Que pensez-vous de l'attitude de certaines caisses primaires, en particulier celle de Nice, qui a menacé de lourdes sanctions financières les médecins réfractaires à la télétransmission (de l'ordre de 51 000 francs pour les généralistes et 60 000 F pour les spécialistes) ?
ANDRE LOTH
Un certain nombre de caisses où le taux de télétransmission est déjà très élevé ont le sentiment qu'il existe un dernier carré de professionnels qui considèrent ne pas avoir à rendre à leurs patients le service de la télétransmission. A partir de là, les caisses essayent de faire en sorte, par différents moyens, que les textes conventionnels soient appliqués et que chacun s'équipe, même si elles admettent parfaitement l'existence de circonstances particulières dans certains cas.
En ce qui concerne l'application du droit, oui, certainement. Le tribunal administratif a d'ailleurs rejeté un recours en référé sur l'illégalité qui était alléguée par certains représentants des médecins. Dans ce domaine, il y a d'une part des considérations juridiques, et puis après, il y a des considérations d'équité, d'opportunité, qui dépendent en particulier des conditions locales.
On voit bien que, dans une région où la plupart des médecins télétransmettent déjà, il devient de plus en plus difficile, pour les medecins de prétendre que c'est impossible techniquement. Donc la Caisse a naturellement tendance à en tirer les conséquences.
En France, tous les malades aujourd'hui ont accès aux soins. Ce système public d'assurance-maladie a permis de solvabiliser la demande. Il implique que le médecin n'est pas reclus dans une tour d'ivoire mais vit dans la société. Par conséquent, il exerce non seulement son métier de médecin mais a aussi des tâches administratives, qui ne sont pas en elles-mêmes enthousiasmantes, notamment la rédaction de feuilles de soins. C'est cependant la condition pour que les patients bénéficient d'une prise en charge collective. Il ne s'agit pas de quelque chose d'indigne, ni d'une horrible corvée imposée à un pur savant. Mais notre système de santé, équitable et plutôt apprécié de la population, suppose effectivement un certain nombre de contraintes. Après, tout cela peut être apprécié, comme on dit, « avec tact et mesure », mais le refus systématique d'appliquer une obligation prévue par la convention n'est pas acceptable.
D'une part, je suis enchanté qu'on se bouscule pour se faire une place sur la CPS. D'autre part, la place de l'assurance-maladie sur cette carte est déjà très réduite (informations de base, comme le numéro de facturation assurance-maladie).
Nous finançons, à hauteur de 90 % environ, les cartes des professionnels de santé. Nous serions enchantés que le caractère cuménique et multi-usages de la CPS soit reconnu par d'autres que nous. Nous ne tenons absolument pas à ce que la CPS soit une carte purement « assurance-maladie ». Nous sommes donc certains de trouver un terrain d'entente avec l'Ordre. Et s'il entend accroître sa contribution au financement des CPS, nous n'y verrons que des avantages.
Vitale 1 bis et Vitale 2
Comment le déploiement de la carte individuelle Vitale 1 bis pour chaque ayant droit de plus de 16 ans se déroule-t-il ?
On a commencé la distribution des cartes cet été en Champagne-Lorraine. Maintenant, on a démarré sur les Pays de Loire. Après, viendront le Nord et la Normandie. Le déploiement a été arrêté quelques jours car nous nous sommes aperçus qu'il y avait des doublons, inscrits à la fois comme ayants droit et comme assurés, dans certains fichiers des caisses. Mais tous les ayants droit en France devraient avoir reçu leur carte au début de 2002.
Nous n'avons pas de nouvelles du décret ministériel sur le volet de santé de cette carte (1). Je crois savoir que le ministère a sollicité l'avis du Conseil économique et social. C'est un signe de concertation ou d'hésitation.
