CE MATIN encore, le Dr André Chassort ne fera que passer à l'hôpital local-maison de retraite où il exerce d'habitude à mi-temps. L'agenda de ce médecin de campagne de 58 ans est en effet bousculé par une autre campagne depuis qu'il brigue le siège de député de la deuxième circonscription de Saône-et-Loire, sous la bannière du Mouvement démocrate de François Bayrou (MoDem). Pour se lancer dans cette «aventure» et ce «challenge» sur les terres du Charolais-Brionnais , selon ses propres termes, le Dr Chassort est contraint de faire tourner au ralenti son cabinet de généraliste à La Clayette (prononcer La Clette, ndlr), petite ville de 2 200 habitants dont il fut le maire de 1989 à 1995.
Mais la journée d'un candidat peut être aussi remplie que celle d'un généraliste rural : distribution de tracts et interview avec France 3 le matin sur le marché de Charolles, visite d'usines et discussion avec deux chefs d'entreprise l'après-midi, et enfin «apéritif-débat» le soir à Digoin. «On boit d'abord, on cause après», précise André Chassort, qui revendique son «artisanat en politique» et préfère aux longs discours une convivialité à la bonne franquette. Et tant pis si, parmi la quinzaine de personnes présentes à cet apéritif-débat, l'une d'elles demande tout bas si le verre de mâcon-village sert à «rendre le débat plus animé»…
Ce soir-là, le Dr Chassort a choisi d'aborder le problème de la désertification médicale, qui est devenue hélas une nouvelle spécialité locale, au même titre que les fabriques de céramique de Digoin, sa foire aux escargots ou son pont-canal au-dessus de la Loire. Fort de son expérience professionnelle, le généraliste n'hésite pas à dérouter l'assistance pour faire valoir sa propre vision des choses. Alors que le conseil général de Saône-et-Loire a lancé en janvier une indemnité d'études pour attirer les jeunes médecins généralistes dans certains cantons déficitaires, le Dr Chassort rappelle que les aides financières à l'installation, «ce n'est pas encore l'Amérique» pour un jeune praticien et son conjoint. Il vaut mieux, selon lui, d'abord oeuvrer au désenclavement de la région (notamment grâce à la route Centre Europe Atlantique ou Rcea), favoriser «l'installation de généralistes dans desmaisons médicales auprès d'hôpitaux locaux» et miser ainsi sur «un partenariat public/privé». Le généraliste va même plus loin en évoquant l'éventualité d'une «organisation de l'installation pour assurer un service» face à des médecins «individualistes». «On le fait déjà pour les pharmaciens, les huissiers, les notaires», argue le Dr Chassort, qui déplore «le manque de courage politique» en la matière.
Faire « bouger les lignes ».
Il cherche à rassurer son auditoire au sujet du récent arrêté préfectoral supprimant les astreintes des généralistes libéraux en nuit profonde dans 57 cantons : «Cela coûtait 5700euros par nuit pour seulement 6 appels en moyenne entre minuit et 8 heures du matin. Avouez que c'est un peu gros!»
La problématique de la permanence des soins, le Dr Chassort ne la connaît que trop bien. Ancien secrétaire général adjoint du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), il fut contraint de démissionner en juin 2002 avec le reste de l'équipe dirigeante du Cnom, à la suite de la signature d'un protocole d'accord sur la permanence des soins très contesté en pleine grève des gardes.
Féru de nouvelles technologies, le Dr Chassort s'était efforcé par ailleurs de propulser l'Ordre sur Internet et de préparer la sécurisation des données de santé informatisées. Il se souvient que le projet de transformation de la carte à puce des professionnels de santé (CPS) en carte ordinale avait «provoqué un pataquès» en son temps. Pourtant, «cela va se faire», observe-t-il aujourd'hui avec satisfaction. Le Dr Chassort n'a jamais compris ce «refus d'aller de l'avant» chez la plupart de ses confrères. Lui reste en tout cas dans l'expérimentation en participant aujourd'hui à l'élaboration des «parcours de santé mutualistes» par pathologie, en tant que vice-président du Conseil médical et scientifique de la Mutualité française.
A travers son engagement politique, André Chassort souhaite aussi «bouger les lignes». Ce médecin, européen de coeur – son épouse est d'origine allemande – et par conviction, appartenait déjà au mouvement des Jeunes Giscardiens pendant ses études. L'UDF de Saône-et-Loire, qu'il préside depuis 2005, ne comptait que 35 adhérents en 2002 (contre 175 en 2007). «C'était vraiment la septième compagnie!», ironise-t-il. «Centriste pur et dur», André Chassort a réussi toutefois à «troubler la politique locale» à l'occasiondes élections sénatoriales de septembre 2004. Au lieu de s'incliner devant l'UMP, il choisit de se «maintenir au second tour», malgré les multiples pressions et «coups de fil de Paris». «Nous étions seulement quatre centristes à le faire en France!», raconte-t-il avec fierté à l'heure où d'autres centristes préfèrent encore un «ralliement» à Nicolas Sarkozy, synonyme de «suicide politique» à ses yeux.
Dans le Charolais-Brionnais, où François Bayrou a rassemblé 21 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle (contre 30 % pour Nicolas Sarkozy et 25 % pour Ségolène Royal), le Dr Chassort pense qu'il «a ses chances dans une triangulaire» aux prochaines législatives. Ses grands rivaux sont le député UMP sortant Jean-Marc Nesme (maire de Paray-le-Monial) et le PRG Jacques Rebillard (vice-président du conseil régional de Bourgogne et du conseil général de Saône-et-Loire). «Ils se mènent la guerre depuis vingt ans. Il faut en sortir!», plaide le candidat du MoDem. D'où l'idée d'un «centre indépendant» apte à «rassembler» et à «faire la synthèse».
En cas d'échec, cet outsider resterait «droit dans ses baskets». Et le regard sans doute toujours tourné vers l'avenir, quoi qu'il lui en coûte.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature