Tribune

Anesthésie, la voie du mini

Publié le 28/02/2014
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Existe-t-il une place pour l’anesthésie peu ou non médicamenteuse en 2014 ? Présentation de la voie du « mini ».

Depuis quelques années nous assistons à une transformation de la prise en charge des patients médico- chirurgicaux. Cette modification des pratiques résulte bien évidemment des meilleures évaluations préopératoires grâce à l’imagerie médicale à laquelle s’ajoute celle de l’anesthésie.

En même temps, les évolutions technologiques autorisent des abords chirurgicaux « mini-invasifs » concrétisés par les voies coelioscopiques, percutanées voire robotisées.

Toutes ces avancées technologiques qui s’associent à l’amélioration de la prise en charge clinique des patients conduisent naturellement à la réduction des durées d’hospitalisation par le développement des unités ambulatoires et de semaine1.

Dans ce contexte de « mini » l’anesthésie a la nécessité de s’interroger pour être un acteur de cette évolution.

Place de l’anesthésie dans l’approche mini-invasif

Si depuis vingt ans (décret du 5/12/94)2, la consultation préopératoire à distance de l’acte (en dehors de l’urgence) a permis une évaluation clinique et une adaptation thérapeutique des patients, il n’en demeure pas moins que les techniques d’anesthésie doivent aussi s’adapter à ce contexte du « mini ».

Pour cela les progrès pharmacologiques ont permis de bénéficier de molécules de courtes durées d’action sans effet résiduel. On a vu également se développer les anesthésies partielles dites locorégionales avec l’apport de l’échographie.

Tous ces progrès s’inscrivent dans une prise en charge « mini » au même titre que les approches chirurgicales. Dans ce cadre, on peut se demander quelle est la place de l’anesthésie peu ou non médicamenteuse. En d’autres termes, quelle est la place de l’hypnoanalgésie (ou hypnosédation), voire de l’hypnose seule.

Place de l’anesthésie peu ou pas médicamenteuse

Depuis les années quatre-vingt-dix, avec les travaux de M.E. Feymonville3 à Liège, l’hypnoanalgésie est venue « élargir le socle des techniques (modernes) d’anesthésie ». L’imagerie médicale a permis de visualiser les modifications cérébrales.

Jean Lassner4 à hôpital Cochin à la fin des années soixante avait promulgué cette technique pour les malades les plus fragiles, mais malheureusement sans convaincre. Il était trop en avance.

Comme pour toute technique l’hypnose nécessite une formation.

Elle peut s’associer dans le cadre chirurgical à des doses très faibles de sédatif (hypno sédation) ou d’analgésiques (hypno analgésie) bien différentes de celles que l’on peut utiliser dans le cadre de l’anesthésie générale.

Cette technique de dissociation de la conscience, « être là et ailleurs » permet l’accompagnement d’actes chirurgicaux réalisés sous anesthésie local ou locorégional, quel que soit le type de chirurgie5. Elle trouve aussi son application dans le domaine des explorations aussi bien digestives que cardio-vasculaires.

Pourquoi utiliser l’hypnose ou l’hypnoanalgésie ?

Ces raisons sont nombreuses :

- Pour les praticiens anesthésistes6, c’est « l’occasion » de se placer en clinicien face à son patient, d’abandonner ou plutôt de laisser la « technique » à sa place, afin que l’acte d’anesthésiste s’associe à la parole de l’hypnose. En effet, l’évolution anesthésique depuis quelques années, malgré la consultation à distance qui offre à l’anesthésiste une place de clinicien, est devenue un geste technique, multi-individuel (plusieurs praticiens se succèdent pour un même acte) dans lequel la relation directe du patient avec son praticien s’estompe et où la technique domine. La pratique de l’hypnose ou de l’hypnosédation remet les pratiques à leurs places.

La question de la délégation de la pratique de l’hypnose et de l’hypnosédation à une infirmière anesthésiste formée est possible. Cette délégation devra être organisée avec l’accord des opérateurs et du patient.

- Le patient bénéficie quant à lui de la proximité du praticien, d’un face-à-face, d’une diminution des facteurs d’anxiété, d’une réduction des doses de sédatif ou d’antalgique, voire de leur non-utilisation. Cette expérience hypnotique l’autorise également à participer à l’acte thérapeutique dans un espace de liberté (espace de conscience modifié ou transe hypnotique) duquel il sortira avec une sensation de détente, voire de « bien être » source d’un meilleur rétablissement. C’est le patient et lui seul qui définira ces impressions et sa satisfaction.

- Concernant le personnel soignant7, le climat de calme et de sécurité dans les salles d’opérations ou au niveau du plateau technique d’exploration leur permet de travailler sans stress et surtout de « goûter » à une nouvelle dimension de la prise en charge des patients. Cette proximité collective avec le patient autorise un renouvellement des habitudes, l’abandon des isolements des soignants trop souvent décrit actuellement et donc de lutter contre le « syndrome du burn-out ».

- Pour la structure hospitalière8 et dans le cadre de la réduction des durées d’hospitalisation, la pratique de l’hypnose qui s’associe à des réductions des doses médicamenteuses ou à leur non-utilisation entre dans l’objectif du « mini ». En effet, les durées de séjour après une exploration digestive bénéficiant d’une « anesthésie peu ou non médicamenteuse » réduisent la lourdeur de la procédure tant pour la structure (pas de passage en salle de réveil) que pour le patient (départ plus rapide, accompagnement non nécessaire, reprise de l’activité professionnelle précoce).

Bien évidemment des contre-indications existent et méritent d’être soulignées :

- Le refus du patient,

- Les pathologies auditives a type de surdité

- Les pathologies psychiatriques avec état d’agitation

Réticences des opérateurs ?

Reste le problème de la réticence de certains opérateurs :

À ceux là je leur dis « qu’ils se trompent. Que la pratique de l’hypnose n’est pas chronophage, que leur procédure sera de même qualité, que le recours à la sédation profonde voire à l’anesthésie générale est toujours possible et que le patient est prévenu de cette possibilité ».

De même aux anesthésistes réticents je leur dis : « Changez ou étendez vos pratiques. Vous avez appris les techniques de locorégional et bien d’autres choses, apprenez la communication hypnotique, les moyens d’entrer en hypnose et l’hypnose. »

La prise en charge d’un patient bénéficiant d’une « anesthésie peu ou non médicamenteuse » demande un engagement tant au niveau des patients que des soignants. Les bénéfices qui en résultent pour chacun, méritent une réflexion approfondie des équipes soignantes et un changement dans leur communication et de leur pratique. La formation permettra d’atteindre cet objectif et de participer pleinement au défi du « mini» des années à venir. Les forces administratives doivent être conscientes de cet enjeu et doivent permettre de mettre en place des programmes de formation transversaux au niveau de leur établissement.

Bibliographie

1. Haute Autorité de Santé : « Ensemble pour le développement de la chirurgie ambulatoire », socles de connaissances, synthèses, avril 2012.

2. Pratique de l’anesthésie, texte officiel : décret n°94-1050 du 5 décembre 1994.

3. Faymonville M.E.,Joris J. Lamy M. Maquet P. Laurey S. « Hypnose : des bases thérapeutiques à la pratique clinique » Conférences d’actualité 2005 :59.69. Elsevier.

4. Lassner. « Hypnose en anesthésiologie » article publié en 1968 dans l’encyclopédie médico-chirurgicale Elsevier «  L’hypnose aujourd’hui », 2°édition, sous la direction de J.M. Benhaiem, Editions Press.

5. Virot C. Bernard F. « Hypnose douleurs aiguës et anesthésie », préface de Faymonville M.E. P31-47 Arnette.

6. Galy M. Anidjar S. « Pourquoi l’anesthésiste utilise-t-il l’hypnose », Panorama du médecin n°5248-5249 9-15 janvier 2012

7. Galy M. Delatour A. « Productivité et communication soignante », Objectif soins management n°211/décembre 2012.

8 Galy M. Delatour A. « La recherche de gains de productivité à l’hôpital », Gestions hospitalières 2012, n°521, pp 616-618.

Marc Galy, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph.

Source : Décision Santé: 295