Anévrisme de l'aorte abdominale : risques et conduite à tenir

Publié le 20/02/2003
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REFERENCE

Fréquence

La prévalence des AAA est de 1 à 10 % dans la population en fonction du sexe et des tranches d'âge. Cette prévalence s'élèverait à 20 % chez les hommes artériopathes hypertendus de plus de 65 ans. On peut donc constater que l'existence de facteurs de risque vasculaire associés, tels que l'intoxication tabagique, l'HTA, l'artériopathie des membres inférieurs (MI), l'hérédité, est multiplicatrice dans l'évolution d'un AAA. Les femmes sont relativement épargnées, mais les AAA existent chez la femme.
Un AAA est associé à d'autres localisations périphériques, dans 12 % des cas, un anévrisme poplité est retrouvé.

Risque de rupture

La particularité des AAA est leur caractère asymptomatique pendant de nombreuses années, les symptômes et notamment la rupture apparaissant tardivement, cette rupture est parfois la première manifestation de la maladie. La rupture est la forme évolutive naturelle des AAA non traitées. Le taux de mortalité de la chirurgie programmée est d'environ 5 % ; il est de 50 à 70 % en cas de rupture.
Il s'agit donc d'une affection grave dont le pronostic a été complètement transformé du fait d'un dépistage de plus en plus précoce des AAA, non pas par l'examen clinique souvent pris en défaut mais par l'utilisation de l'échographie. Cet examen ultrasonique sera réalisé soit dans le cadre d'une démarche diagnostique non vasculaire, soit dans le cadre du bilan d'extension de la maladie athéromateuse chez un sujet à risque, notamment le polyvasculaire.

Le diamètre antéro-postérieur

Une fois le diagnostic d'AAA posé, la conduite thérapeutique à tenir va dépendre de plusieurs paramètres, mais surtout du diamètre antéro-postérieur de l'AAA (le diamètre antéro-postérieur fait référence) ; il est apprécié correctement en échographie mode B (noir et blanc), avec plus de précision en écho TM. Le scanner est un examen encore plus précis ; de plus, il étudie parfaitement les rapports de l'AAA avec les organes de voisinage.
En effet, le risque de rupture spontanée dépend de la taille de l'anévrisme. L'augmentation du diamètre des AAA suit une courbe exponentielle d'abord lente, de 30 à 45 mm (augmentation moyenne de 5 mm/an) pour s'accélérer pour un diamètre > 45 mm (9 mm/an). Ce risque de rupture est de 1,5 % pour les AAA < 45 mm, pour devenir supérieur et dépasser 15 % pour les AAA > 50 mm.
Il n'existe aucun traitement médical des AAA. La correction des facteurs de risque est indispensable.

Quels anévrismes opérer et qui opérer ?

Il faut opérer les anévrismes dont le diamètre antéro-postérieur est supérieur ou égal à 50 mm, voire ceux à croissance rapide qui passent de 40 à 45 mm en six mois, voire moins.
Les patients chez lesquels le bilan d'opérabilité permet d'envisager un geste dans les meilleures conditions. Ce bilan sera cardio-vasculaire et respiratoire pour l'essentiel, en ayant toujours à l'esprit la notion de bénéfice/risque pour le patient. Rappelons que la mortalité opératoire en cas de chirurgie à froid est d'environ 5 %, avec un taux de survie à cinq ans entre 75 et 80 %, et un taux annuel de décès proche de 5 % (causes cardiaques et carcinologiques surtout).

Quelle imagerie avant l'intervention ?

En dehors de l'échographie qui est le meilleur test de détection, l'écho-Doppler précisera l'état de l'ensemble des axes artériels périphériques (TSAO, AMI, AR). Le scanner est un examen utile, voire l'angio MR et l'angiographie conventionnelle. Ce qu'il faut retenir en matière d'imagerie est simple : l'équipe médico-radio-chirurgicale qui prend en charge le patient portera l'indication du ou des examens nécessaires, et ce en fonction du plateau technique dont il a l'habitude et dont il dispose habituellement.

Chirurgie ou prothèse ?

Le traitement chirurgical reste en 2002 le traitement de référence en matière d'AAA. Nous avons vu le risque de rupture des AAA ; leur traitement est donc un traitement prophylactique. La première résection d'un AAA a été réalisée en France en 1951 par Charles Dubost. Quarante ans plus tard, en 1991, les premiers cas de traitement endoluminal ont été rapportés par J. Parrodi.
Le traitement chirurgical consiste en une mise à plat, une greffe, puis un rétablissement de la continuité par une prothèse tubulaire ou bifurquée.
Le traitement endoluminal est la mise en place par voie endoluminale (fémorale) d'une prothèse recouverte. Ce dispositif nécessitant un collet supérieur de l'AAA et un collet d'aval de bonne qualité. L'AAA est alors exclu. Si la faisabilité de cette technique est bien établie, ses résultats à moyen et long terme semblent moins bons que ceux de la chirurgie.
Les indications respectives des deux techniques font actuellement l'objet d'études et de recommandations sur les indications (ANDEM 1995) et sur le matériel (AFSSAPS 2001). La chirurgie reste préférable. L'indication des endoprothèses, aussi séduisantes soient-elles (absence de laparotomie, de clampage aortique, réduction des pertes sanguines), ne concerne que peu d'AAA.
Il n'existe à ce jour aucune étude randomisée chirurgie des AAA versus endoprothèse. On peut avancer que la morbidité de ces deux techniques est similaire, mais les résultats à long terme, s'ils sont bien connus pour la chirurgie, le sont moins pour les endoprothèses.
La chirurgie garde une place de choix ; les endoprothèses doivent être plutôt réservées à des patients chez lesquels le geste chirurgical est contre-indiqué, voire relativement contre-indiqué : en résumé, pour des patients à haut risque chirurgical et pour des AAA de plus de 50 mm ou qui augmentent de 10 mm/an.

Surveillance

L'échographie est le test de détection à privilégier en matière d'AAA.
Cet examen est à réaliser de principe au moins une fois chez tous les patients qui présentent des facteurs de risque vasculaire : tabac, HTA, artériopathie des MI, atteinte coronarienne, diabète, dyslipidémie...
Il doit être systématique chez les membres d'une famille où un AAA a été dépisté : hérédité.
Pour les AAA non chirurgicaux, une surveillance semestrielle par échographie est indispensable.
Le suivi du malade opéré d'un AAA est clinique mais aussi instrumental, l'écho-Doppler étant l'examen de référence pour le contrôle de la prothèse associé au suivi de l'athérome.
La surveillance d'une endoprothèse est du domaine des ultrasons avec utilisation d'un produit de contraste échographique type Lévovist afin de mieux dépister des fuites.

Dr Jean-Pierre LAROCHE Médecin vasculaire, hôpital Saint-Eloi, médecine B (service Pr Ch. Janbon), CHU de Montpellier

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7279