PRATIQUE
Deux étapes
Le taux d'hémoglobine varie en fonction de l'âge, et on peut estimer qu'il existe une anémie dès que le taux d'hémoglobine est inférieur à 12 g/dl chez le sujet âgé.
La symptomatologie habituellement faite d'asthénie peut parfois prendre un aspect trompeur chez le sujet âgé : angor anémique, aggravation d'une claudication. Les signes cliniques, rarement importants et d'installation lentement progressive, sont peu pertinents pour le diagnostic étiologique. La découverte est la plupart du temps biologique. Il est alors intéressant de raisonner en deux étapes.
- Première étape : cette anémie est-elle isolée ou associée à d'autres cytopénies : leucopénie (globules blancs < 4 000/mm3) ? Thrombopénie (plaquettes < 150 000/mm3) ?
Il est licite, dans ces circonstances, lorsqu'est découverte une autre cytopénie, de contrôler à la fois le bilan thyroïdien, le taux de folates, de la vitamine B12 (carences), puis de faire réaliser une échographie abdominale (hypersplénisme secondaire à une hépatopathie). Si ces examens sont négatifs, le patient est à adresser en consultation spécialisée d'hématologie, et le diagnostic d'hémopathie est alors le plus souvent probable (syndrome myélodysplasique, leucémie aiguë, myélome, etc.). Cette orientation en hématologie doit être urgente s'il existe des manifestations cliniques inquiétantes (syndrome infectieux, syndrome hémorragique), ou si la cytopénie est profonde (plaquettes < 200 000/mm3, globules blancs < 1 500/mm3).
- Deuxième étape : l'anémie chronique est isolée ; il faut interpréter les indices érythrocytaires. Ceux-ci sont, avec l'interrogatoire, les éléments les plus pertinents pour l'enquête étiologique d'une anémie chronique. Il faut pouvoir répondre à la question :
- l'anémie est-elle macrocytaire ? VGM > à 100 micro3 ;
- l'anémie est-elle microcytaire ? VGM < 85 micro3 ;
- l'anémie est-elle normocytaire ? VGM > à 85 micro3 et < à 100 micro3.
La démarche diagnostique est alors simplifiée en trois catégories.
Anémie macrocytaire
Anémie macrocytaire (VGM > 100 micro3) : il faut d'emblée évoquer une carence en folates, en particulier devant des troubles alimentaires chez le sujet âgé dénutri ou en institution, avec difficultés alimentaires. Il faut évoquer une carence en vitamine B12 devant des troubles neurologiques. Il faut également doser de manière systématique la TSH. En cas de normalité de ces éléments, c'est le diagnostic de syndrome myélodysplasique qui paraît le plus vraisemblable (ancienne anémie réfractaire). Cette pathologie est très fréquente chez le sujet âgé. L'incidence est de 22/100 000 au-delà de 70 ans. Une consultation d'hématologie spécialisée est nécessaire pour réaliser le myélogramme confirmant le diagnostic et effectuer un caryotype à visée pronostique. La prise en charge est essentiellement symptomatique chez le sujet âgé (transfusions itératives).
Anémie microcytaire
Anémie microcytaire : la ferritine, la VS et la CRP permettent de préciser l'étiologie. En cas de ferritine inférieure à la valeur normale (anémie ferriprive), une enquête à la recherche d'un saignement chronique est indispensable. Chez le sujet âgé, les causes gynécologiques habituellement présentes chez la femme en période d'activité génitale sont rarissimes, et l'enquête digestive doit être systématiquement proposée (fréquence à cet âge des cancers digestifs). En cas de chiffre de ferritine normal ou augmenté et de CRP élevée, l'anémie est de type inflammatoire. Il existe parfois une thrombocytose et une hyperleucocytose associées. L'enquête étiologique de cette anémie inflammatoire doit être orientée par la clinique (à tire d'exemple : AEG et cancer, céphalées et maladie de Horton, température et syndrome infectieux, etc.), et la prise en charge n'est pas hématologique.
Anémie normocytaire
Anémie normocytaire : elle est habituellement normochrome. La mesure des réticulocytes est indispensable pour préciser, en cas de chiffre de réticulocytes inférieur à 100 000/mm3, le caractère arégénératif.
En cas d'anémie normochrome normocytaire arégénérative, une mesure de la TSH, de l'urée et de la créatinine doit être effectuée pour éliminer une hypothyroïdie et une insuffisance rénale qui peuvent s'accompagner d'anémie de ce type. Le myélogramme est cependant nécessaire dans la plupart des cas, à la recherche également d'un syndrome myélodysplasique ou d'une autre hémopathie (myélome...).
Si les réticulocytes sont élevés (supérieur à 100 000/mm3), le tableau est habituellement plus aigu et fait évoquer soit une hémorragie (visible cliniquement), soit une hémolyse. Il faut évoquer en premier lieu une hémolyse sur la constatation d'un ictère et éventuellement d'une splénomégalie. Les examens biologiques confirmant l'hémolyse sont : élévation de la bilirubine, élévation des LDH, diminution de l'haptoglobine. La constatation d'une anémie hémolytique du sujet âgé devant une anémie chronique doit nécessiter une consultation spécialisée. Les causes immunologiques (maladie des agglutinines froides et les hémopathies lymphoïdes chroniques) dominent le tableau.
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