« Nos observations sont probablement représentatives d'un phénomène épidémiologique de survenue fréquente, mais rarement documenté » : Edward Kaplan et son équipe (Minneapolis, Etats-Unis) parlent en ces termes du changement rapide et quasi complet de la prédominance d'un sérotype de streptocoque de groupe A au profit d'un autre, dans une communauté.
Une telle donnée prend son sens quand on sait l'intérêt du suivi de la répartition des sérotypes sur deux objectifs de santé publique. Tout d'abord, une attention particulière est portée sur le potentiel pathogène des streptocoques du groupe A en raison d'une résurgence inattendue des séquelles, suppuratives ou non, de l'infection. D'autre part, les résultats d'études préliminaires en laboratoire ont justifié la mise en route d'essais vaccinaux de phase I.
Le travail publié dans le « Lancet » apporte des éléments importants sur le deuxième point. Le phénomène épidémiologique rapporté peut avoir des conséquences non négligeables sur l'efficacité et le rapport coût/efficacité de candidats vaccins, particulièrement ceux dont la protection immune repose sur le sérotype.
Pour mener à bien leur travail, les médecins ont tiré parti de la vie quasiment en vase clos d'une communauté religieuse de la banlieue d'une ville américaine. L'étude a été menée sur des prélèvements pharyngés, réalisés lors de consultations pour angine entre janvier 1999 et avril 2000.
Typage sérologique pour la protéine M
Chez quelque 500 personnes, tant enfants qu'adultes, les streptocoques bêta-hémolytiques ont été recherchés. En cas de positivité des cultures, la bactérie était caractérisée par groupage sérologique, type d'agglutination et typage sérologique pour la protéine M.
A la mi-1999, une augmentation nette de patients symptomatiques, à culture positive, est enregistrée. Cette année-là, entre le 1er juillet et le 31 décembre, sur 378 prélèvements pharyngés, 111 (29 %) étaient positifs au streptocoque du groupe A. Parmi ces derniers, 102 (92 %) étaient de sérotype M1. Seulement deux cultures retrouvaient le sérotype M6.
Au 1er janvier 2000, la situation bascule. Les auteurs n'hésitent pas à utiliser l'expression : « épidémie de M6 ». Une modification imprévue dans les sérotypes est constatée. Sur les 277 prélèvements réalisés entre cette date et le 31 mars, 126 (45 %) retrouvent du streptocoque du groupe A, dont 106 (84 %) de type M6. Les M1 deviennent largement minoritaires avec 13 %. Dans tous les cas, la majorité des angines, on pouvait s'y attendre, a concerné des enfants scolarisés.
De tels changements de prévalence d'un sérotype de streptocoque pour un autre n'ont rien d'exceptionnel en soi. Des travaux antérieurs en ont mis en évidence, rappellent les auteurs. Sur de plus longues périodes, cependant.
Une immunité spécifique de type
« Ces données devraient être prises en compte dans le développement futur (et dans une analyse coût-efficacité) de tout candidat vaccin antistreptocoque du groupe A, dans diverses populations. Si les bases de ce type de vaccin sont de conférer une immunité spécifique de type, les changements rapides de sérotype, montrés ici, doivent être pris en considération », assurent les auteurs. Ils ajoutent à leur démonstration que, bien que les souches rencontrées au sein de la population aient semblé homogènes, les isolats M6 de l'épidémie montraient des différences du gène emm par rapport aux souches de référence de la GenBank. La traduction biologique de cette variation reste cependant inconnue.
Les médecins américains concluent leur publication en précisant qu'au moins un tiers des sujets ayant contracté dans un premier temps la souche M1 ont été infectés peu après par la souche M6. Ce qui suggère qu'aucune immunité large non spécifique n'a été conférée par l'infection initiale. Une donnée de plus vis-à-vis de l'efficacité d'un vaccin contre le streptocoque A qui serait « dirigé soit contre des épitopes conservés de la protéine M, soit contre des productions extracellulaires de l'organisme. »
« Lancet », vol. 358, 20 octobre 2001, pp. 1334-1337.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature