« Depuis quelques années, la mise au point de modèles animaux de douleurs chroniques et aiguës a permis de mieux comprendre les mécanismes moléculaires en cause dans la transmission des phénomènes douloureux et leur persistance », explique le Dr Mitchell Max (Bethesda, Etats-Unis). C'est ce travail qui a permis le développement de nouveaux médicaments dans certaines indications précises : antagonistes COX-2 spécifiques ; gabapentine, lamotrigine, topiramate et d'autres anticonvulsivants ; bloquants spécifiques des récepteurs au glutamate du NMDA. Pour les spécialistes de la douleur, il reste encore à mieux définir les différents types de douleurs qui reconnaissent en communs certains mécanismes moléculaires et/ou certaines voies nerveuses, car des traitements similaires pourraient être appliqués à l'ensemble des patients. Des travaux ont déjà montré que certaines douleurs neurogènes et les douleurs viscérales pourraient mettre en jeu des neurotransmetteurs et des voies nerveuses de conduction différents de ceux impliqués dans les douleurs osseuses, musculaires, cutanées ou articulaires.
La prise en charge de la douleur en rhumatologie
« En rhumatologie, la prise en compte de la douleur doit être un élément incontournable de la consultation et de la prise en charge », analyse le Dr Franck McKenna (Manchester, Grande Bretagne). Actuellement, les experts de l'ACR (American College of Rheumatology) ont émis des recommandations selon lesquelles un traitement par paracétamol ou AINS doit être proposé aux patients souffrant d'arthrose et se plaignant de phénomènes douloureux. Longtemps, la question du choix du traitement entre antalgiques purs et AINS s'est posée. Si, dans des études de population, nombre de patients disent préférer les traitements par AINS, il n'existe pas de preuves formelles d'une meilleure efficacité de ces molécules sur la douleur. En effet, si ces médicaments agissaient exclusivement en diminuant l'inflammation - qui, de fait, accompagne les phénomènes d'arthrose -, alors les corticostéroïdes, autres anti-inflammatoires, devraient eux aussi exercer un effet sur les phénomènes douloureux. Pourtant, ce n'est pas le cas.
Des études récentes, mises en place afin d'évaluer le site d'action des inhibiteurs COX-2 spécifiques, permettent de mieux comprendre l'effet de l'ensemble des AINS sur la douleur. L'inflammation périphérique entraîne une hypersensibilité à la douleur dans le voisinage des tissus lésés et majore l'excitabilité des neurones sensitifs de la moelle épinière. Ce mécanisme est lié, du moins en partie, à une activation de la COX-2 au niveau du système nerveux central.
L'ARNm de la COX-2 dans les neurones spinaux
La réponse initiale au stimulus inflammatoire est homolatérale et dépend de la majoration temporelle de concentration de l'ARN messager de la COX-2 dans les neurones spinaux. Dans un second temps, on assiste à une majoration de l'expression de la COX-2 au niveau de l'ensemble de la moelle épinière, du tronc cérébral, de l'hypothalamus, du thalamus associé à une majoration des taux de PGE2 (prostaglandines) au niveau du système nerveux central, entraînant une hyperalgie et une allodynie (réponse exagérée aux stimulus habituels non nociceptifs). Ces deux phénomènes sont liés à un effet sensibilisateur des prostaglandines sur les terminaisons nerveuses par le bais d'une augmentation de la réponse liée à l'expression des substances allogènes (bradykinines et histamine). Cette expression de la plasticité neuronale peut être diminuée par une inhibition de la COX-2, ce qui confirme l'hypothèse d'une participation centrale et périphérique des sites d'action de l'inhibition du COX-2 dans le traitement des douleurs inflammatoires. « Actuellement, on ne sait pas si le stimulus inflammatoire présent chez les patients atteints d'arthrose est suffisant pour induire ce type de réponse, mais on conçoit que l'effet central des inhibiteurs de la COX-2 peut à lui seul expliquer l'efficacité de ces médicaments dans cette indication », analyse le Dr McKenna. Après ces études sur des modèles animaux, un travail clinique devrait maintenant être mis en route afin de mieux comprendre les mécanismes en cause dans les douleurs articulaires chez l'homme et l'effet des inhibiteurs COX-2 spécifiques, périphériques et centraux, in vivo.
« The Rheumatology Patient in pain: concepts, treatment and the current and futur role of COX-2 technology », un symposium organisé par Pharmacia Corporation and Pfizer Inc à l'occasion de l'American College of Rheumatology.
Après le celecoxib, le valdecoxib
L'efficacité du celecoxib sur l'arthrose symptomatique a été démontré par différentes études cliniques - dont l'étude SUCCES-1, incluant plus de 13 000 sujets. Elles ont, en outre, permis de souligner la bonne tolérance digestive de cette molécule. Après le celecoxib, un nouvel inhibiteur COX-2 spécifique, le valdecoxib, issu de la recherche Pharmacia Corporate et Pfizer Inc., est en cours d'essais cliniques. Cette molécule a été développée en raison de son action spécifique dans le traitement de la douleur et de l'inflammation associées à la polyarthrite rhumatoïde et l'arthrose. Mais elle pourrait aussi trouver sa place dans la prise en charge des douleurs aiguës. Les premiers essais cliniques sur les patients arthrosiques présentant des douleurs des hanches ou des genoux ont montré une efficacité équivalent de ce produit, par rapport aux AINS de référence, et une meilleure tolérance digestive. Des études cliniques dans le domaine de la douleur aiguë et chronique doivent être mises en place.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature