D EUX événements, d'importance inégale, viennent de pimenter enfin la très morne campagne électorale pour les prochaines législatives du 7 juin en Grande-Bretagne.
Alors que tous les sondages prévoient la victoire sans péril de l'actuel Premier ministre (les travaillistes ont plus de 15 points d'avance sur le parti conservateur), la situation calamiteuse du système public de santé (National Health Service) électrise la campagne de Tony Blair et passionne les médias britanniques.
En fin de semaine dernière, le Premier ministre s'apprêtait à visiter un hôpital de Birmingham, au centre de l'Angleterre ; il a été subitement pris à partie par l'épouse, furieuse, d'un malade cancéreux, en direct devant les caméras de télévision. Sharon Storer, 38 ans, s'est déchaînée pendant plusieurs minutes contre le bilan médiocre du chef du gouvernement en matière de santé et contre les carences et les dysfonctionnements chroniques du NHS, en particulier la pénurie d'infirmières et de lits hospitaliers.
« Vous vous contentez de vous promener pour vous faire connaître, mais vous ne faites rien pour aider les gens », a-t-elle notamment reproché au Premier ministre, interloqué et bredouillant, qui avait pourtant fait de la modernisation du NHS la priorité de son mandat en 1997. La plupart des journaux anglais ont relaté cet épisode peu typique du flegme britannique, mais révélateur de l'état de délabrement du NHS, à l'heure où plus d'un million de personnes sont toujours en attente d'une intervention dans les hôpitaux britanniques débordés.
20 nouveaux établissements gérés avec le privé
Beaucoup moins anecdotique, l'annonce de la plate-forme blairiste intitulée « Ambitions pour la Grande-Bretagne » a fait couler beaucoup d'encre, et particulièrement le volet controversé consacré à d'éventuels partenariats entre le NHS (totalement nationalisé depuis 1948) et le secteur privé pour prendre en charge des pans entiers de la santé des Britanniques.
Le Labour propose de faire appel au privé pour diminuer le nombre de patients en attente d'être hospitalisés pour une intervention chirurgicale, premier fléau du NHS. Il s'engage à créer 20 nouveaux centres de soins hospitaliers, dans lesquels le NHS et des groupes privés à but lucratif seraient en partenariat pour réaliser des opérations du cur, de la hanche, de la cataracte et des hernies. « Aucune barrière, aucun dogme, ni intérêts cachés ne doivent barrer la route à l'amélioration des services publics », a mis en garde Tony Blair, n'hésitant pas à brusquer l'aile gauche de son parti et les leaders syndicaux qui redoutent déjà un pas évident vers la privatisation du système de santé britannique (mais aussi de l'école).
Des syndicats qui, pour la plupart, restent traumatisés par la privatisation désastreuse des chemins de fer britanniques décidée par les conservateurs. Beaucoup d'observateurs font également remarquer qu'une ouverture des hôpitaux britanniques au privé pour diminuer les listes d'attente serait inopérante sans un investissement financier massif sur les places de moyen séjour et les maisons de retraite.
Quoi qu'il en soit, la campagne électorale révèle le double sentiment des Britanniques à l'égard de leur système de soins.
D'un côté, la plupart d'entre eux gardent un attachement viscéral au NHS, dernière incarnation de l'Etat providence, qui signifie la garantie d'un accès égal aux soins, la gratuité quasi-totale pour les patients, mais aussi des rémunérations très décentes pour les généralistes, payés à la capitation. D'un autre côté, les défaillances du NHS sont trop graves et anciennes (hôpitaux débordés, services d'urgences à la merci de la moindre épidémie de grippe, pénurie d'infirmières, de sages-femmes et de lits, sous-équipement chronique, listes d'attente interminables avant une intervention ou un examen) pour ne pas souhaiter une réforme profonde de ce service public.
Une réforme qui, malgré les promesses du parti travailliste en 1997, et quelques aménagements mineurs, se fait toujours attendre. Selon une enquête réalisée en mars auprès de 3 000 électeurs, presque une personne sur deux estime que le gouvernement travailliste n'a pas su redresser la barre du NHS au cours de ses quatre premières années de pouvoir.
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