En 1987, l'équipe du Dr Beckman a fait paraître (Beckman et coll. Birth Defects Orig Artic Ser, 1987 ; 23 : 47-64) l'observation d'un enfant décédé à l'âge de 4 mois après deux anesthésies par protoxyde d'azote. L'enfant n'avait pas posé de problèmes particuliers de santé jusqu'à son troisième mois, date à laquelle une tumeur a été décelée au sein des tissus mous de sa cuisse gauche. C'est cette tumeur qui a été ôtée en deux temps sous anesthésie générale. Le père de cet enfant et son oncle étaient tous deux atteints d'hyperhomocystéinémie (respectivement 20 et 30 umol/l, pour une normale de 5,4 à 13,9 umol/l).
Son grand frère était, lui aussi, porteur de la même pathologie et il bénéficiait d'un traitement au long cours par des dérivés de la vitamine B à haute dose. Dix-sept jours après la seconde intervention, l'enfant a été admis à l'hôpital pour une crise convulsive accompagnée d'épisodes d'apnée. A l'examen, il était hypotonique, aréflexique, et présentait une ventilation ataxique. L'examen tomodensitométrique du cerveau a montré une atrophie cérébrale généralisée et une majoration du volume des ventricules. Les tests urinaires ont confirmé la présence d'homocystéine et le dosage sanguin de cette variable s'est révélé très supérieur aux valeurs normales.
En outre, les taux sanguins de méthionine étaient abaissés ainsi que celui des folates sériques. En revanche, la concentration sérique de la vitamine B12 était dans les limites de la normale.
L'enfant est décédé à l'âge de 130 jours d'un arrêt respiratoire. L'examen autopsique a montré une atrophie cérébrale asymétrique et une démyélinisation sévère accompagnée d'une baisse nette du nombre des astroglies et des oligodendroglies au niveau de la partie centrale du cerveau, de la moelle et du cervelet.
Contact avec du monoxyde d'azote
Le Dr Rebecca Selzer apporte aujourd'hui dans le « New England Journal of Medicine » l'explication génétique de ce décès. Elle a procédé à une culture de fibroblastes de l'enfant et a pu mettre en évidence un trouble du fonctionnement d'une enzyme très particulière - la 5,10 méthyltétrahydrofolate réductase (MTHFR) - qui joue un rôle essentiel chez les patients mis en contact avec du monoxyde d'azote. Le protoxyde d'azote oxyde de façon irréversible un atome de cobalt constitutif de la vitamine B12. Il provoque une inhibition de l'activité de la méthionine synthétase, une enzyme cobalamine dépendante. Cette dernière catalyse la reméthylation de la 5 méthyltétrahydrofolate et de l'homocystéine en tétrahydrofolate et méthionine. La méthionine, par le biais de sa forme activée, la S-adénosylméthionine, est le substrat principal de la méthylation dans un grand nombre de réactions biochimiques et, en particulier, celles qui mettent en jeu la myéline, certains neurotransmetteurs ou la prolifération des tissus mous.
L'enfant étudié présentait deux mutations du gène de la MTHFR héritées de sa famille paternelle, un polymorphisme commun et une mutation nouvelle de ce même gène du côté maternel.
Cette anomalie reste toutefois très rare, puisque les auteurs signalent que seulement deux cas décrits depuis l'observation initiale en 1987 pourraient relever de ce type de mécanisme.
« New England Journal of Medicine », vol 349; 1, pp: 5-6 et 45-52, 3 juillet 2003.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature