CE SOIR, le temple d'Angkor brille de mille feux. Une jeune femme très affairée annonce avec la gourmandise d'une midinette : « Le roi arrive. » Le monarque qu'on attend s'appelle Preah Bat Samdech Preah Boromneath Norodom Sihamoni. C'est l'un des fils de Norodom Sihanouk, qui a abdiqué en octobre dernier.
Le souverain vient inaugurer la cinquième édition des « Nuits d'Angkor », un spectacle qui s'est donné pour ambition de « refléter le concept de miroir entre la culture française et la culture cambodgienne ». Au programme, « Blik », proposé par la compagnie de danse contemporaine Jean-Claude Gallotta, et une version du Ramayana indien dansée par le Ballet royal du Cambodge devant un parterre d'excellences. En d'autres temps, le prince Sihanouk accueillait le général de Gaulle dans ce décor des Mille et Une Nuits peuplé d'éléphants caparaçonnés, de danseuses et de guerriers, un spectacle flamboyant et barbare éclairé à la torche. Angkor Vat (littéralement « La ville qui est un monastère ») est le chef-d'œuvre de Surryavarman II, un roi du XIIe siècle souvent comparé à Louis XIV pour l'éclat de son règne. Il se rendit maître de toute l'Indochine méridionale marquant son époque du génie khmer. La silhouette du temple aux cinq tours est devenue un emblème. Il pavoise sur le drapeau national et orne jusqu'aux bouteilles d'eau minérale.
L'architecture est savante, sévère dans ses formes, élégante dans ses détails. Tournées comme si elles étaient faites en bois, les balustres de pierre inondent de lumière tamisée les galeries supérieures du temple. Les bas-reliefs qui les ornent s'étendent sur plus de sept cents mètres. Une véritable bande dessinée. D'une facture remarquable, ils représentent des scènes tirées des légendes hindoues - notamment le kurushetra, site de la grande bataille du mahâbhârata - ainsi que des épisodes de la vie du roi-bâtisseur. Les apsaras, nymphes du Paradis, sont innombrables. Il n'y en a pas deux semblables. Le temple est voué au culte de Vishnu. On pare donc sa statue d'offrandes multicolores, de bannières de toile ou de papier.
La patine du temps.
Consacré au dieu Shiva, Bantey Srei est un pur joyau ciselé dans le grès rose perdu à vingt-cinq kilomètres de Siem Reap. Au début du siècle dernier, il fallait trois jours d'efforts à travers la jungle pour l'atteindre. Son exquise délicatesse rappelle à merveille la Renaissance italienne. Taillés par la main d'un orfèvre, mille génies et danseuses rivalisent de séduction au fronton des tympans. Les pilleurs en perdaient la tête : il n'y avait qu'à découper. Malraux est venu ici pendant l'hiver 1923 pour arracher sept pierres au temple. Un forfait que les archéologues jugent sévèrement. Il semble que le saccage n'a jamais cessé. Angkor Thom, « la grande capitale », est encadrée de cinq portes monumentales précédées de chaussées. Sur celle du nord, les statues des démons et des dieux soutenant le serpent naja avaient presque tous été décapités par des voleurs. Aujourd'hui, les têtes ont été remplacées par des copies à qui il ne manque que la patine du temps.
Au Bayon, on se sent surveillé par des géants. Pierre Loti avait visité cet endroit il y a plus d'un siècle quand le temple était noyé de cascades végétales. « Je frémis tout à coup d'une peur inconnue en apercevant un grand sourire figé qui tombe d'en haut sur moi, écrivait le marin-écrivain, ... et puis un autre sourire encore, là-bas sur un autre pan de muraille, et puis trois, et puis cinq, et puis dix ; il y en a partout. »
Erigé sous le règne de Jayavarman VII, le temple de Ta Phrom évoque l'œuvre fantastique du végétal. Les racines de fromagers font éclater les pierres, balafrent et rongent la statuaire monumentale. Le roi l'avait construit pour honorer la mémoire de sa mère dont on retrouve les traits sur le statuaire de la divinité bouddhique Prajnâpâramitâ.
Le groupe archéologique d'Angkor, qui a été inscrit tardivement au Patrimoine de l'humanité, compte un millier de temples répartis sur 300 km2. C'est dire le vertige du visiteur même s'il doit se contenter des sites ouverts au public.
Retour à Phnom Pehn en empruntant une merveille de la nature : le lac et le fleuve Tonlé Sap. Cet univers aquatique qui sillonne jusqu'à Battambang vit au rythme des crues immenses engendrées par le trop-plein du Mékong : pêches miraculeuses, maisons et pagodes sur pilotis, villages flottants et forêts inondées. On dit que ce grand lac étroitement lié au rayonnement d'Angkor représentait l'océan cosmique de la mythologie hindoue.
Pour Partir
TRANSPORTS
Vols quotidien Paris-Phnom Penh via Bangkok sur Thaï International Airways à partir de 828 euros (Classe Eco) et 2 393 euros A/R (Classe Affaires). Taxe internationale de 25 USD par personne à l'arrivée au Cambodge.
Renseignements : Thaï International Airways, tél. 01.44.20.70.80.
FORMALITÉS
Passeport valable six mois après la date de retour. Visa obligatoire délivré sur place.
HOTELS
- Le Raffles Hotel Le Royal situé en plein centre de Phnom Penh a été bâti en 1929 dans un style mi-khmer mi-colonial et admirablement restauré (à partir de 200 euros la nuit) ; dans le même esprit, le Raffles Grand Hotel d'Angkor à Siem Reap (à partir de 290 euros la nuit), le Sofitel Royal Angkor (à partir de 250 euros la nuit) et le Méridien Angkor (à partir de 190 euros la nuit).
MONNAIE
L'unité est le riel. 1 USD = environ 4 000 riels. Cartes de crédit acceptées dans les grands hôtels de Phnom Penh et de Siem Reap.
CLIMAT
La meilleure saison pour voyager est la période comprise entre octobre et février, soit après la saison des pluies et avant les grandes chaleurs de mars et d'avril.
DECALAGE HORAIRE
+ 6 heures par rapport à Paris l'hiver, + 5 heures l'été.
SEJOURS
Orients propose plusieurs formules pour visiter le Cambodge comme des combinés
« Thaïlande, Cambodge sous le signe d'Angkor » à partir de 2 895 euros Paris/Paris les 16 jours en pension complète, « Cambodge, Laos, Thaïlande rizière et palais khmers » à partir de 3 100 euros les 16 jours en pension complète ou « Cambodge, Laos, Vietnam, escales en péninsule indochinoise » à partir de 3 710 euros Paris/Paris les 19 jours en pension complète. FÊTES RELIGIEUSES
Le Makha Boucha commémore le premier sermon de Bouddha à la pleine lune de février. En avril, c'est le Chaul Cham, célébration du nouvel an très arrosée d'eau. En mai, le Visakha Boucha salue la naissance, l'illumination et la mort de Bouddha. La pleine lune de juillet annonce le début du carême bouddhique, celle d'octobre sa fin. En novembre, c'est la fête du « retrait des eaux » de la rivière Tonle Sap.
LIRE
« Un pèlerin d'Angkor » de Pierre Loti, « le Roi lépreux » de Pierre Benoit, « le Retour à l'argile » de George Groslier, « la Voix royale » d'André Malraux. Guides : « le Cambodge » (Lonely Planet), « Cambodge-Laos » (Arthaud), « Angkor, la Forêt de pierres » (Gallimard), « Histoire d'Angkor » (PUF, Que sais-je ?) et « Angkor » de Maurice Glaize, une référence constamment rééditée.
RENSEIGNEMENTS
- Office du tourisme du Cambodge, 11, avenue Charles-Floquet, 75007 Paris, tél. 01.45.03.00.60.
- Orients, 25, rue des Boulangers, 75005 Paris. Tél. 01.40.51.10.40. et www.orients.com .
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature