C'est un bilan en demi-teinte qu'a dressé la Société française d'anesthésie et de réanimation (SFAR) à l'occasion de son 45e Congrès national, qui s'est clos hier au palais des Congrès de Paris. En effet, en vingt ans, les équipes d'anesthésie-réanimation ont réussi à faire considérablement progresser la sécurité des patients, mais l'évolution défavorable de la démographie médicale dans cette spécialité pourrait remettre en cause ces acquis, selon les premiers résultats de deux enquêtes de la SFAR (1).
La mortalité liée exclusivement à l'anesthésie est passée de 1 sur 13 000 cas dans les années 1980 à 1 sur 140 000 aujourd'hui. L'enquête de la SFAR (la deuxième du genre après celle de 1983) se fonde sur le nombre d'anesthésies recensées en 1996 (hors activité de réanimation chirurgicale, de SAMU-SMUR, de consultation de lutte contre la douleur) et sur l'analyse d'un échantillon de 4 200 certificats de décès de 1999. Le taux de mortalité, liée totalement ou partiellement à l'anesthésie, a diminué en vingt ans, alors même que le nombre d'anesthésies a augmenté de 3,6 à 8 millions environ par an, et que « la proportion de patients âgés ou en mauvaise santé a doublé », note la SFAR.
Parmi les mécanismes des événements ayant conduit au décès, on constate un poids relativement équivalent des causes cardiaques (ischémie), vasculaires (hémorragie, notamment) et respiratoires (hormis la dépression respiratoire au réveil, qui a disparu, alors que, en 1983, il s'agissait d'un fléau). « En revanche, les causes neurologiques sont rares, étant entendu qu'il ne s'agit pas là du mécanisme du décès, mais de l'événement qui est à son origine », relève la SFAR.
Le risque peut être encore réduit
La SFAR impute la baisse de mortalité au passage systématique en salle de réveil, aux appareils détectant un défaut d'oxygénation et à la diffusion d'une culture du risque. Un des responsables de l'enquête, le Pr André Lienhart, estime que l'anesthésie dispose encore d'une marge de progression dans la sécurité « si elle s'inscrit dans une politique d'analyse globale du risque », par un retour systématique « sur les accidents et les presque-accidents » en tenant compte de l'ensemble de la chaîne de soins.
La SFAR va poursuivre l'exploitation des données pour étudier le profil des établissements à risque, tous secteurs confondus, ainsi que « les circonstances favorisantes ». D'ores et déjà, note la SFAR, « en matière de structure, la pression de production apparaît au premier plan, de même que, au niveau de l'équipe, l'insuffisance des effectifs et les problèmes de communication ».
Or on sait déjà qu'il y aura une pénurie d'effectifs qui culminera entre 2010 et 2020, puisqu'il faut douze ans pour former un médecin anesthésiste-réanimateur. L'enquête SFAR-INED dénombre environ 8 900 médecins au 1er janvier 1999, des hommes à 64,3 %, avec une moyenne d'âge de 46 ans. Si la densité médicale actuelle (14,8 anesthésistes-réanimateurs pour 100 000 habitants) dépasse un peu la moyenne européenne, cette spécialité souffre de « héliotropisme, comme toutes les disciplines », rappelle le Pr Philippe Scherpereel, un des auteurs de l'étude démographique.
Chaque année, les quelque 200 nouveaux diplômés de la spécialité n'arrivent pas à compenser les 500 départs. Mais les effets restrictifs du numerus clausus se combinent aussi avec la réduction du temps de travail liée aux 35 heures et à la récente mise en place du repos de sécurité après une garde.
Le transfert de compétence vers les infirmiers-anesthésistes et le recrutement de médecins étrangers ne sont que des « palliatifs », aux yeux du Pr Scherpereel. Il préconise plutôt la hausse du numerus clausus, et, à court terme, « une meilleure organisation, avec des regroupements et une meilleure utilisation du temps médical ».
(1) Enquête « Mortalité » SFAR-INSERM et enquête démographique nationale Collège français d'anesthésistes-réanimateurs (CFAR)-SFAR-INED.
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