S A voix en tremble encore d'indignation. Deux des patients de Trevor Stammers doivent subir au plus vite une ablation de la vésicule biliaire, mais tout ce qu'il peut leur dire, faute de places à l'hôpital, c'est d'attendre.
Et cela fait neuf mois que cela dure.
« En attendant, ils ne peuvent pas travailler parce que des douleurs terribles peuvent les saisir à n'importe quel moment », explique à l'AFP le médecin généraliste exerçant au sud-ouest de Londres.
Un autre de ses patients, épileptique, n'a pas pu décrocher de rendez-vous chez un neurologue avant la fin de juillet. Et le tout à l'avenant.
« Ce n'est plus un service de santé, c'est une gigantesque salle d'attente », lâche le médecin découragé. Et le Dr Stammers ne croit plus les promesses d'investissements massifs dans le NHS faites par les travaillistes avant les élections législatives du 7 juin.
En 1997, il y avait cru. « J'avais de grands espoirs, et je suis plutôt déçu », résume-t-il, « honteux » que les patients ne puissent obtenir du service public de santé un traitement décent.
Le cas du Dr Stammers n'est pas isolé. Le morale semble au plus bas à tous les échelons du National Health Service (NHS), ce système public de santé gratuit qui fut pourtant autrefois la fierté des Britanniques.
Aujourd'hui, les hôpitaux sont surchargés, les équipements dépassés et les professionnels de santé débordés. Mal payés, nombre d'entre eux désertent la profession, en particulier à Londres et dans sa banlieue où la vie est très chère.
Résultat : pas une semaine ne se passe sans que la presse ne consacre un article à la décrépitude du NHS et ses conséquences parfois dramatiques, tel ce patient mort quelques semaines après qu'on lui eut enlevé, par erreur, son rein sain au lieu du rein malade.
Malgré une population et des besoins médicaux accrus, le nombre de lits hospitaliers a baissé de 103 000 en trente ans.
10 000 médecins d'ici à 2005
Exaspérés, les patients les plus riches vont se faire opérer à l'étranger. D'autres, de plus en plus nombreux (leur nombre a doublé en quatre ans), s'endettent pour se faire opérer dans le privé.
Mais la situation était encore pire il y a quatre ans, quand les travaillistes sont arrivés au pouvoir, font valoir certains experts.
« Le NHS se porte mieux qu'en 1997 », assure ainsi Jennifer Dixon, du centre d'études King's Fund. « Il dispose de plus d'argent et d'un tout petit peu plus de personnel, assure-t-elle. Il y aussi plus d'hôpitaux. »
La Grande-Bretagne consacre à la santé une part de son PIB nettement inférieure à celle des autres pays européens, même si ces dépenses augmentent au rythme de 6 % par an.
Un million de patients environ sont inscrits sur les listes d'attente des hôpitaux. Des listes qui sont en légère diminution Le Labour promet que l'attente pour une intervention chirurgicale ne dépassera pas six mois... en 2004.
Pour faire face à la pénurie de personnel, le gouvernement a promis de recruter 20 000 infirmières et 10 000 médecins d'ici à 2005. « Mais je ne sais pas où ils vont les trouver », s'interroge le Dr Stammers. L'an dernier, un tiers des 23 000 infirmières embauchées avaient été recrutées à l'étranger (Philippines, Afrique du Sud, Espagne, etc.).
S'il est réélu, Tony Blair a promis plus d'argent pour la santé, la priorité numéro 1 des électeurs, selon les sondages.
Mais il a aussi prévenu que cela devrait s'accompagner de réformes. Et certaines passeront par la concession de certains secteurs à des groupes privés, a-t-il indiqué sans plus de détails.
« Personnellement, je ne vois pas l'avenir en rose », confie le Dr Stammers.
(Analyse politique en page 43.)
Une majorité de généralistes prêts à quitter le système de santé
Une majorité de médecins généralistes sont prêts à quitter le système de santé britannique si le gouvernement ne modifie pas en 2002 les termes de leur contrat avec l'Etat, vieux de cinquante ans, selon un vote organisé par l'Association des médecins britanniques.
Les deux tiers des 36 000 médecins consultés par leur association ont répondu, dont 86 % favorablement, à l'idée de soumettre une lettre de démission non datée en avril prochain si le gouvernement n'avait pas apporté des modifications « significatives et acceptables » à leur contrat.
« Le message de ce vote est on ne peut plus clair et fort, a déclaré le vice-président du Comité des médecins généralistes, le Dr Hamish Meldrum. Le résultat montre le degré de désenchantement et de désespoir » de la profession.
Les médecins généralistes ont 10 000 patients par an, auxquels ils consacrent à peine huit minutes en moyenne.
Les médecins souhaitent notamment que les lourdeurs bureaucratiques auxquelles ils font face dans le cadre de leur contrat actuel soient réduites et que leurs responsabilités soient mieux définies.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature