Origine multifactorielle
Comme les recommandations de la Haute Autorité de Santé le précisent, l’anorexie mentale « est un trouble du comportement alimentaire (TCA) d’origine multifactorielle » au cours duquel des facteurs personnels de vulnérabilité psychologique, biologique et génétique, et des facteurs d’environnement, familiaux et socioculturels - par exemple l’importance de l’image du corps dans nos sociétés - sont impliqués (1). Elle concerne 2 à 3 % de la population générale, 9 fois sur 10 des femmes.
Cette affection est caractérisée par la gravité potentielle de son pronostic. La mortalité est particulièrement préoccupante puisqu’à dix ans elle est 6 fois plus élevée que celle de la population générale (2). Une méta-analyse très récente a montré que les facteurs prédictifs de mortalité élevée sont notamment un âge plus élevé lors du premier épisode anorexique, une addiction à l’alcool et un indice de masse corporelle bas (3). Les patients décèdent surtout de complications somatiques et, une fois sur trois, à la suite d’un suicide. Le risque de passage à la chronicité implique une prise en charge souvent prolongée par une équipe multidisciplinaire spécialisée.
Des signes évocateurs
Il est recommandé de rechercher une anorexie mentale devant des signes précis (voir figure). Chez les hommes adultes, les formes restrictives pures sont plus rares, l’indice de masse corporelle (IMC) initial est plus élevé et l’hyperactivité physique est plus fréquente que l’hyperinvestissement intellectuel.
Un repérage précoce.
Le risque de complication ou d’évolution chronique peut être prévenu, en particulier chez les adolescents, par le repérage précoce de la maladie et une prise en charge également précoce, qui sont donc recommandés afin d’informer le patient et ses proches et d’instaurer une « alliance thérapeutique ».
Ce repérage concerne avant tout les populations dans lesquelles la prévalence de l’anorexie mentale est maximale, c’est-à-dire les adolescentes, les jeunes femmes, les mannequins, les danseurs et les sportifs pratiquant une discipline esthétique ou à catégorie de poids, et enfin les sujets ayant des pathologies impliquant des régimes comme le diabète de type 1. Il suffit de poser une ou deux questions comme « Avez-vous ou avez-vous eu un problème avec votre poids ou votre alimentation ? », ou « est-ce que quelqu’un de votre entourage pense que vous avez un problème avec l’alimentation ? ». Le questionnaire SCOFF-F est d’emploi facile : 2 réponses positives sur 5 sont considérées comme fortement prédictives d’un trouble du comportement alimentaire (4) : « Vous faites-vous vomir parce que vous vous sentez mal d’avoir trop mangé ? Vous inquiétez-vous d’avoir perdu le contrôle de ce que vous mangez ? Avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ? Pensez-vous que vous êtes gros (se) alors que d’autres vous trouvent trop mince ? Diriez-vous que la nourriture domine votre vie ? »
Une prise en charge immédiate.
Comme le précisent les recommandations, « en l’absence de signes de gravité immédiate, les objectifs des premières consultations doivent être une confirmation du diagnostic, une information sur l’anorexie mentale et la recherche d’une alliance thérapeutique. »
L’omnipraticien devrait « nommer la maladie avec tact et sans stigmatisation », en rappelant qu’il s’agit d’un phénomène d’adaptation comportementale à un mal-être. Il est nécessaire de souligner la gravité potentielle de la maladie et la nécessité des soins médicaux et psychiques, dont il faut expliquer les objectifs, c’est-à-dire la restauration du poids, indispensable, et une guérison plus large, psychologique, sociale et relationnelle.
D’après un entretien avec le Pr PHILIPPE JEAMMET (Institut Mutualiste Montsouris, Département de Psychiatrie infanto-juvénile)
(1) HAS. Anorexie mentale : prise en charge. Haute Autorité de Santé, Saint-Denis, 2 010.
(2) Papadopoulos FC, et coll. Excess mortality, causes of death and prognostic factors in anorexia nervosa. Br J Psychiatry 2 009 ; 194 : 10-7.
(3) Arcelus J, et coll. Mortality rates in patients with anorexia nervosa and other eating disorders. Arch Gen Psychiatry 2011 ; 68 (7) : 724-31.
(4) Garcia FD, et coll. Detection of eating disorders in patients: validity and reliability of the French version of the SCOFF questionnaire. Clin Nutr 2011 ; 30 (2) : 178-81.
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