Comme prévu, les éditeurs de logiciels se bousculent au portillon pour avoir leur agrément euro, un peu au dernier moment. On peut le regretter. Le nombre de logiciels euro agréés aujourd'hui tourne autour de 70 (sans compter les clones). On est inquiet surtout pour les médecins. Les pharmaciens, eux, ont quasiment tous des logiciels agréés 1.31 [cahier des charges intégrant l'euro, NDLR] et un contrat de maintenance avec leur fournisseur qui leur assure une migration de l'ensemble de leur installation.
Négociations avec les URML
Où en est aujourd'hui le projet de partage des données issues des feuilles de soins électroniques (FSE), entre l'assurance-maladie et les unions régionales de médecins libéraux (URML) ?
On discute. En réalité, il n'y a pas eu de revirement sur ce sujet. L'assurance-maladie a toujours été favorable à ce que les unions puissent effectuer leur mission d'évaluation, et donc qu'elles disposent de données. Elle a indiqué depuis très longtemps aux unions qu'elle était disposée, dans des conditions qui soient conformes aux lois en vigueur, et notamment à la loi Informatique et Libertés [loi de 1978 à l'origine de la création de la CNIL, NDLR] à transmettre des informations aux unions. Les unions, pour leur part, ont toujours insisté sur la nécessité de recevoir de l'information qui provienne des professionnels, sans passer par le filtre du système d'informations d'assurance-maladie, dans les meilleures conditions techniques et dans des conditions qui puissent faire l'objet d'un audit et qui soient en tout cas transparentes. Nous n'y avons jamais vu d'objection de principe. Nous avons toujours soutenu qu'une information provenant uniquement d'une copie anonymisée des FSE transmises par les professionnels serait difficile à exploiter, mais que, après tout, c'était le problème des unions.
C'est difficile de vous en parler avant d'avoir consulté la CNIL à ce sujet. En fait, ces questions sont toutes techniquement assez compliquées. Ce qui est intéressant, dans l'information médicale, c'est le suivi des pratiques de soins, autrement dit le chaînage des informations, qui permet de savoir que tel malade, atteint de telle affection, a vu tant de fois le médecin, a eu tel médicament prescrit, est allé à l'hôpital, etc. Mais cela dépasse largement le cadre de l'envoi de copies de FSE anonymisées. Cela renvoie plutôt aux propositions de l'assurance-maladie au Centre national des professions de santé (CNPS) pour travailler en commun sur la base issue du Système national d'informations inter-régimes de l'assurance-maladie (SNIIRAM). On se situe là, non plus en amont, mais en aval du système d'informations des caisses. C'est là que les informations sont chaînées et qu'elles sont naturellement couvertes par le secret professionnel. La manipulation et l'accès à ces informations, bien sûr entreposées sous une forme anonymisée, exigent de fortes précautions.
60 % des médecins utilisent Vitale
Selon les nouvelles statistiques mensuelles de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), arrêtées au mois d'août, environ deux tiers des médecins généralistes et un tiers des spécialistes télétransmettent des feuilles de soins électroniques (FSE). Les nouvelles statistiques de la CNAM ont la particularité de ne comptabiliser que les praticiens ayant utilisé la carte Vitale dans le mois considéré. André Loth estime qu' « environ 60 % » des médecins libéraux sont passés aujourd'hui à la télétransmission.
Les caisses reçoivent maintenant 30 millions de FSE par mois. « Cela dit, les FSE représentent aujourd'hui moins d'un tiers des feuilles de soins », relève André Loth. « La croissance du nombre de FSE est essentiellement due à une augmentation du taux de feuilles de soins électroniques par médecin, qui s'ajoute évidemment à la croissance du nombre de médecins télétransmetteurs, ajoute le responsable de la CNAM . De ce point de vue, on observe que cela s'améliore lentement. Chaque médecin, pris individuellement, atteint assez vite globalement un taux de 70 % de feuilles de soins faites en cabinet. Après cela on a tendance un peu à stagner. Maintenant de nouveaux outils permettent de réaliser des FSE en visite. »
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