Des médecins opposés au dispositif Sophia de prise en charge des patients diabétiques diffusent sur les réseaux sociaux une affichette à apposer dans leur cabinet. Ils y expriment leurs critiques sur ce service à leurs yeux « sans intérêt ».
L’assurance-maladie s’est félicitée de l’adhésion de 226 000 patients diabétiques au programme Sophia. Elle entend le généraliser à l’ensemble du territoire français pour séduire les 1,8 million de patients potentiellement éligibles au dispositif.
Lubie technocratique
Les partisans de cette affiche sont bien décidés à ne pas aider la CNAM à remplir cet objectif. « Sophia consiste à vous téléphoner pour vous inciter à bien suivre votre traitement, à vous faire parvenir des brochures et à vous donner accès à un site Internet, attaque le document. Tout cela fait double emploi avec les conversations que nous avons ensemble. »
L’affiche évoque « le gaspillage de temps et d’argent ». « Je ne souhaite pas m’associer à cette nouvelle lubie technocratique, conclut le document. Vous êtes bien sûr libre d’adhérer à ce programme, mais dans ce cas, sachez que je n’y participerai pas et qu’il vous faudra trouver un nouveau médecin pour le suivi de votre diabète. »
Une affiche, des questions
Cette mise en garde n’est pas passée inaperçue. Sur les réseaux sociaux, elle a heurté certains patients mais aussi des médecins qui s’interrogent sur d’éventuelles poursuites dont ils pourraient être passibles. « Ne risque-t-on pas des sanctions ou d’être accusés d’empêcher les soins ? », s’interroge un praticien sur la page Facebook des médecins pigeons.
Contacté par « le Quotidien », l’Ordre a décortiqué l’affichette. « Un médecin a le droit de dire ce qu’il pense de Sophia et d’émettre une opinion contraire à l’assurance-maladie, explique le Dr André Deseur, porte-parole du CNOM. Il peut refuser de participer au programme et de remplir les papiers du patient. Mais la dernière phrase de l’affiche est critiquable au regard de la déontologie. Elle pourrait être considérée comme discriminatoire et faire l’objet de poursuite de la part d’un patient ou d’une association auprès du conseil départemental de l’Ordre, ce qui ne préjuge en rien de la décision de l’instance disciplinaire. »
Des patients surpris
Le Dr Dominique Dupagne, auteur de cette affiche, se veut rassurant. « Tout médecin est libre de refuser un patient sans avoir à se justifier, du moment qu'il assure la continuité des soins » se défend le généraliste qui fait référence à l'article R.4127-47 du code de santé publique (voir encadré). Le Dr Dupagne ajoute qu'il tient à la disposition de ses patients une liste de confrères à même de les prendre en charge.
Comment réagissent ses patients en voyant cette affiche anti-Sophia placardée dans son cabinet et qui les invite à se « trouver un autre médecin traitant » ? « Ils sont un peu surpris par son côté agressif, avoue le médecin, mais cela permet de lancer la conversation avec eux sur le sujet. » Au final, aucun d'entre-eux n'a déserté son cabinet pour cette raison… Au contraire, affirme le Dr Dupagne, certains lui confient qu'ils ne voient pas d'intérêt dans le programme Sophia. Le généraliste s'est par ailleurs longuement expliqué sur son opposition à ce dispositif à travers un billet publié sur le site atoute.org, qu'il anime.
Il a toutefois rédigé une seconde affiche « plus cool », pour ses confrères : les patients adhérents à Sophia sont invités - non plus à trouver un nouveau médecin traitant - mais un médecin pour le suivi de leur diabète. « Pour faire plaisir aux âmes sensibles », commente le Dr Dupagne, convaincu que les patients peuvent comprendre sa démarche.
Dans son article L1110-3 , le code de la santé publique stipule qu’« aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins ».
« Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne [...] au motif qu’elle est bénéficiaire de la protection complémentaire ou du droit à l’AME .
Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance-maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné des faits qui permettent d’en présumer l’existence. Cette saisine vaut dépôt de plainte. Elle est communiquée à l’autorité qui n’en a pas été destinataire. Le récipiendaire en accuse réception à l’auteur, en informe le professionnel de santé mis en cause et peut le convoquer dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte. »
Le code de la santé publique précise également (article R.4127-47, article 47 du code de déontologie médicale) qu'un « médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. »
« Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »
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