimation, qui consomment le plus d'antibiotiques, ont la plus forte prévalence de bactéries résistantes.
La transmission croisée joue également un rôle dans l'épidémiologie des résistances. Lorsqu'une bactérie résistante a été sélectionnée chez un sujet, elle peut être transmise à d'autres, qu'ils reçoivent ou non un antibiotique sélecteur, ce qui peut aboutir au développement de phénomènes épidémiques.
Un autre aspect de la transmission croisée est l'apport de bactéries résistantes (ou de gènes) à partir de l'environnement, de la nourriture. Des souches résistantes aux quinolones isolées chez l'homme pouvaient avoir pour origine le bétail recevant des antibiotiques.
Si l'évolution actuelle vers la résistance aux antibiotiques peut paraître inexorable, un certain nombre d'expériences montre que cette évolution peut être maîtrisée. De nombreuses publications font état du retour à la sensibilité de bactéries hospitalières après des mesures drastiques sur la réduction des volumes d'antibiotiques utilisés, « mesure clé de la maîtrise de la résistance ». Il conviendrait d'utiliser les antibiotiques pour les seules infections bactériennes et de réduire la durée d'administration. En milieu hospitalier, les mesures correctrices doivent associer la diminution de la pression de sélection à la diminution de la transmission croisée.
REESPIR, d'après la communication du Pr Vincent Jarlier (laboratoire de bactériologie-hygiène, faculté de médecine Pitié-Salpêtrière, Paris) dans le cadre de la séance thématique III réalisée grâce à l'allocation éducative de Bayer Pharma.
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